On avait prévu de faire du vélo et de manger des salades de crudités, de se lever tôt pour profiter de l’aube et des bienfaits d’une séance de yoga, et de lire. On se retrouve à petit-déjeuner à 11 heures en répondant à ses SMS : « Apéro à midi chez Guillaume, tu viens ? ». En guise de repas équilibré, on alterne sandwich et grillade, sans passer par la case ratatouille. Et la reprise de l’activité physique se fait attendre, au bénéfice d’un farniente littoral, voire d’un shopping. Doit-on culpabiliser pour autant ? Les vacances sont-elles faites pour s’imposer une bonne hygiène de vie ou pour se libérer de toute contrainte ? Faut-il tout contrôler ou lâcher prise pour les réussir ?

Dormir… mais pendant quelques jours seulement !

Dans un monde idéal, sans stress, sans agenda intenable, sans excitants, tout le monde devrait normalement récupérer de la fatigue de la journée pendant sa nuit de sommeil. Elle est faite pour ça. Mais, dans le monde réel, les tensions professionnelles, la gestion compliquée du temps et des horaires, la dépendance aux écrans, le manque de motivation pour pratiquer une activité physique font que le sommeil est parfois perturbé et que l’on ne dort pas son soûl. Quand arrivent les vacances, on envisage avec délectation le temps que l’on pourra passer dans les bras de Morphée, espérant que le dieu des rêves apportera une solution à nos problèmes de sommeil et à notre fatigue. Las ! il ne faut pas croire que roupiller à longueur de temps remettra les compteurs à zéro. Une carence importante de sommeil est très longue à effacer, et trois semaines à végéter n’y suffiront pas. D’autant que notre fatigue est, pour l’essentiel, « une fatigue de l’esprit », explique le sociologue Jean Viard. L’enjeu est donc, avant tout, de savoir « débrancher », notamment son ordinateur et son smartphone. Les quelques jours de repos bien mérités, pendant lesquels on peut dormir autant que le corps le réclame, devraient toujours s’accompagner d’une pause numérique. Ensuite, il sera beaucoup plus bénéfique de s’imposer un rythme de sommeil en adéquation avec son horloge biologique. Se reposer vraiment, c’est accepter d’aller se coucher quand on commence à sentir ses paupières s’alourdir, que ce soit l’après-midi pour une sieste ou le soir, et se lever quand on se réveille, sans attendre de se rendormir et de vivre un second réveil, plus pénible, deux heures plus tard.

Plus facile à dire qu’à faire. La difficulté est double : il n’est simple ni de reprendre contact avec ses besoins naturels quand on les a bafoués à longueur d’année, ni de résister aux sollicitations qui perturberaient cette écoute de soi, comme par exemple succomber aux longues soirées à discuter avec les amis, bien agréables, ou les soirées, plus longues encore, à danser comme un diable.

Faire la fête… un peu

Vous voyez où je veux en venir et vous vous dîtes que si l’on ne peut même plus faire la fête pendant les vacances, la vie est bien triste. Certes ! Mais lâcher prise ne veut pas dire être inconséquent. La fête, cette « vie plus intense, plus émotionnelle », selon les termes du sociologue Christophe Moreau, procure des émotions fortes, obligent souvent à se concentrer sur différentes conversations, à échanger avec de nouvelles personnes, tout en étant attentif à la musique. Elle « est un peu l’équivalent pour le cerveau d’un entraînement musculaire complet du corps », explique le neuroscientifique américain Robert Froemke et, en cela, elle est bénéfique. Mais, tout comme un excès de sport, un excès de fête conduit à de la fatigue et à des troubles du sommeil. Sans compter qu’elle est propice à une consommation d’alcool souvent bien trop importante.

Pendant les vacances, augmenter exceptionnellement sa consommation d’alcool… Non !

Ah ! les petits apéros entre amis et en famille, midi et soir, et les bières bien fraîches, plus attirantes qu’un verre d’eau plate… Les occasions sont nombreuses de céder au petit caprice d’une boisson alcoolisée, d’autant qu’on se dit que c’est pour une courte durée et que l’on a été raisonnable toute l’année. Sans même parler des effets psychoactifs de l’alcool, amplifiés avec la chaleur de l’été. Sa consommation, associée à un manque d’activité physique, une mauvaise alimentation et la fatigue, crée un cocktail qui peut transformer les vacances en véritable incubateur de problèmes futurs, au premier rang desquels une prise de poids difficile à perdre. L’alcool est calorique. Quinze centilitres de vin rouge contiennent environ 135 calories. C’est peu si l’on respecte la préconisation d’un verre par repas, mais cela monte vite si l’on en boit deux, auxquels s’ajouteront la bière de l’après-midi et le petit verre de spiritueux du soir ! Les 1 800 à 2 600 calories quotidiennes nécessaires, respectivement, à une femme et un homme, seront allègrement dépassées après avoir dégusté un hamburger, ses frites et un dessert à midi, des cacahuètes, une grillade et, oh ! du concombre (un effort louable) le soir. La marche digestive d’une heure permettra d’en brûler un peu plus de 200. La sieste, aucune. Si, en plus, vous envisagez de prolonger vos nuits allongé tout l’après midi sur le sable chaud, la reprise risque d’être difficile.

Etre curieux, vouloir tout connaître, courir par monts et par vaux…

Réveil à 7h30, petit déjeuner à 8h00, visite de l’Acropole à l’ouverture car il y a moins de monde, repas léger (une salade grecque) dans le quartier de la Plaka à 13h00, bus à 15h00 en direction de Delphes, soirée « détente » avec upload des photos du jour et résumé des meilleurs moments sur le blog personnel, coucher tôt en prévision de la visite du site archéologique, de bonne heure le lendemain. Les visiteurs et les baroudeurs hyperactifs, qu’ils soient férus de sites archéologiques et de musées, de plongée sous-marine ou de randonnée alpine, veulent tout voir, tout faire et ne surtout rien manquer.

Le bénéfice évident de vacances actives, c’est qu’on bouge. Et bouger, faut-il le répéter, a pour effet immédiat de faire baisser le stress et, à plus long terme, de favoriser le bien-être et la bonne santé. Attention cependant aux excès si vous n’êtes pas habitués à l’effort physique. Les vacances peuvent sembler être le bon moment pour se remettre au sport mais, si l’on a été sédentaire toute l’année, la prudence s’impose. En prévision de randonnées à pieds ou à vélo, de stages de danse ou de tennis, ou de visites effrénées, un entraînement quelques semaines, voire quelques mois, avant le début des vacances, est recommandé lorsqu’on n’a ni les muscles, ni le cœur, ni la capacité respiratoire d’un simple adepte de la marche quotidienne. Pour rappel, 30 minutes d’activité physique dynamique par jour (une marche soutenue, par exemple) suffisent à renforcer la musculation, à améliorer l’endurance et, à long terme, diminuent les risques de maladies cardiovasculaires (qui touchent le cœur et/ou les vaisseaux sanguins), d’obésité, de certains cancers et de diabète de type 2.

Autre bénéfice d’un esprit curieux et d’une envie insatiable de découverte, ils sont les garants d’une bonne santé mentale. L’an­xiété et la curiosité « fonctionnent en tandem et sont, en fait, deux façons différentes de réagir à la nouveauté », explique le psychologue américain Todd Kashdan, qui ajoute : « les gens curieux se sentent plus en contrôle de leur vie et ils considèrent que leur existence a un sens ». Un effet connexe est que plus on aura été curieux, plus on aura vécu d’expériences nouvelles, et plus l’on aura envie de les raconter, de les partager. Or, l’expression de nos souvenirs consolide nos ressentis et augmente notre estime personnelle (source en anglais).

… à condition de savoir faire des pauses

Curieuses de tout, mais ne sachant pas rester en place, certaines personnes ont du mal à prendre le temps de se détendre. Lézarder au soleil, lire, s’émerveiller devant la voie lactée… Oui, quelques minutes éventuellement, mais pas pendant des heures ! Sans parler d’hyperactivité pathologique (TDAH), caractérisée notamment par la recherche d’activités qui procurent une récompense immédiate, les personnes très actives ne supportent pas de ne rien faire et veulent souvent faire trop de choses en trop peu de temps, en vacances comme au boulot. Si le farniente extrême n’est pas très bon, ne pas réussir à calmer l’ébullition permanente de son cerveau et l’agitation de son corps peut faire des vacances une épreuve stressante, les effets de cette dernière étant d’autant plus insidieux que la satisfaction d’avoir fait le plein de nouveaux paysages et de nouvelles expériences est bien réelle. A l’inverse, pour ces boulimiques d’activités et pour les workaholics, des vacances pépères en famille peuvent être un vrai supplice, un véritable défi et l’occasion, parfois, d’une prise de conscience salvatrice. Qu’elles soient suractives ou maladivement dépendantes de travail, toutes ces personnes auront intérêt à expérimenter des techniques de relaxation pour permettre à leur cerveau et à leur corps de se reposer.

Les personnes qui surinvestissent leur travail fonctionnent souvent sur l’énergie du stress et évitent de donner trop d’attention leurs sensations. Dès qu’elles décrochent, leur corps peut être submergé de symptômes négligés, certaines études montrant même que le système immunitaire peut défaillir au moment d’une diminution brutale du niveau de stress. Les bobos plus ou moins graves surgissent. Sur le plan mental, il arrive que les vacances et leur injonction au bonheur fassent « péter les plombs » : la période devient source d’anxiété, la déprime guette. Parfois un burn-out estival, dont sont principalement victimes les femmes, se déclare. Les vacances agissent pour ces personnes comme un révélateur de comportements, de troubles, de situations qu’il est grand temps de changer ou de prendre en charge.

Quelques principes simples pour passer de bonnes vacances

Imaginer ses vacances et penser à ses attentes, avant de partir, est important pour ne pas se laisser entraîner dans des activités non souhaitées, ou trop nombreuses, le moment venu. Cela permet de garder un certain contrôle sur ses envies et d’être satisfait de ce qu’on fait, sans générer de stress incompatible avec cette période qui devrait être avant tout une source de bien-être. Il faut organiser ses vacances « en fonction de sa personnalité plutôt que de s’enfoncer dans un stéréotype » : la plage de sable blanc bordé par les cocotiers d’un hôtel usine n’est pas nécessairement faite pour vous. Ce qui correspond le mieux à vos attentes et à vos besoins, ce sont peut-être des vacances minimalistes et écolos, voire même à la maison, qui ne sont ni l’une ni l’autre forcément source d’ennui ! Si vous avez réfléchi à ce qui comptait pendant vos vacances, mettez tout en œuvre pour apprécier et savourer les instants présents que vous vivez, qu’il s’agisse d’aller ramasser des coquillages seul pour vous ressourcer, de vous donner un défi (réaliste) pour changer vos habitudes, ou d’organiser un repas familial dans la joie et la bonne humeur, même si vous appréhendez un peu les réflexions pas toujours agréables de tante Marcelle.

Activité physique, alimentation équilibrée et sommeil sont les trois piliers d’une bonne santé. Les vacances permettent assez aisément de réunir ces ingrédients parfois négligés le reste de l’année. Tout se joue dans la capacité de chacun à trouver l’équilibre subtil entre maîtrise et lâcher prise qui, s’il est atteint, sera source de plaisir et, pourquoi pas, de changements qui influenceront le quotidien le reste de l’année. Car oui, les vacances ont une fin.

Crédits

Texte : © J.-C. Moine / Ethnomedia

Photo : freepik.com/deux-etoiles-mer-chapeau-sable_3217607.htm