Savoir si ce qu’on achète à manger dans les supermarchés est bon pour notre santé, sans y passer des heures : c’est l’objectif du Nutri-Score. En notant les aliments transformés de A à E pour qualifier leur qualité nutritionnelle, le logo est-il à prendre au pied de la lettre ?
Vous non plus, passer deux heures dans les rayons à décrypter les ingrédients sur le dos des emballages, ça ne vous passionne pas ? Et pourtant vous aussi souhaitez bien vous nourrir, n’est-ce pas ?
Le Nutri-Score est encore un coup de Serge Hecberg, professeur de nutrition à l’université Paris XIII. Mais si ! Vous le connaissez ! C’est à lui que l’on doit le Programme national nutrition santé et ses lignes de base, les mantras « 30 minutes d’activité physique quotidienne » ou « 5 fruits ou légumes par jour ». On dirait bien que cinq est un chiffre-clé du prof en nutrition car depuis environ deux ans apparaissent sur la face avant de certains produits alimentaires 5 couleurs et 5 lettres dont l’une est entourée.
Le principe ? En un coup d’œil, pour une catégorie d’aliments donnée (par exemple les pizzas), une échelle de couleurs associées à des lettres permet de privilégier les meilleurs produits : une pizza A vert foncé sera meilleure nutritionnellement qu’une pizza E orange foncé.
Vidéo promotionnelle du Nutri-score
Le Nutri-Score marque des points
Les entreprises d’agro-alimentaire ont l’obligation, depuis décembre 2014, de mentionner les apports industriels d’un produit, en particulier les sucres et les additifs tels que les conservateurs, agents texturants, exhausteurs de goût et colorants, souvent là pour tromper le consommateur sur la nature de ce qu’il mange vraiment. Face à un étiquetage parfois un peu complexe, le Nutri-Score se veut un indicateur plus simple et intelligible, via un logo conçu par Santé publique France à la demande de la Direction générale de la santé.
Nutri-Score concerne tous les aliments transformés – excepté les herbes aromatiques, thés, cafés, levures – et toutes les boissons, sauf les boissons alcoolisées. Il prend en compte, pour 100 grammes de produit, la teneur en nutriments et aliments à favoriser (fibres, protéines, fruits et légumes) et en nutriments à limiter (énergie, acides gras saturés, sucres, sel). Il n’évalue pas les additifs, les pesticides ou le degré de transformation des aliments.
Un algorithme mathématique a été élaboré pour permettre de résumer la qualité nutritionnelle des aliments. Après calcul, le score obtenu par un produit permet de lui attribuer une lettre et une couleur. Mais attention, le Nutri-Score est conçu pour choisir de manière éclairée entre différents produits comparables, c’est-à-dire qui ont une pertinence à se substituer les uns aux autres dans notre consommation. Si vous trouvez une pizza qui s’honore d’un A au Nutri-Score, ça ne veut pas dire qu’elle est nutritionnellement aussi intéressante qu’un paquet de haricots verts surgelés qui bénéficie du même score. De même, des frites qui affichent A, c’est possible, mais cela n’a rien à voir avec l’évaluation des mêmes frites après cuisson, selon qu’elle aura été faite au four sans matière grasse ou à l’huile…
Il ne s’agit pas non plus de s’acheter une bonne conscience et d’en profiter ensuite pour se lâcher sur le sucre et le gras parce qu’on mange du pain complet. Si, si, c’est une tendance naturelle : une étude, publiée en 2016 dans la revue Appetite, axée sur les sciences du comportement, montre que lorsque des consommateurs agrémentent leurs yaourts nature de confiture, ils ajoutent deux fois plus de sucre qu’il n’y en a dans les yaourts aux fruits du commerce !
Les Français sont 91 % à plébisciter le Nutri-Score car il répond à un besoin de connaître la qualité nutritionnelle de ce que nous achetons ; comme un guide pour choisir. C’est ce qui ressort de la 3e vague d’enquête sur la connaissance et la perception des Français à l’égard du logo Nutri-Score, présentée par Santé publique France lors d’une rencontre avec les industriels et les distributeurs le 20 septembre dernier. La ministre de la Santé, Agnès Buzyn, en a profité pour lancer le 4e programme nutrition santé qui vise, entre autres, à lutter contre l’obésité. Le Professeur Serge Hercberg indique, en outre, que le Nutri-Score appliqué à tous les produits permettrait de réduire de 3,4 % la mortalité par maladie chronique (cancers, maladies cardiovasculaires). Selon les scientifiques, entre 6 600 et 8 700 décès par an pourraient ainsi être évités.
Le Nutri-Score n’est pas adapté aux produits destinés aux enfants de 0 à 3 ans. En effet, les besoins nutritionnels des enfants sont spécifiques, notamment concernant les apports en lipides. Il n’est donc pas recommandé d’utiliser le Nutri-Score pour ce type d’aliments.
Mais l’industrie fait de la résistance…
Le Nutri-Score n’est pas obligatoire, il est seulement recommandé aux fabricants par un arrêté ministériel datant d’octobre 2017.
De 36 % en avril 2018, la visibilité du Nutri-score est passée à 65 % en mai 2019. Parmi les bons élèves on trouve Leclerc, Auchan, Intermarché, Casino, Danone, Bonduelle, Materne, Fleury-Michon… Au total 180 industriels et distributeurs utilisent Nutri-Score dont les derniers en date sont Nestlé Céréales et Panzani. À l’inverse, certains fabricants refusent catégoriquement d’afficher le logo Nutri-score, comme Coca-Cola, PepsiCo, Nestlé, Unilever… Il faut dire que leurs aliments ultratransformés ont peu d’attrait nutritionnel : ils sont généralement pauvres en nutriments, riches en sucres, en graisses et en additifs. Un lobby au niveau européen a empêché le logo de s’afficher de manière transparente sur les publicités et d’informer les consommateurs sur les qualités nutritionnelles des produits proposés.
La marque Jocker informe clairement ses clients : « Au sein des boissons sans alcool, après calcul du Nutri-Score, seules les eaux obtiennent la note A car elles n’apportent ni calories ni sucres. Tous les jus de fruits et nectars du marché sont classés de B à E. Deux de nos gammes ont la meilleure note du marché pour des jus de fruits et nectars avec une note Nutri-Score B. Tous nos autres produits sont notés C – la note moyenne des jus de fruits et nectars – excepté Joker Le Fruit Raisin qui est noté D car le raisin est un fruit naturellement sucré. »
En matière d’alimentation, tout est question de quantité et d’équilibre. Dans le cadre d’un petit-déjeuner équilibré, un produit laitier, un produit céréalier, une boisson chaude et un verre de 150 ml de jus de fruits noté B vous apporteront l’énergie et les bienfaits nécessaires pour bien commencer la journée !
Pendant plusieurs mois de l’année 2019 ont circulé sur les réseaux sociaux des photomontages qui montraient des aliments industriels (sodas édulcorés, frites surgelées, céréales chocolatées) bien notés par Nutri-Score en regard d’aliments traditionnels (sardines à l’huile, fromages…) étrillés par l’outil de notation. Leur but : donner l’impression que le Nutri-Score évalue de façon absurde la qualité nutritionnelle des aliments. De la fake news bien emballée, désinformation visant à discréditer et déstabiliser l’indicateur. Lequel, il faut le rappeler, est conçu pour choisir entre différents produits comparables. Comparer le Nutri-Score de notre pizza du début à celui d’un yaourt n’a pas de sens.
En réaction, en mai 2019, l’UFC-Que Choisir a lancé, avec six autres associations européennes, l’initiative citoyenne européenne « Pronutriscore.org » pour rendre obligatoire le Nutri-Score en Europe. Plusieurs ONG et sociétés savantes ainsi que le professeur Serge Hercberg, père fondateur du Nutri-Score, soutiennent la démarche.
60 millions de consommateurs » dresse une liste des aliments industriels à bannir
Les applis nous permettent d’être consomm’acteurs
Gardons en tête que le Nutri-Score n’évalue « que » la qualité nutritionnelle des aliments. Il ne prend pas en considération les additifs, les pesticides ou le degré de transformation de ces mêmes aliments, la teneur en minéraux comme le potassium, calcium, fer etc., la teneur en vitamine comme la vitamine C ou la vitamine D, le mode de production – cela peut être important, pour les jus de fruits notamment -, la facilité de digestion…
Profitant de ces lacunes et de ce que certains fabricants n’affichent pas le Nutri-Score, des applications ont été créées pour connaître le score nutritionnel d’un produit, le plus souvent en scannant son code barre.
Vous pouvez choisir de rentrer toutes les infos « à la mano » dans les modules de calcul de 60 millions de consommateurs, par exemple. Mais personnellement je préfère laisser Open Food Facts ou Yuka travailler. Petit coup de cœur de la rédactrice, cette seconde appli note vos aliments selon trois critères : leur qualité nutritionnelle, leur caractère bio, et la présence ou non d’additif.
Un peu différent mais ludique, vous pouvez aussi photographier vos assiettes pour que Foodvisor analyse le nombre de calories que vous allez avaler. Utile au restaurant, bien qu’approximatif et ne donnant évidemment pas d’idée sur la qualité nutritionnelle de votre repas.
Cependant on ne perd pas de vue, non plus, que l’équilibre se constitue sur le repas dans son ensemble, voire sur toute la journée et on ne s’interdit pas un produit noté D ou E, comme ces quatre délicieux carrés de chocolat de 16 h, – si c’est du chocolat noir, c’est plein de magnésium. On les compensera par un bon bol de soupe de légumes le soir. Comme tout système de notation, le Nutri-Score est un indicateur qui ne doit pas faire oublier bon goût… et bon sens, toujours et encore !
Notre nutritionniste-conseil vous explique comment décrypter les étiquettes alimentaires. Savoir les lire est un atout précieux et complète le Nutri-Score.
POUR ALLER PLUS LOIN
• Une étude complète, toute récente, sur l’évolution de la notoriété du Nutri-Score, sa perception et son impact sur les comportements d’achat déclarés entre 2018 et 2019.
• Le dossier Nutrition et santé de L’inserm.
• La pétition d’initiative citoyenne européenne « Pronutriscore.org » pour rendre obligatoire le Nutri-Score en Europe.
Crédits
Vidéo : © Ethnomedia / jcm pour Apivia Prévention
Photos : Fotolia.com