En utilisant une communication adaptée pour promouvoir des comportements favorables à la santé, les méthodes de marketing social ont un effet réel sur la santé des populations. Pour preuve, des études récentes ont montré l’impact du programme associatif Vivons en forme (VIF®) de prévention de l’obésité chez les enfants.
Le marketing social est calqué sur les techniques du marketing commercial mais son objectif, plutôt que de vendre un produit, est « d’influencer les comportements dans un sens favorable au bien-être des individus et des communautés », selon la définition de l’International Social Marketing Association. Favoriser l’adhésion aux campagnes de vaccination, dissuader la consommation de tabac, encourager la pratique d’une activité physique : bien que méconnues, les applications du marketing social sont aujourd’hui courantes dans le secteur de la santé et de la prévention. Le programme Vivons-en-Forme (VIF®), agissant pour la prévention des inégalités sociales en matière d’habitudes alimentaires et d’activités physiques, a récemment fait l’objet d’une évaluation scientifique qui confirme l’intérêt et l’efficacité d’un marketing social bien conçu, notamment dans la prévention du surpoids et de l’obésité des enfants.
Surpoids et obésité infantile
En 40 ans, le nombre d’enfants obèses dans le monde aurait été multiplié par dix. En France, la situation s’est stabilisée depuis 2006 mais, avec 17 % des enfants de 6 à 17 ans en surpoids, dont 3,9 % en situation d’obésité (en 2015), la prévalence du surpoids et de l’obésité infantile reste élevée. Pour expliquer cette stabilisation, observable dans de nombreux pays du monde, une hypothèse est que le seuil maximum d’enfants susceptibles d’être en surpoids ou obèses aurait été atteint, au regard de facteurs génétiques, environnementaux ou comportementaux. Une autre hypothèse est que les initiatives destinées à développer l’éducation nutritionnelle et la promotion de l’activité physique auraient porté leurs fruits. Ce serait le cas, en France, du Programme national nutrition santé (PNNS), mis en place à partir de 2001.
Cependant, les disparités sociales sont très importantes : les enfants d’ouvriers sont 4 fois plus touchés par l’obésité que les enfants de cadres. La stabilité de la progression du surpoids et de l’obésité chez l’enfant serait un peu « l’arbre qui cache la forêt des inégalités », estiment Thibault Deschamps et Odile Vérier-Mine dans une tribune au Monde. Cette situation est par ailleurs très fragile, comme le montre une étude récente sur la progression de l’obésité chez les enfants de quatre ans pendant la crise sanitaire. Entre 2018-2019 et 2020-2021, leur nombre a quasiment doublé, passant de 2,8 % à 4,6 %, le taux d’enfants en surpoids progressant quant à lui de 8,9 % à 11,2 %. Cette augmentation significative a touché en particulier les filles et les enfants d’écoles appartenant à un réseau d’éducation prioritaire ou prioritaire renforcée.
VIF : prévenir l’obésité et le surpoids chez les enfants
Le programme Vivons-en-Forme (VIF®) a pour objectif d’accompagner les collectivités locales et territoriales dans la mise en œuvre d’actions de santé publique. Il est développé au sein des écoles, dans plus de 250 communes, et a touché environ 600 000 enfants en 30 ans. Plus de la moitié des communes impliquées possède des quartiers prioritaires de la politique de la ville, des zones urbaines en grande partie occupées par une population défavorisée et vulnérable.
Ce programme, nous explique Odile Vérier-Mine, est coconstruit avec les agents du périscolaire, de la pause méridienne, des centres sociaux des villes : « nous leur proposons d’enrichir leurs pratiques avec un ensemble de notions et d’outils, développés par des comités d’experts composés de professionnels de la petite enfance, de la sociologie, de l’encadrement, et mis en application dans des ateliers validés sur le terrain. On insiste pour que ce soient les acteurs locaux, au contact des enfants, qui s’approprient les thématiques. Ce sont eux qui deviennent les experts. Cela permet de répéter les ateliers dans le temps, car il ne faut pas s’imaginer qu’un seul suffit. L’expérience montre que pour être efficace, il faut que les thématiques soient régulièrement réintroduites dans différents ateliers, à différents moments et par différentes personnes ».
Les actions de VIF®, présentées dans les émissions Mille et une vies et Télématin, diffusées sur France 2, permettent de se faire une idée précise des ateliers.
Les résultats de plusieurs études scientifiques suggèrent fortement l’efficacité des méthodes de l’association
En 2008 et 2015, deux études transversales (en anglais) ont été réalisées auprès de 6802 enfants âgés de 5 à 11 ans ayant participé pendant 7 ans au programme VIF® dans les écoles de 6 villes différentes. Résultat ? En 2015, le nombre d’enfants en surpoids ou obèses avait diminué de 28,2 % en maternelle, et de 19,2 % en CM2. Des résultats qui montrent, selon les chercheurs, l’impact positif des ateliers sur la prévalence du surpoids et de l’obésité dans l’enfance.
Une autre étude, parue en 2020 (en anglais), a systématiquement surveillé l’état de poids des écoliers de quatre communes participant au programme VIF®. En 4 ans, s’enthousiasme Odile Vérier-Mine, « le nombre d’enfants en surpoids ou obèses a diminué de moitié. Des résultats auxquels nous ne nous attendions pas » ! Ces bons chiffres sont à mettre en perspective, selon les auteurs de l’étude, avec ceux que l’on observe à l’échelle nationale, où les trajectoires de poids ont été inversées chez « seulement » 38 % des enfants en surpoids ou obèses sur une période de 9 ans. Mais ils sont aussi à nuancer, la méthodologie de l’étude n’incluant pas de groupe témoin, normalement indispensable pour comparer les résultats. « On pourrait certes dire que c’est le fruit du hasard », commente Odile Vérier-Mine, mais on possède des éléments de preuve importants : « le nombre de thématiques déployées n’était pas le même dans toutes les villes. Or, l’étude a montré que l’efficacité du programme est corrélée au nombre de thématiques : elle est meilleure dans les villes qui les ont toutes utilisées, et moindre dans les villes qui n’en ont utilisé que certaines. Elle a aussi étudié l’effet du nombre d’animateurs, et on a obtenu les mêmes résultats. Moins ils étaient nombreux, moins l’effet sur l’obésité était prégnant. Plus il y avait d’intervenants, plus les enfants ont perdu de poids ». La formation du personnel scolaire auxiliaire aux interventions axées sur l’expérience dans les programmes scolaires aurait bien contribué positivement à réduire l’obésité infantile, estiment les chercheurs.
Alors que nous pensions faire essentiellement de la prévention primaire, pour prévenir l’obésité, se réjouit Odile Vérier-Mine, « en réalité, nous avons réussi à faire diminuer le pourcentage d’enfants obèses ou en surpoids. Nous avons donc une véritable action de prévention secondaire ». Ces enfants influencent-ils à leur tour les comportements familiaux ? Des témoignages indiquent que c’est le cas : « certains enfants demandent plus de fruits dans leur boîte de goûter, incitent leurs parents à acheter des yaourts moins sucrés, ou encore leur proposent de prendre le temps de partager un petit déjeuner ».
Définition : La prévention primaire agit en amont de la maladie et vise à réduire les risques d’apparition de nouveaux cas. La prévention secondaire agit à un stade précoce de la maladie et vise à s’opposer à son évolution.
POUR ALLER PLUS LOIN
A lire
Marketing social. De la compréhension des publics au changement de comportement
De Karine Gallopel-Morvan (dir.), Presses de l’EHESP, 2019.
Qu’est-ce que le marketing social ? Est-ce différent de la communication sociale ? Quels en sont les principes, les atouts, les outils ? Que signifient les 5 C ? En quoi une campagne de marketing social est-elle efficace, dans un programme de prévention, pour modifier les comportements de bien-être et de santé ? Quels sont les risques éthiques du développement de cette technique ? Cet ouvrage combine éléments théoriques, conseils pratiques et exemples de campagnes de marketing social.
Guide du parcours de soins : surpoids et obésité chez l’enfant et l’adolescent(e)
Ce guide de la Haute Autorité de santé décrit les soins, l’accompagnement et le suivi médical de l’enfant/l’adolescent(e) en situation de surpoids ou d’obésité. Il réaffirme l’importance d’un dépistage précoce couplé à une évaluation des habitudes de vie. Il détaille le rôle de chacun des professionnels impliqués dans le parcours, et revient sur les situations dans lesquelles ils peuvent être sollicités.