Les États membres de l’Organisation mondiale de la santé, dont la France avec son Programme National Nutrition Santé, souhaitent réduire la consommation de sel de 30 % d’ici 2025. Le sodium contenu dans notre condiment préféré a en effet des conséquences néfastes sur la santé quand il est consommé en trop grande quantité.

Par commodité, on parle du sel pour évoquer les cristaux blancs de chlorure de sodium qui nous servent de condiment en cuisine, mais il existe bien d’autres sels minéraux : calcium, fer, magnésium, phosphore et autre potassium, présents dans les roches, les sols et les êtres vivants. Sans ces micronutriments, la formation de nos os et de nos dents serait impossible, tout comme le transport de l’oxygène dans nos vaisseaux sanguins ou encore la transformation de la nourriture en énergie.

Le sodium est majoritairement présent dans le sang et dans le liquide interstitiel, un fluide qui occupe l’espace entre les capillaires sanguins et les cellules, ces dernières y puisant leur nourriture et y libérant leurs déchets. Le corps d’un adulte contient environ 100 grammes de sodium, dont le rôle est crucial, notamment dans l’équilibre optimal des liquides de notre organisme, dans la transmission des influx nerveux et dans la contraction des muscles.

Quand l’apport en sodium est trop important, il perturbe l’équilibre de l’organisme et produit des effets délétères sur la santé. Or, le sodium se trouve partout, dans les aliments courants comme le lait, la viande et les crustacés, les aliments transformés comme le pain, la charcuterie et les plats cuisinés, certaines eaux minérales et évidemment le fameux chlorure de sodium qui nous sert de sel de cuisine. Et que nous apprécions un peu trop.

Sodium et maladies cardiovasculaires

Les effets d’un excès de sodium sur l’élévation de la pression artérielle (hypertension artérielle) sont connus, tout comme les bienfaits d’une baisse des apports en sodium sur une pression trop élevée. L’hypertension artérielle étant un facteur majeur de risque cardiovasculaire et d’accident vasculaire cérébral, il semble logique d’en déduire qu’une consommation élevée de sel entraîne un risque cardiovasculaire. Si la question a pu susciter une controverse, les effets du sodium sur les maladies cardiovasculaires sont clairement établis lorsque les scientifiques utilisent une méthodologie fiable qui suppose, en particulier, des mesures du taux de sodium dans l’organisme via plusieurs échantillons d’urine (et non pas un seul) prélevés sur 24 heures et pendant plusieurs années, de manière à tenir compte des variations saisonnières, quotidiennes et diurnes de ce taux. Des chercheurs ont ainsi montré que le risque d’événements cardiovasculaires est le plus faible à des quantités de sodium de 1 500 milligrammes, et augmente graduellement à un rythme de 17 % pour chaque 1 000 milligrammes de sodium supplémentaires par jour. Parmi les autres résultats marquants, on peut citer une étude épidémiologique japonaise ayant porté sur près de 60 000 personnes sans antécédent de maladie cardiovasculaire, suivies pendant 14 ans, qui a montré que le risque d’accident vasculaire cérébral (AVC) augmente de 55 % à 104 %, et celui de maladies cardiovasculaires de 42 % chez les plus gros consommateurs de sel.

La sensibilité au sel varie évidemment en fonction des individus. Si certains sont un peu plus tolérants à un apport élevé en sodium, d’autres seront à l’inverse plus affectés. C’est le cas notamment des personnes atteintes d’obésité́, des personnes qui ont développé une insulinorésistance, chez lesquelles la consommation de sel augmente le taux d’absorption du sucre dans le sang, et des personnes souffrant d’hypertension artérielle. Enfin, si l’on savait déjà que les populations africaines avaient une prédisposition génétique à l’hypertension induite par le sel, on sait seulement depuis peu que les femmes sont plus exposées que les hommes aux effets du sel sur la tension artérielle, pour des raisons génétiques et hormonales.

Moins de sel… et plus de potassium

L’OMS recommande de consommer quotidiennement moins de 5 grammes de sel, soit une cuillère à café, qui équivaut à 2,4 grammes de sodium. Dans le monde, l’apport moyen en sel est de 10,8 grammes par jour. En France, il est de 9 grammes chez les hommes et 7 grammes chez les femmes, d’après l’enquête INCA 3 publiée en 2017. Selon Santé Publique France, 90 % des adultes dépassent la limite recommandée par l’OMS (à titre de comparaison, seulement 40 % des adultes ont une consommation de produits sucrés supérieure aux recommandations). Le Programme National Nutrition Santé a pour objectif de réduire la consommation de sel de 30 % d’ici 2025.

Certains chercheurs estiment que nos lointains ancêtres avaient besoin d’une consommation quotidienne réduite de sodium, 200 milligrammes étant suffisants pour assurer nos besoins physiologiques de base. Les 5 grammes de sel par jour recommandés par l’OMS sont donc bien suffisants.

Pour atteindre cet objectif, on peut commencer par ajouter moins de sel à nos aliments, voire le supprimer en le remplaçant par les innombrables épices et aromates disponibles. Les papilles gustatives s’y font très vite. On peut aussi choisir un bon sel, car tous les sels ne se valent pas. 100 grammes de sel marin naturel sont composés de divers sels minéraux : majoritairement du chlorure de sodium (environ 80 grammes), mais aussi du chlorure de magnésium (une dizaine de grammes), du potassium et du calcium. Alors que 100 grammes de sel issu de l’exploitation minière de sel gemme et atterrissant sur nos tables sous forme de grains fins immaculés contiennent quasiment 100 % de chlorure de sodium très « pur », si l’on fait abstraction du traitement chimique qu’il a subi, destiné à éliminer les minéraux non souhaités (magnésium, calcium, considérés comme des impuretés…), de l’ajout d’additifs (E535, E536) et de son irradiation, tous deux visant à mieux le conserver…

Chez les adultes, 70 % des apports en sel proviendraient des aliments transformés : pain et biscottes, charcuterie, soupes, fromages, plats industriels, pizzas, quiches et pâtisseries salées… Cuisiner des produits frais sans ajout de sel et ne pas abuser de produits industriels ne sera que bénéfique.

Le sodium agit en équilibre permanent avec un autre élément chimique, le potassium, que l’on trouve dans les fruits, les légumes ou les noix. Son action est inverse de celle du sodium : plus on en consomme, plus la tension artérielle baisse. Un bon ratio sodium/potassium peut donc, en partie, neutraliser les effets d’un excès de sodium. L’Organisation mondiale de la santé recommande d’ailleurs d’augmenter l’apport en potassium. A titre d’exemples, 30 grammes d’une algue comme le kombu breton (ou 5 grammes de kombu japonais), 70 grammes de haricots blancs ou rouges, 100 grammes de pistaches grillées (sans « sel » !) ou 200 grammes de dorade rose permettent d’apporter environ 1/3 des besoins en potassium. Attention, ne prenez pas de compléments alimentaires riches en potassium sans avis médical.

Enfin, la réduction de l’apport en sodium n’est, bien entendu, qu’un élément d’une hygiène plus globale, incluant régime alimentaire et exercice physique : nos modes de vie ont aussi des effets substantiels sur la prévention et la baisse de l’hypertension et des risques cardiovasculaires.

Crédits

Texte : JC Moine / Ethnomédia 

Photo : Image par Marek de Pixabay