Des schémas simplistes sur le port du masque et son efficacité circulent actuellement sur internet. Beaucoup de tutos vidéo aussi, souvent très utiles, comme ceux de soignants et de couturières, et parfois très approximatifs de la part de youtubeurs surtout intéressés par le buzz. Faisons un point sur les masques et leur rôle dans la situation sanitaire actuelle.
Entendons-nous bien sur le rôle des masques utilisés à grande échelle, hors pratiques de soins ou médicales. Leur rôle premier n’est pas de se protéger soi-même, mais de protéger les autres contre les virus dont on pourrait être porteur. Selon la bonne formule du service public fédéral belge, Santé publique, avec le masque, « je te protège, tu me protèges ».
En respirant, en parlant, et plus encore en toussant et en éternuant, une personne infectée expulse des gouttelettes qui se déposent sur les surfaces et les personnes environnantes, et les contaminent. En portant un masque, on atténue mécaniquement la diffusion de ces gouttelettes et le risque que quelqu’un entre en contact avec elles. Comme on n’a pas la possibilité de tester toute la population, et que certaines personnes peuvent être infectées sans le savoir (elles sont asymptomatiques), le port du masque est préconisé par précaution pour tous et dans certaines situations. En France, c’est officiel depuis le 28 avril, le port du masque sera certainement obligatoire dans les transports publics, pendant au moins trois semaines à partir du 11 mai, jour du début du déconfinement de la population, ainsi que pour les professionnels de la petite enfance et les élèves à partir du collège.
« Mais il est certain que les trois semaines à venir seront difficiles et que nous devons rester vigilants. Le port du masque sera rendu obligatoire dans tous les transports, métros comme bus. Et les opérateurs devront, au moins pour les trois semaines à venir, s’organiser pour permettre, même dans le métro, de respecter les gestes barrières.
Source : https://www.gouvernement.fr
Malgré une certaine cacophonie – l’Organisation Mondiale de la Santé ayant déconseillé pendant longtemps la généralisation du masque pour éviter le relâchement de la distanciation sociale, alors que beaucoup de pays et de scientifiques considéraient cette généralisation nécessaire -, la capacité des masques à ralentir une épidémie semble aujourd’hui attestée, même si elle est très variable en fonction du type de masque et de la manière dont on l’utilise.
Les masques de protection « chirurgicaux » ou à « usage médical » : DM
En France, pendant la pandémie, les masques chirurgicaux sont exclusivement réservés aux professionnels de santé. Ce sont des dispositifs médicaux (DM) anti-projections, dont le rôle est d’éviter la diffusion des sécrétions, des gouttelettes de salive et des particules fines de celui qui le porte. Introduits dans les salles d’opération à la fin du 19ème siècle, ces masques étaient alors en tissus. Aujourd’hui à usage unique, ils permettent à leurs porteurs de ne pas contaminer leur entourage (surfaces, produits, autres personnes) par la diffusion de ces substances pouvant contenir le virus. Bien que leur efficacité soit prouvée pour un porteur qui respire et parle, elle est plus limitée en cas de toux et d’éternuement, car les trois couches de polypropylène qui les constituent laissent alors passer des gouttelettes dans l’environnement en plus ou moins grande quantité.
Ces masques sont inutiles pour se protéger soi-même du virus, car ils ne filtrent pas dans le sens extérieur-intérieur.
On distingue plusieurs types de masques chirurgicaux :
– type I : efficacité de filtration bactérienne > 95%
– type IR : efficacité de filtration bactérienne > 95% et résistant aux éclaboussures
– type II : efficacité de filtration bactérienne > 98%
– type IIR : efficacité de filtration bactérienne > 98% et résistant aux éclaboussures
L’ajout d’un R indique une résistance aux éclaboussures, mais ce type de masque ne protège pas contre l’inhalation de très petites particules en suspension dans l’air (3 microns).
Les masques de protection respiratoire : EPI
En France, pendant la pandémie, les masques de protection respiratoire sont exclusivement réservés aux professionnels de santé, très exposés. Pour répondre à la pénurie, le ministère du Travail a autorisé l’utilisation des masques de type FFP2 périmés dès lors que la date de péremption ne dépasse pas 6 mois et que des consignes strictes sont respectées avant leur utilisation. Mais ces masques manquent encore cruellement aux soignants, alors que certaines entreprises en consomment d’importantes quantités.
Plus sophistiqués que les masques chirurgicaux, ces équipements de protection individuelle protègent aussi le porteur du masque contre l’inhalation des agents infectieux. On les connait sous le nom de masques FFP, pour « Filtering Facepiece Particles » (« pièce faciale filtrante de particules »).
Les masques de classe FFP1 s’utilisent contre les poussières et les particules fines non toxiques. Dans le secteur de la santé, on utilise des masques de classe FFP2 pour se protéger des maladies, virus, champignons… Ils filtrent 94% des particules présentes dans l’air et en projettent 8%. Les masques de classe FFP3 sont encore plus protecteurs, et s’utilisent contre la variole, le plomb, le pollen et l’amiante. Ils filtrent 99% des particules présentes dans l’air et en projettent 2%.
Les masques à usage non sanitaire, ou alternatifs, ou « grand public », en tissu
Les tutos de masques en tissu fleurissent depuis quelques semaines. L’occasion de se mettre ou de se remettre à coudre, et de laisser exploser sa créativité. Un peu moqués au début, ils sont vite devenus populaires. Au point que la très sérieuse Association française de normalisation, l’AFNOR, maître de la certification, a mis à disposition de tous un référentiel de fabrication de ces masques à usage non sanitaire, complétant « la panoplie des indispensables gestes barrières face à l’épidémie de Coronavirus ».
Ce document décrit les exigences minimales pour la fabrication industrielle et artisanale de masques barrières, les tests à réaliser pour s’assurer de leur qualité, donne des conseils d’entretien, et un tas d’infos utiles qui vous permettront de réaliser de magnifiques masques avec des patrons prêts à l’emploi.
Si vous n’êtes pas prêts à sortir la machine à coudre, deux types de masques en tissu seront disponibles à la vente. Des masques individuels à usage des professionnels en contact avec le public (hôtesses de caisse, forces de l’ordre…), de « catégorie 1 », seront capables de filtrer de 90 à 95 % des particules émises par leur porteur. Des masques de protection à visée collective, de « catégorie 2 », seront en vente libre pour le reste de la population. Ils filtreront de 70 % à 80 % des particules.
D’accord pour porter ces masques en tissu, mais sont-ils efficaces ?
C’est la question que beaucoup se posent sur les forums et sur les réseaux sociaux. Et la réponse n’est pas simple. Car, bien que l’utilisation de masques en tissu réutilisables soit très répandue dans le monde, en particulier en Asie, on dispose finalement d’assez peu de recherches cliniques permettant d’affirmer nettement qu’ils ont un impact positif sur la transmission des virus et sur la progression des épidémies.
NON, les masques alternatifs ne sont pas aussi efficaces que des masques à usage médical. La Société française des sciences de la stérilisation (SF2S) et la Société française d’hygiène hospitalière (SF2H) ont bien insisté sur le fait que « ces équipements ne représentent en aucun cas des protections filtrantes suffisamment fiables » pour un usage médical (PDF).
On connait l’échec des masques en tissu pour arrêter l’épidémie de grippe de 1918, peut-être dû au nombre de couches de tissu nécessaires pour qu’ils soient suffisamment filtrants, mais entraînant, du même coup, des fuites sur les pourtours des masques (d’après Kellogg et MacMillan, PDF en anglais).
D’autres recherches montrent que la préconisation de porter un masque peut brouiller le message initial concernant les gestes barrières et la distanciation sociale. L’Organisation Mondiale de la Santé et certains infectiologues en concluent que le port généralisé du masque, quel qu’il soit, n’est pas souhaitable, car il pourrait favoriser des conduites à risque en donnant un faux sentiment de sécurité. Une position qui évolue cependant face à des études qui commencent à apporter un fort niveau de preuve en faveur du port du masque, comme celle parue dans Nature début avril (article en anglais).
OUI, les masques en tissu sont efficaces si l’on estime qu’ils ont pour principale vocation de limiter, ne serait-ce qu’un peu, la diffusion des sécrétions que nous expirons. Contrairement à l’OMS, l’Académie nationale de médecine a choisi de suivre les usages asiatiques et recommande l’utilisation généralisée du masque, y compris « un masque grand public antiprojections, fût-il de fabrication artisanale ». Le ministre de la santé, qui n’était pas un fervent partisan du masque au début de la pandémie, nous assure aujourd’hui que des masques « grand public », homologués en France et protecteurs à 70% ou 90%, sont des outils intéressants et auront « quasiment la même qualité de filtration que ceux des soignants ». Les pharmacies ont été autorisées, à partir du 27 avril, à vendre ces masques alternatifs réservés à des usages non sanitaires. Mais le flou artistique autour du prix et de la disponibilité de ces masques n’est pas pour rassurer le public.
Faute de mieux, de nombreux experts conseillent donc l’usage de ces masques « antipostillons », à condition qu’ils soient fabriqués selon les règles, ce qui devrait être le cas si on achète des masques homologués, en pharmacie, et qu’on les réserve aux situations dans lesquelles on ne peut maintenir une distance minimale, comme dans les transports publics ou au supermarché.
Bien porter le masque
Une étude comparative entre deux hôpitaux vietnamiens a montré, en 2004, que « l’utilisation d’équipements de protection personnelle semblait avoir joué un rôle dans le contrôle de la transmission du SRAS » (page 14 de ce PDF). L’institut national de santé publique du Québec estime, dans un avis scientifique sur le port du masque en situation d’épidémie d’Influenza (le virus de la grippe), qu’il est raisonnable de penser que les masques en tissu « pourraient réduire la vélocité et la quantité des particules expulsées par la toux et les éternuements » (page 9 de ce PDF).
Une étude datant de 2008 le confirme : « tout type d’utilisation générale de masque est susceptible de réduire l’exposition virale et le risque d’infection au niveau de la population, malgré un ajustement et une adhérence imparfaits ». Selon la même source, l’imperfection des masques alternatifs pourraient même s’avérer être un avantage, dans la mesure où ils réduiraient l’exposition virale sans la stopper complètement, ce qui permettrait de développer une immunité naturelle de groupe, progressive et efficace. Ces études portant sur des épidémies de grippe ne peuvent pas être directement transposées à l’épidémie de Covid-19, mais elles indiquent clairement qu’une faible réduction de la transmissibilité des virus, permise par le port de masques, peut être suffisant pour atténuer l’épidémie. Ce qui, selon l’Institut national de la santé publique du Québec, « aurait aussi pour effet de réduire l’impact de la pandémie sur le système de santé ».
Si l’on estime qu’une bonne éducation à la santé peut permettre de former chaque citoyen à un usage approprié des masques, on peut faire l’hypothèse que leur rôle sera bénéfique.
Si vous souhaitez les réaliser vous-même, la couture verticale au milieu du masque est à proscrire, car elle laissera passer les gouttelettes, tout comme l’usage de filtres à café ou de sac d’aspirateur, mauvaise bonne idée car vous inhalerez leurs fibres irritantes, allergènes, voire toxiques ! Les certifications de l’AFNOR (« AFNOR Spec – Masques barrières ») permettront de faire de belles créations aux normes.
Surtout, porter ces masques ne doit pas vous faire oublier les gestes barrières indispensables. Le grand public, qui n’est guère habitué à porter des masques, les utilisent souvent très mal, ce qui les rend inopérants. Mal fixés, touchés avec les mains, portés plusieurs fois, ces masques ne sont plus du tout utiles pour éviter la transmission du virus. Ils ne doivent donc en aucun cas remplacer les gestes barrière, mais venir en complément : se laver les mains, respecter une distance interpersonnelle de 1 mètre au minimum, tousser et éternuer dans son coude, ne pas se toucher le visage. Et mauvaise nouvelle pour les hipsters : pour être efficaces, les masques doivent être portés sur une peau nue.
Cette vidéo réalisée par les équipes du CHU de Nantes a fait le tour du web mais on ne résiste pas à la diffuser à nouveau et à saluer cette initiative !
POUR ALLER PLUS LOIN
• Toutes les informations officielles sur les masques grands public, sur le site du gouvernement.
• Où se procurer des masques en tissu ?
Les pharmacies vendent des masques en tissu « grand public » depuis le 27 avril. Puis progressivement, ils seront disponibles dans tous les commerces.
• Faut-il privilégier l’achat de certains masques ?
Oui, il faut choisir des masques homologués respectant les normes Afnor (Association française de normalisation). Ils sont dotés d’un logo (voir article ci-dessus). Le journal Le Monde rappelle que « Les masques agréés doivent indiquer sur l’emballage le nom du fournisseur, le numéro de la règle en vigueur pour les masques en tissu (Afnor SPEC S76-001), la durée d’utilisation et les instructions d’entretien ».
• Si on le confectionne soi-même, quelles matières utiliser ?
Le masque devant être à la fois respirable et bien ajusté au visage, et être composé de trois couches de tissu. Seules certaines matières sont utilisables. L’Institut français du textile et de l’habillement fournit une liste complète et actualisée. Par exemple, pour réaliser un masque de catégorie 2, on peut combiner une toile de coton de 150gr/m², de la viscose non tissée de 130g/m² et une autre toile de coton 150gr/m².
• Combien de temps puis-je le porter ?
On ne peut pas le porter pendant plus de quatre heure, et il est conseillé de le changer s’il est humide. Il faut aussi éviter de l’enlever et de le remettre, au risque de contaminer sa face interne. Il est donc préférable d’en avoir plusieurs, 2 à 4 en fonction du nombre de déplacements prévus.
• Comment entretenir les masques ?
On doit les laver à la machine à 60° pendant au moins trente minutes, sans adoucissant pour éviter les risques d’allergie. En l’absence de machine à laver, il suffirait de passer un coup de fer à repasser de chaque côté du masque, pour tuer le virus. La technique n’est pas recommandée par l’Afnor mais elle citée par une infectiologue sur BFM.
Pour les faire sécher, le mieux est de les repasser sans les abimer (température modérée).
Il faut les jeter une fois le cycle le nombre de 5, 10, 20 ou 20 cycles de lavages arrivé à son terme., ainsi qu’au moindre signe d’usure.
Crédits
Vidéo : © Ethnomedia / jcm pour Apivia Prévention
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