Le nouveau Projet de loi de financement de la Sécurité sociale s’inscrit sans surprise dans la logique gouvernementale de réduction des déficits. Analyse et décryptage.
Le Projet de loi de financement de la Sécurité sociale (PLFSS), présenté par Marisol Touraine, la ministre des Affaires sociales, de la Santé et des Droits des Femmes (notre photo), a été adopté par l’Assemblée Nationale le 1erdécembre 2014, à l’issue de plusieurs navettes parlementaires.
Rappelons que ce droit de regard du Parlement sur le budget de la Sécurité sociale a été institué en 1996 pour tenir compte de la fiscalisation accrue du financement de la Sécurité sociale (la contribution sociale généralisée – CSG – a été créée en 1991). Jusqu’à cette date, les caisses de Sécurité sociale étant exclusivement alimentées par les cotisations sociales, elles étaient gérées par les partenaires sociaux, représentants des salariés et des employeurs.
Depuis 18 ans, le PLFSS vise donc officiellement à maintenir l’équilibre financier de la Sécurité sociale. Dans les faits, il se borne surtout à enrayer l’emballement des dépenses, en déterminant les objectifs pour l’année suivante, en fonction des prévisions de recettes. Pour 2015, l’objectif est de faire baisser le déficit de la Sécurité sociale de 1,4 milliards, grâce à des mesures drastiques impactant la politique familiale, l’assurance-vieillesse et l’assurance-maladie.
Les allocations familiales mises sous conditions de ressources
Parmi celles-ci, figure la mise sous conditions de ressources des allocations familiales (6000 euros de revenus mensuels pour un foyer avec deux enfants), qui devrait concerner environ 12% des familles. Il ne s’agit pas tout à fait d’une première : déjà en 1997, le gouvernement Jospin avait décidé de mettre un terme à l’uniformité des prestations familiales. Mais il avait dû y renoncer un an plus tard devant la levée de boucliers des associations familiales.
Cette disposition du PLFSS 2015 suscite donc à nouveau des controverses dépassant les clivages politiques entre la droite et la gauche, entre ceux qui y voient une mesure de justice sociale et ceux qui dénoncent le recul du principe universaliste de la Sécurité sociale. La généralisation des allocations familiales à tous les salariés de l’industrie et du commerce date de 1932. En 1946 fut créée la Caisse nationale d’allocations familiales – CNAF – et leur bénéfice étendu à quasiment toute la population.
Les principales mesures prises en vue de l’Objectif national des dépenses d’assurance-maladie (ONDAM) sont le renforcement de la prévention et la promotion des médicaments génériques. L’accent sera mis sur la mise en œuvre de la notion de proximité du système de soins afin d’enrayer le phénomène de déserts médicaux.
Un effort en faveur des populations vulnérables
La stratégie de rationalisation des dépenses adoptées dans le PLFSS 2015 ne se résume pas à serrer le cordon de la bourse des prestations sociales. Un effort particulier est entrepris en faveur de certaines populations particulièrement vulnérables, comme les retraités les plus modestes, qui recevront une prime annuelle exceptionnelle de 40 euros, et les bénéficiaires d’une assurance-complémentaire santé (ACS) qui accèderont à partir du 1er juillet 2015 au dispositif de tiers-payant intégral réservé jusqu’alors aux bénéficiaires de la couverture maladie universelle (CMU).
Il s’agit d’une première étape vers la généralisation du tiers-payant pour tous les assurés, qui devrait intervenir en 2017. Il est également prévu, dans le cadre du PLFSS, d’améliorer significativement la prise en charge de la santé des détenus, qui depuis des années a fait l’objet de constats alarmants* non suivis d’effets.
Hormis ces mesures ciblées, le PLFSS 2015 joue davantage sur les économies que sur les recettes de la Sécurité sociale. Or, selon le rapport de la Cour des Comptes faisant état du doublement en huit ans des fraudes aux cotisations sociales, il reste de la marge dans ce domaine** !
ACOSS
Agence Centrale des Organismes de Sécurité Sociale
L’Acoss et le réseau des Urssaf participent à la pérennité de notre système de protection sociale, en collectant et en répartissant les cotisations et contributions sociales, sources du financement du régime général de la Sécurité sociale.
ACS
Aide à l’acquisition d’une Complémentaire Santé
Les personnes à ressources modestes peuvent bénéficier d’une aide au financement de leur complémentaire santé. Avec l’ACS, elles bénéficient également de tarifs médicaux sans dépassement d’honoraires et de la dispense d’avance de frais sur la partie prise en charge par l’Assurance Maladie.
CAF
Caisse d’Allocations Familiales
Cette caisse est l’une des quatre composantes du régime général de la Sécurité sociale. Les autres branches sont : la Maladie, la Vieillesse et le Recouvrement.
CARSAT
Caisse d’Assurance Retraite et de la Santé Au Travail
Organismes de droit privé exerçant les missions de service public suivantes :
– calculer et gérer la retraite des salariés, payer les pensions correspondantes et proposer des aides diverses aux retraités ;
– aider les entreprises à évaluer les risques d’accidents du travail et de maladies professionnelles (AT-MP) dans un but de prévention ;
– participer à la tarification de l’assurance AT-MP ;
– développer des actions de formation, de conseil et de prévention sanitaire et sociale dans le domaine de la maladie ;
– développer une politique d’action sociale au service des populations en difficultés grâce à leur service social ;
– développer une politique d’action sociale au service des retraités ;
– assurer un service social à destination des assurés fragilisés par la maladie ou la perte d’autonomie.
CPAM
Caisse Primaire d’Assurance Maladie
Ses principales missions sont d’affilier les assurés et de gérer leurs droits à l’Assurance Maladie, mais aussi de proposer, sous conditions de ressources, la CMU (Couverture Maladie Universelle), la CMUC (Couverture Maladie Universelle Complémentaire) ainsi que l’ACS (Aide Complémentaire Santé).
CMU
Couverture Maladie Universelle
La CMU de base permet d’être remboursé des dépenses de santé (y compris à l’hôpital) dans les mêmes conditions que les autres assurés.
ONDAM
Objectif National des Dépenses d’Assurance Maladie
L’ONDAM est le montant prévisionnel établi annuellement pour les dépenses de l’Assurance Maladie en France. C’est un outil de régularisation des dépenses de l’Assurance Maladie. Il a été créé par une ordonnance de 1996 dans le cadre du plan Juppé. Il englobe les soins de ville, d’hospitalisation dispensés dans les établissements privés ou publics mais aussi dans les centres médico-sociaux. Depuis 1997, il est voté chaque année par le Parlement dans le cadre du Projet de loi de financement de la Sécurité sociale.
PLFSS
Projet de loi de financement de la Sécurité sociale
La Loi de financement de la Sécurité sociale (LFSS) est une catégorie de loi créée par la révision de la Constitution du 22 février 1996. Elle vise à maîtriser les dépenses sociales et de santé. Elle détermine les conditions nécessaires à l’équilibre financier de la Sécurité sociale et fixe les objectifs de dépenses en fonction des prévisions de recettes.
URSSAF
Le rôle des Urssaf et de l’Acoss est de faire en sorte que notre système de protection sociale fonctionne en assurant la collecte et la répartition des cotisations et contributions sociales.
* Véronique Vasseur, Médecin-chef à la prison de la Santé, Le Cherche-Midi, 2000
** Rapport sur l’application des lois de financement de la Sécurité sociale, Cour des Comptes, septembre 2014
POUR ALLER PLUS LOIN
• A consulter : l’intégralité du texte du PLFSS sur le site de l’Assemblée Nationale
• A lire : un article sur le site de la Mutualité française concernant les nouveaux dispositifs prévus pour enrayer les déserts médicaux
Crédits
Illustration : © gouvernement.fr