L’un de nos chroniqueurs, utilisateur d’une balance et d’un podomètre de nouvelle génération, nous relate son expérience des objets de santé connectés, globalement positive, mais nous fait part de ses inquiétudes.

Le dispositif est connu depuis la nuit des temps : rien de tel qu’une carotte qui pendouille devant son nez pour faire avancer une mule. Pour pousser ma mère au train, point de tubercule au bout d’une ficelle, mais des chiffres qui défilent sur l’écran de son téléphone. Dans son quartier, certains commencent sans doute à s’inquiéter de voir une petite dame déambuler tard le soir autour du pâté de maisons. Ils ne devraient pas, car ce n’est pas qu’elle soit perdue ni qu’elle erre sans but.

Mon exercice et mon poids à la loupe

Sous la pression d’un objet connecté, plus forte que les bonnes résolutions et la seule volonté, elle s’efforce d’atteindre le nombre de pas quotidiens préconisé par l’Organisation mondiale de la Santé ou la Fédération française de Cardiologie. Il y a quelques semaines encore, elle pouvait perdre des heures sur son mobile à battre son record à Candy Crush et autres jeux addictifs. Désormais, par un drôle de pied de nez des nouvelles technologies, son téléphone l’a rendue accro au sport. Qui s’en plaindrait ?

Je me moque gentiment de ma maman, mais le fait est que je lui ai montré la voie en m’offrant, l’an dernier, un petit boîtier qui compte mes pas et, en théorie, bien plus que cela. Tout commence, à vrai dire, par l’achat d’un pèse-personne « intelligent » un peu après la période des fêtes et ses excès. L’acuité de cette balance, pompeusement baptisé Smart Body Analyser, est toute relative pour ce qui est d’évaluer ma masse graisseuse, très variable d’une pesée à la suivante. Mais pour ce qui est du suivi de mon poids, force est de constater que l’engin est diablement efficace. Je n’avais, bien sûr, pas besoin de lui pour sentir ma surcharge pondérale. Je me rendais bien compte aussi que mes régimes se soldaient toujours par un cruel retour de marteau.

objets-connectes-smart-body-analyzer La balance Smart Body Analyser, de Withings
objets-connectes-smart-body-analyzer-app L’application du Smart Body Analyser, de Withings

Par leurs représentations graphiques implacables, les applications qui dialoguent avec ma balance ont enfoncé le clou. Alors j’ai réagi. Au diable les restrictions alimentaires, je vais plutôt me remuer, me suis-je dit. Et c’est ainsi, devenu maniaque de l’automesure, que, pour quantifier mon activité physique, je me suis offert le Pulse, du fabricant français Withings.

Ce joujou, pas donné, a eu l’immense mérite de révéler au grand sédentaire que je suis à quel point j’étais loin du minimum d’effort requis. Dix mille pas quotidiens, à peine 9 kilomètres, cela ne semble pas grand-chose et pourtant, comme les trois quarts des Français, j’en étais très loin. En prendre conscience, c’était faire une bonne partie du chemin. Depuis, mon rapport aux transports a changé, je marche bien plus volontiers. J’use davantage mes souliers, mais c’est au bénéfice de mon coeur.

objets-connectes-pulse Le Pulse, du fabricant français Withings

Mon coeur et mon sommeil à la louche

A propos de palpitant, notez que le petit boîtier dont je parle, comme de plus en plus de bracelets, de montres et autres objets connectés, embarque un petit capteur optoélectrique pour mesurer la fréquence cardiaque et le taux d’oxygène dans le sang. Au début, à la moindre émotion, pour un oui pour un non, en bon hypocondriaque j’y collais le doigt, attendant confirmation de ma tachycardie. Au début seulement, car les résultats très aléatoires et d’ailleurs très éloignés de ceux fournis par mon pèse-personne, lui aussi cardiofréquencemètre, ne m’ont pas convaincu.

De même, j’ai vite renoncé à en faire le gardien de mes nuits. En effet, la plupart des assistants numériques de ce type, mus par des détecteurs de mouvement, prétendent aussi veiller sur notre sommeil, mesurant ses différentes phases et donc sa qualité. Certains objets connectés vont plus loin que l’analyse et promettent des réveils en douceur au moment opportun, soit par des vibrations au poignet, moins violentes qu’une sonnerie et totalement indolores pour le conjoint, soit par un subtil son et lumière. En la matière, Withings est aussi pionnier, avec son produit Aura qui vous confie à Morphée et vous récupère tout en délicatesse. N’ayant pas testé ce dispositif composé d’un capteur à glisser sous le matelas, d’une sorte de lampe de chevet et comme toujours d’une application mobile, je me garderais d’émettre un jugement. Disons qu’à 300 euros l’équipement, je l’espère pertinent.

Ma petite expérience des objets de santé connectés s’arrête là, mais gageons qu’à terme, je pourrais y ajouter un tensiomètre ou cèderai aux sirènes de la fourchette capable de compter l’intervalle entre chaque bouchée, de la brosse à dents Bluetooth (chez VigilantKolibreeOral-B) qui s’assure de l’efficacité du brossage et le rend ludique aux enfants, ou encore, pour madame, du thermomètre Bluetooth (Kindara, Ovatemp), champion de la méthode Ogino. Qu’on se le dise, la révolution numérique est en marche et le champ des possibles illimité. Dans le lot, des applications futiles qui ne feront sans doute pas long feu et d’autres vraiment salutaires, comme le sont déjà les outils de suivi de la glycémie pour les diabétiques ou demain les piluliers « malins » (comme ceux de Medissimo ou MedSecure) pour les personnes âgées.

objets-connectes-extrait-infographie-rca-factory Extrait d’une infographie réalisée par RCA Factory pour un sondage sur les vêtements connectés, paru dans l’observatoire Orange – Terrafemina

Mes inquiétudes pour l’avenir

Dans ce contexte, je fais cependant preuve d’un enthousiasme modéré. Ces technologies, sans aucun doute, peuvent être porteuses de bienfaits, mais elles revêtent aussi un caractère terriblement menaçant. Par définition, un objet connecté recueillant des données personnelles, toute la question est de savoir ce qui en est fait et qui y aura accès. Ces informations valent en effet de l’or, pour l’utilisateur bien sûr, mais pas seulement. Ce n’est pas pour rien que les géants de l’électronique et de l’Internet (pour ne citer que les plus en vue : Apple, Facebook, Google et Samsung) commencent à prendre position sur le marché ô combien lucratif de la santé.

Déjà, je rechigne à laisser mon compteur de pas ou ma balance rendre leurs mesures publiques, or les applications associées me le proposent régulièrement. Dans leur logique, il s’agit que mes amis m’encouragent à perdre du poids ou saluent mes records sportifs. Dans la mienne, ce serait surtout une intrusion insupportable dans mon intimité. Aujourd’hui je suis libre de ce choix, mais à terme, alors que certains planchent déjà sur des puces et capteurs greffés sous la peau, alors que nos téléphones sont appelés à abriter un dossier de santé ultra-détaillé, qu’en sera-t-il ?

objets-connectes-rca-factory-risque Extrait d’une infographie réalisée par RCA Factory pour un sondage sur les vêtements connectés, paru dans l’observatoire Orange – Terrafemina

L’idée n’est pas de céder à la paranoïa, mais d’être bien conscient des enjeux. Symbole, il me semble, des risques qui pèsent sur nous, l’expérimentation menée, l’air de rien, par un grand assureur français et le sympathique partenaire industriel précité, Withings. Dans le cadre d’une complémentaire santé, l’assureur offrait aux mille premiers souscripteurs volontaires un podomètre connecté tel que le mien, contre l’autorisation exceptionnelle d’accéder à leurs données personnelles. A la clé, des bons d’achat pour les assurés dont le nombre de pas quotidiens attestait d’une certaine hygiène de vie. Apparemment, rien de bien méchant, mais, si l’on pousse cette logique un peu plus loin, pourquoi, demain, ne pas imposer le port de ces inquisiteurs numériques et troquer la carotte contre le bâton ?

Publication mise à jour le 16/06/2016

Crédits

Illustration : © bellabeat.com – visuels réalisés par RCA Factory.
Les images utilisées sont celles des marques citées.