Derrière l’engouement pour les huiles essentielles auréolées de toutes les vertus, on se demande si l’emballement médiatique pour cette médecine douce est à la hauteur des preuves scientifiques… Mal utilisée, elle n’est en tout cas pas sans danger.

La pratique, millénaire, est dans l’air du temps. Peut-être un peu trop. Dans des registres très différents, deux actualités ont attiré notre attention sur l’aromathérapie, ou l’art et la manière de se faire du bien et peut-être même de se soigner avec des arômes végétaux. C’est ce que l’on appelle communément des huiles essentielles, bien qu’elles n’aient rien de gras. Il s’agit d’un concentré des principes actifs de certaines plantes, obtenu le plus souvent par distillation. Présentés sous forme de flacons de quelques millilitres, on utilise parfois ces produits en application cutanée, très largement dilués dans une boisson, sur un bout de pain ou encore diffusés dans l’air.

Récemment donc, d’une part un chercheur a été primé pour son idée, brevetée, de renforcer l’action des antibiotiques par des essences végétales réputées pour leurs effets antibactériens. De l’autre, la presse a relayé la mésaventure d’une internaute ayant appris à ses dépens que la mention « produit photosensibilisant » n’était pas à prendre à la légère. Elle a publié sur Facebook des photos de vilaines brûlures, pour s’être enduite d’une huile essentielle avant un bain de soleil. On ne l’y reprendra pas.

Dans ce contexte, nous nous sommes intéressés à la façon dont les médias en ligne traitent de l’aromathérapie, de son éventuel intérêt et peut-être ses dangers. Le sujet est très récurrent, mais on doit bien avouer, au terme de nos lectures, que l’on ne sait pas vraiment jusqu’à quel point il faut prendre l’aromathérapie au sérieux. Voici quelques liens pour vous faire votre idée.

Les huiles essentielles sont nombreuses. Leur utilisation doit toujours être encadrée par un professionnel de santé.

Des risques évidents

Une chose est certaine, on ne doit pas utiliser ces produits, très puissants, n’importe comment. En témoigne sur femmeactuelle.fr l’expérience malheureuse d’Elise Nguyen. En cette saison de tous les dangers, le magazine a pris soin de lister les huiles essentielles qui ne font pas bon ménage avec le soleil.

LCI, qui s’est aussi fendu d’un papier sur les huiles photosensibilisantes en a profité pour rappeler que, notamment sous forme de spray, ces produits peuvent être allergènes et sont à proscrire auprès de personnes asthmatiques.

En mars, La Voix du Nord avait révélé une forte hausse des intoxications dans les Hauts-de-France. Une bonne raison pour suivre les conseils d’Europe 1 qui avaient alors compilé des lectures pour aller plus loin, en particulier un guide de 60 millions de consommateurs.

Le Figaro n’est pas en reste, avec d’autres exemples d’usages contre-productifs, des conseils d’utilisation et surtout un appel à se tourner vers des professionnels de santé compétents, bien que ce commerce florissant ne soit pas réglementé.

Des bienfaits sans doute

Dans le même temps, côté Figaro Madame, on vous listait le mois dernier cinq huiles essentielles à avoir au bureau. Sous forme d’un diaporama, Top Santé en listait dix qui seraient indispensables dans sa pharmacie. LCI en vantait trois, « incontournables » contre le stress… Bref, les huiles essentielles sont devenues un vrai marronnier, même Les Echos y ont été de leur papier dithyrambique : « L’aromathérapie. L’essayer, c’est l’adopter ».

Ce qui nous chagrine un peu, c’est que si tout le monde évoque des études de plus en plus nombreuses confirmant les vertus de cette pratique ancestrale, jamais personne ne cite vraiment de sources scientifiques. On veut bien croire, puisque Top Santé l’écrit, exemple d’un hôpital toulousain à l’appui, que l’aromathérapie est un renfort appréciable en oncologie pour lutter contre les nausées ou en unité de soins palliatifs pour améliorer le confort des patients, mais on manque de données strictes et neutres.

Dans l’article précédent, on notera que cet hôpital a fait parler de lui parce qu’il avait reçu un prix décerné par un laboratoire qui vend ce genre de produits. De même, Doctissimo ne se cache pas d’avoir réalisé son gros dossier aromathérapie en partenariat avec un fabricant. Qu’en penser ?

Un gros manque de preuves

Il y a quelques années, l’Express, qui adore le sujet, titrait pompeusement « La vérité sur les huiles essentielles ». Et d’évoquer cette glorieuse étude ayant montré que sur 18 souris contaminées par la salmonellose, trois traitées avec de l’huile essentielle d’Origan avaient survécu, contre deux seulement sous antibiotique… de quoi nous convaincre ? Vraiment ?

Le site PasseportSanté a le mérite d’avoir compilé de nombreuses études qui, avec force emploi du conditionnel, tendaient à suggérer une certaine efficacité de l’aromathérapie… Dans le même temps, le très orienté site charlatans.info faisait de même, on l’aura bien compris pour arriver à un constat bien différent. De quoi être perplexe.

Soyons clairs, nous n’avons rien contre l’aromathérapie, mais nous restons sur notre faim. Ainsi, en va-t-il quand la presse s’emballe pour les travaux d’Adnane Remmal, un pharmacologue marocain qui mise sur les huiles essentielles pour lutter contre les bactéries ultrarésistantes. Il vient d’obtenir le prix du public de l’inventeur de l’année décerné par l’Office européen des brevets. Capital a interviewé ce chercheur qui va « terrasser les bactéries » et « bousculerait les Big Pharma », BFM titre en fanfare : « une alternative naturelle aux antibiotiques », mais à lire la synthèse factuelle de Science et vie, on se dit encore et toujours que l’enthousiasme est un brin excessif…

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