La dépendance à une substance ou à un comportement est un mécanisme qui s’installe progressivement et implique de nombreux facteurs. Pour combattre les maladies complexes que sont les addictions, il existe différentes méthodes de prévention et de prise en charge.

Quel point commun entre le vin, qui fait partie de notre patrimoine culturel, le cannabis, dont le commerce et la consommation sont interdits par la loi, et les médicaments psychotropes délivrés sur ordonnance ? Toutes ces substances peuvent générer une addiction, au même titre que la cocaïne et le tabac, ou que le jeu et le sexe. Car les addictions peuvent tout aussi bien reposer sur la consommation répétée d’un produit que sur la pratique excessive d’un comportement. Ce sont des maladies chroniques, liées à de nombreux facteurs environnementaux et comportementaux, qui ont un lourd impact sur la santé publique : elles interviennent dans 30 % de la mortalité précoce (décès avant 65 ans) et sont un facteur majeur de comorbidité psychiatrique. Prévention et prise en charge adaptées sont les deux piliers de la lutte contre les addictions.

Qu’est ce qu’une addiction ?

L’addiction est une maladie chronique définie par la dépendance, la recherche et l’usage compulsif d’un produit ou d’un comportement, et ce malgré la connaissance qu’a l’usager des conséquences nocives que cela peut avoir sur sa santé et sa qualité de vie. Dans la grande majorité des cas, elle est liée à une substance psychoactive, c’est à dire qui a des effets sur le fonctionnement du cerveau. Cependant, si les addictions les plus fréquentes restent celles relatives aux substances psychoactives, qu’elle soient « réglementées (tabac, alcool…), détournées de leur usage (médicaments, poppers, colles, solvants…) ou illicites (cannabis, cocaïne, ecstasy…) » (source INSERM), le phénomène d’addiction est encore trop souvent confondu avec la seule consommation de produits toxiques, illégaux et ayant un effet psycho-actif. Or, il existe aussi des addictions sans substance,  ou comportementales, qui concernent par exemple les jeux de hasard, la nourriture, internet ou encore le sport… Bien que ces addictions liées à des pratiques soient encore mal connues, du fait d’études et de statistiques moins nombreuses, on sait qu’elles ont des conséquences médicales, psychologiques et psychiatriques délétères sur le long terme. Les addictions aux jeux vidéo, en autres, « sont des addictions comportementales, considérées et reconnues comme une maladie » nous rappelle l’Assurance Maladie.

Lorsque l’usager développe une tolérance accrue à la substance ou au comportement, c’est-à-dire une accoutumance et une nécessité d’augmenter la dose pour maintenir l’effet recherché, il perd le contrôle de sa consommation et « tombe » dans l’addiction. Le diagnostic de cette pathologie, qui est bien plus qu’une simple « maladie du cerveau », repose sur des critères objectifs permettant de qualifier l’addiction de faible, modérée ou forte. Parmi ces critères, on retrouve le besoin impérieux et irrépressible de consommer la substance ou d’effectuer ce comportement, ainsi que l’augmentation de la tolérance, que l’on vient d’évoquer. Mais on trouve aussi la perte de contrôle sur la quantité et le temps dédié à la pratique ; l’incapacité à remplir des obligations importantes ; l’usage, même en cas de risque physique ; la poursuite malgré les dégâts physiques et/ou psychologiques ; des problèmes personnels ou sociaux ; un désir ou des efforts persistants pour diminuer la pratique sans y parvenir ; des activités réduites au profit de la consommation ou du comportement ; la présence d’un syndrome de sevrage lors de leur arrêt brutal.

Des risques individuels et environnementaux

Consommer de l’alcool, du cannabis ou des somnifères n’entraîne pas systématiquement une addiction. Il existe différents facteurs intervenant dans le continuum entre la simple expérimentation, le mésusage, l’abus et la dépendance. Par ailleurs, les mécanismes de l’addiction sont très différents d’une substance à l’autre (la nicotine est la substance la plus addictogène, par exemple). Tous ces facteurs interagissent de façon complexe et difficile à prévoir.

Les facteurs de risque d’addiction sont de différents ordres. Ils peuvent être liés au type de produits consommés : le risque de dépendance diffèrent d’une substance à l’autre. Ils dépendent aussi des effets positifs ou, au contraire, négatifs ressentis lors des premières expérimentations, et de la précocité de cette dernière – l’adolescence étant une période de plus grande vulnérabilité. La disponibilité et les modalités de consommation ou de réalisation des comportements, la valorisation de la pratique par la société et, enfin, certains facteurs individuels (expériences de vie, environnement psychosocial, prédispositions génétiques…) jouent aussi un rôle prépondérant. Par ailleurs, il ne faut pas négliger l’existence de facteurs de protection : connaissance des produits et des risques, compétences psychosociales (esprit critique, résistance aux influences extérieures comme l’effet « groupe » ou le marketing publicitaire…) et relations sociales (un climat amical, familial ou professionnel serein est associé à un moindre risque).

— Effets sur la santé —

L’INRS (Institut national de recherche et de sécurité) fait le point sur les effets des addictions sur la santé. En dehors de la dépendance, l’usage abusif de tabac ou d’alcool augmente le risque de cancer et de pathologies cardio-vasculaires, celui de médicaments peut entrainer des troubles de la mémoire et des troubles des capacités motrices, le cannabis peut aggraver des pathologies psychiatriques… Quand aux addictions sans substance psychoactive, l’INRS cite la technodépendance, source de troubles musculosquelettiques, de perturbation du sommeil et de problèmes relationnels.
Source : INRS.

Une accoutumance et une nécessité d’augmenter la dose pour maintenir l’effet recherché peut faire perdre le contrôle de sa consommation. Photo © Cottonbro

Sevrage et accompagnement

L’addiction est rarement un problème isolé dans la vie d’une personne : sa prise en charge doit être globale et multidisciplinaire. Elle peut s’étaler sur plusieurs mois, voire plusieurs années, pour éviter les rechutes. Son succès repose beaucoup sur la motivation de la personne, mais cette dernière peut être travaillée et renforcée.

Un pilier essentiel de la prise en charge d’une addiction est le sevrage : il s’agit d’arrêter la consommation d’une substance ou la pratique d’une activité addictive. Dans certains cas, cet arrêt n’est pas brutal mais peut être précédé par une diminution progressive de la consommation. Par ailleurs, face à certaines substances très addictives comme le tabac ou l’héroïne, des traitements de substitution peuvent être envisagés et, dans d’autres cas, des médicaments dits addictolytiques, qui permettent de lutter contre les envies irrépressibles de consommer la substance (phénomène de craving). Autre pilier : l’accompagnement psychosocial. Il s’agit d’abord d’une psychothérapie, qui doit être adaptée selon l’addiction et les spécificités personnelles (thérapie cognitive et comportementale, thérapie familiale, thérapie psychodynamique…) ; parfois couplé à un soutien social et, éventuellement, juridique. Il existe, par ailleurs, de nombreux groupes de paroles qui offrent une aide importante pendant et après la prise en charge psychomédicale.

Il n’y a pas de remède miracle à l’addiction. La prise en charge doit être adaptée à chaque personne et à chaque addiction, sans négliger qu’il s’agit parfois d’un combat long et semé d’éventuelles rechutes. L’une des clefs du succès est la motivation du patient à s’en sortir, mais aussi l’amélioration durable et sensible de ses conditions de vie et son estime de soi.

Informer ne suffit pas à prévenir

Facteurs socioculturels, environnementaux, psychologiques et biologiques jouent un rôle majeur dans l’expérimentation et l’initiation à la consommation de substances psychoactives ou à des pratiques, et dans le risque d’addiction. Il faut donc mettre en place différentes actions de prévention sur l’ensemble de ces facteurs.

La prévention dite universelle vise à la diminution globale des consommations de substances psychoactives, mais il existe aussi des actions de proximité, individuelles ou collectives, qui ciblent par exemple certaines substances en particulier, ainsi que des programmes de réduction des risques. Informer sur les dangers des drogues et les risques légaux est bien sûr indispensable. Mais ce n’est pas suffisant : de nombreuses études ont en effet montré qu’informer est essentiel, mais ne suffit pas à prévenir (PDF).

Pour être efficace, la prévention doit aussi insister sur les facteurs qui empêchent l’addiction. L’un des piliers les plus efficaces est le développement des compétences psychosociales : il s’agit de « la capacité d’une personne à répondre avec efficacité aux exigences et aux épreuves de la vie quotidienne, son aptitude à maintenir un état de bien-être mental, en adoptant un comportement approprié et positif à l’occasion des relations entretenues avec les autres, sa propre culture et son environnement » (définition de l’OMS). C’est un point particulièrement développé dans le guide d’intervention en milieu scolaire de « Prévention des conduites addictives » du Ministère de l’éducation nationale. Par ailleurs, une prévention efficace s’inscrit dans la durée, doit être adaptée au contexte socioculturel et aux besoins du public visé, favoriser des méthodes interactives et avoir un objectif de santé globale.

— Quelques addictions en chiffres —

D’après le dernier rapport de l’Observatoire français des drogues et des toxicomanies, on compte en France métropolitaine parmi les 11-75 ans :

Alcool : 43 millions de consommateurs, dont 9 millions de consommateurs réguliers. Près d’un quart des 18-75 ans dépassent les seuils de consommation recommandés (maximum 10 verres par semaine et pas plus de 2 verres par jour).

Tabac : 36 millions d’expérimentateurs*, dont 13 millions de consommateurs quotidiens. Environ 27% des 18-75 ans et un quart des adolescents de 17 ans fument chaque jour.

Médicaments psychotropes : 21% de la population de plus de 15 ans a eu au moins un remboursement de médicament psychotrope dans l’année (anxiolytiques, somnifères, antidépresseurs).

Cannabis : 18 millions d’expérimentateurs* du cannabis, dont 1,5 million de consommateurs réguliers. Environ 11% des 18-64 ans consomment du cannabis. L’usage problématique et/ou la dépendance ne concerne que 3% d’entre eux.

Cocaïne : 5,6% des adultes ont expérimenté la cocaïne et 1,6% des 18-64 ans sont des usagers actuels.

* Un expérimentateur est une personne ayant consommé au moins une fois un produit dans sa vie.

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Illustration : © Adobe Stock