Alors que novembre est le « Mois sans tabac », stress et confinement favorisent la consommation de cigarettes. Et cela n’est pas sans conséquence quant aux risques liés à la Covid-19.

Article mis à jour le :

25/11/2020

Voilà 5 ans que chaque mois de novembre en France est déclaré « Mois sans tabac » par les autorités sanitaires. Ce rendez-vous annuel permet le déploiement de différents outils de prévention et de communication pour accompagner tous ceux qui veulent arrêter de fumer. En 2016, lors de la première édition du « Mois sans tabac », on comptait en France environ 13 millions de consommateurs quotidiens de tabac parmi les 11-75 ans (données de l’Observatoire français des drogues et toxicomanie). Deux ans plus tard, ils étaient 1,6 millions de moins, soit une baisse d’une ampleur inédite selon le Bulletin Épidémiologique Hebdomadaire. Ces fumeurs en moins, ce sont ceux qui ont arrêtés bien sûr, mais aussi la réduction du nombre de jeunes qui entrent dans le tabagisme.

Confinement et tabac

Mais cette année le « Mois sans tabac » se déroule dans un contexte inédit de pandémie et de re-confinement généralisé de la population française. Alors que, pour certains, la quasi-disparition de toute vie sociale peut être un atout dans l’arrêt du tabac, pour d’autres, le stress, l’isolement et la dilatation du temps liée au confinement et au télétravail favorisent au contraire la reprise ou l’augmentation de la consommation de cigarettes. En effet, la nicotine contenue dans le tabac a des effets apaisants sur le cerveau. Par ailleurs, la multiplication des pauses cigarettes dans la journée permet de recréer une certaine forme de routine, même si celle-ci est nocive.
Alors que, durant le premier confinement, certains buralistes s’étaient vus dévalisés par les fumeurs qui ont eu peur de manquer, il semble cette fois que la consommation soit plus lissée, et que le bureau de tabac constitue notamment un prétexte de sortie quotidienne. Lors du premier confinement, entre mars et mai 2020, une enquête de Santé publique France a révélé que plus d’un quart des fumeurs ont augmenté leur consommation de tabac durant cette période.

Quels risques par rapport à la Covid-19 ?

Dans un premier temps, des études scientifiques ont évoqué l’hypothèse que fumer pouvait protéger contre la Covid-19. Ainsi, dans une étude parue en avril 2020 dans la revue New England Journal of Medicine (en anglais), des médecins chinois indiquaient que la proportions de fumeurs parmi les personnes infectées était de seulement 12,6 % alors même que plus de 28 % des Chinois fument. Même constat chez nous en France où, toujours en avril, l’Assistance publique-Hôpitaux de Paris (AP-HP) indiquait que parmi les 11 000 patients hospitalisés pour cause de Covid-19 depuis le début de l’épidémie, 8,5 % étaient fumeurs tandis que 25,4 % de la population générale consomme du tabac. Mais ces études étaient loin d’être parfaites.

— Ce que nous dit l’INSERM —

« Chez les personnes âgées, la prévalence de fumeurs tend à être inférieure à la prévalence de fumeurs dans la population générale. Or, la plupart des patients hospitalisés pour formes graves de Covid-19 sont des personnes âgées, principalement des hommes. Il est donc difficile de conclure de cette faible proportion de fumeurs en réanimation que fumer pourrait conférer une protection contre la maladie à l’ensemble de la population ».

D’autre part, les premières études ne définissaient pas clairement ce qu’est un fumeur (critères de consommation) et, au début de l’épidémie et des hospitalisations, on était loin de connaître ce critère pour tous les malades !

Source : INSERM

Et, depuis, de nouvelles études sont venues battre en brèche cette hypothèse. Aujourd’hui, tous les experts s’accordent à dire que le tabac est au contraire un facteur de risque aggravant en cas de Covid-19. Et il y a plusieurs raisons à cela :
— la consommation de tabac altère le fonctionnement du système immunitaire censé nous protéger contre les infections, et affaiblit les fonctions pulmonaires qui sont la cible principale de la Covid-19 ;
— les consommateurs réguliers de tabac ont un système cardiovasculaire plus fragile, or celui-ci est aussi l’une des cibles des formes graves de la Covid-19 ;
— les facteurs de risques établis de la sévérité de la Covid-19, tels que l’obésité, les maladies cardiovasculaires, les pathologies respiratoires chroniques ou le diabète sont plus fréquents chez les fumeurs.

Enfin, en mai dernier, une méta-analyse parue dans la revue Nicotine & Tobacco Research (en anglais) a confirmé ces données : en comparant les résultats de 19 études scientifiques, elle conclue en effet que le risque de progression de la Covid-19 chez les fumeurs ou les anciens fumeurs est presque double par rapport aux malades qui n’ont jamais fumé. De plus, quand la maladie s’aggrave, les fumeurs développent davantage de complications pouvant conduire au décès.

Des risques liés aux gestes

Outre l’état de santé général des fumeurs, il ne faut pas négliger les risques liés aux gestes mêmes lorsqu’on fume :
— un fumeur baisse son masque pour pouvoir tirer sur sa cigarette. Ce faisant il est plus exposé aux microgouttelettes et aux aérosols contenus dans l’air, qui peuvent être vecteur de transmission de la Covid-19 ;
— lorsque le fumeur exhale la fumée de sa cigarette, en dehors de son masque, il émet lui-même des microgouttelettes et des aérosols qui, potentiellement, peuvent être contaminés ;
— enfin, fumer implique de porter très régulièrement les mains à proximité de la bouche et du nez. Si elles ne sont pas correctement désinfectées, par lavage au savon ou au gel hydroalcoolique, elles peuvent elles aussi constituer des vecteurs de transmission de la Covid-19.

— Un effet protecteur de la nicotine ? —

N.D.L.R — Quelques jours après la parution de cet article, L’Assistance Publique – Hôpitaux de Paris a publié un communiqué de presse présentant l’étude Nicovid Prev.

N.D.A. — Si fumer est un facteur de risque avéré, la nicotine seule, pourrait avoir un effet protecteur face à la Covid-19, en bloquant les portes d’entrée du virus dans les cellules. Cette hypothèse est évoquée depuis le début de la pandémie. Pour en avoir le cœur net, plusieurs essais cliniques ont été lancés à travers le monde. L’Assistance Publique – Hôpitaux de Paris a ainsi lancé le 20 novembre une étude sur plus de 1 600 personnels soignants de ses différents établissements de santé. Objectif : évaluer si porter des patchs à la nicotine pendant 4 à 5 mois réduit le risque de contracter la Covid-19.

Crédits

Photos : © Adobe Stock