Détourné de son usage médical à des fins festives, le protoxoyde d’azote communément appelé « proto » cristallise l’attention des pouvoirs publics. Facile à se procurer, peu onéreux, effets immédiats et indétectable dans le sang, sa consommation est en augmentation chez un public jeune qui s’expose à de très graves complications neurologiques et cardio-vasculaires.

Connu pour ses propriétés hilarantes, le protoxyde d’azote ne fait pas rire tout le monde, à commencer par les autorités publiques. Répandu dans le monde de la fête, le proto a gagné du terrain avec la vague de confinements. « On observe que les jeunes en consomment davantage chez eux et en petit comité », indique Camille Duclot-Brincat, chargée de mission santé chez Delta France.

Consommation plus régulière et un public plus jeune

D’après l’Association Française des Centres d’Addictovigilance « Le nombre de cas évalués par le réseau d’addictovigilance a été multiplié par 10 depuis 2019 et le nombre de cas graves est aussi en augmentation. Ces cas concernent des sujets jeunes d’âge moyen 22 ans, dont environ 1/10 sont mineurs ». Cette dynamique est confirmée par l’ANSES « 20% de cas rapportés aux centres anti-poisons en 2020 contre 13,6% en 2019 concernent des mineurs. »

Le proto qu’est-ce que c’est ?

Le protoxyde d’azote est un gaz incolore de formule chimique N2O. Il est utilisé en médecine pour ses propriétés anesthésiantes et antidouleurs, dans le monde de l’industrie, et en cuisine pour sa qualité de gaz propulseur. On le retrouve ainsi dans les cartouches pour siphon à crème chantilly ou dans les bonbonnes d’air sec qui servent à nettoyer les ordinateurs. Tout cela est parfaitement licite, d’ailleurs on peut les acheter en grandes surfaces. Mais l’usage du protoxyde d’azote appelé également « proto » ou « gaz hilarant » a été détourné à des fins récréatives dont les effets s’avèrent néfastes pour la santé.

Comment est-il détourné de son usage initial ?

Le protoxyde d’azote est inhalé par la bouche via un ballon de baudruche qui est directement gonflé depuis le bec du siphon ou bien « craké » à l’aide d’un tube qui vient percer les cartouches.

Quelles sensations procure-t-il ?

Une fois inhalé, le protoxyde d’azote a des premiers effets instantanés. La personne va se sentir euphorique et partir dans un fou rire incontrôlable (c’est d’ailleurs pour cela que le protoxyde d’azote est aussi connu sous le nom de « gaz hilarant »). La personne aura la sensation de flotter et va vivre des distorsions à la fois visuelles et auditives. La voix peut être aussi modifiée et devenir très grave pendant quelques secondes. Mais ce moment de défonce est très fugace. Les effets de ce gaz vont durer entre 2 à 3 minutes ce qui va d’ailleurs pousser à une consommation régulière pour atteindre ces sensations.

Quels-sont les effets indésirables ? 

Ce gaz facile à se procurer et peu onéreux n’est effectivement pas sans danger sur la santé avec des séquelles graves pouvant même entraîner la mort.

Selon la dose consommée, les effets indésirables sont plus ou moins persistants. La personne va être prise de nausées voire de vomissements, avoir des maux de tête, des crampes au niveau de l’abdomen, des diarrhées et observer des états de somnolence et des sensations de vertige. 

A forte dose une véritable confusion et désorientation s’installent et s’accompagnent d’un manque de tonus musculaire et d’une très grande difficulté à parler. 

L’un des premiers risques est celui de l’asphyxie par manque d’oxygène. Cela peut alors entraîner une perte de connaissance associée à une chute. Le risque de se brûler par le froid est aussi omniprésent. Une fois libéré de la cartouche, le protoxyde d’azote est extrêmement froid. Si le gaz est inhalé directement depuis la cartouche, des gelures au nez, aux lèvres et aux cordes vocales peuvent se manifester. 

Comme toutes les drogues, des troubles sévères s’installent lorsque la consommation est régulière et/ou quand le protoxyde d’azote est consommé en grandes quantités. 

On observe de très graves atteintes neurologiques. En effet, le proto va inhiber la vitamine B12 laquelle est indispensable pour le fonctionnement du système nerveux. Les transmissions nerveuses pouvant donc être atteintes, le sujet va avoir des problèmes de sensibilité allant jusqu’à une paralysie des membres inférieurs, une anémie, une incontinence, une atteinte dégénérative de la moelle épinière, etc. 

Des troubles cardio-vasculaires sont également constatés (et ne sont pas liés à la carence en vitamines B12) tels que des troubles du rythme cardiaque, des phlébites, des embolies pulmonaires, des fourmillements, des faiblesses musculaires, etc. 

Lorsque ces symptômes apparaissent, il faut cesser la consommation et demander un avis médical au 112.

Que dit la loi ? 

Depuis le 1er juin 2021, la loi tendant à prévenir les usages dangereux du protoxyde d’azote a été promulguée. Cette dernière interdit la vente de proto aux mineurs dans tous les commerces, les débits de boisson, les lieux publics et les sites internet. 

La vente ou la distribution de « crackers » ou de ballons dédiés à l’usage détourné du protoxyde d’azote sont également interdites.


Instaurer un dialogue pour faire comprendre les risques auxquels il/elle s’expose


Trois questions à Camille Duclot-Brincat, chargée de mission santé chez Delta France Associations, une structure qui s’investit dans des campagnes de prévention pour sensibiliser les étudiants à la consommation de protoxyde d’azote.


Même consommé de manière occasionnelle, le protoxyde d’azote peut avoir des répercussions sur le corps ?
Oui tout à fait. Il y a tout d’abord des risques de l’ordre de troubles physiques comme des vertiges, des engourdissements de membres et donc des risques de chute associés. Dans nos messages de prévention visant à réduire les risques, on préconise de consommer le proto assis. Il y a aussi des risques de nausées, de convulsions et des cas de brûlures buccales graves. Quand il sort de la capsule, le gaz est très froid. Le ballon permet justement de réchauffer l’air. Pour réduire les risques, là aussi on incite à respirer à travers le ballon et à bien reprendre de l’air entre chaque prise pour limiter l’asphyxie.
Une consommation même occasionnelle du proto provoque des troubles de l’érection. Tous ces effets peuvent intervenir pendant, après ou plusieurs heures après la prise. Tout cela est dépendant aussi des associations de drogues consommées, comme le mélange avec l’alcool.


Comment déceler une consommation chez un jeune lorsque l’on est un parent ?
C’est très compliqué car les signes de consommation sont difficiles à déceler. Les effets s’arrêtent rapidement et on ne peut pas doser le proto dans le sang. Quand on est parent, il convient d’être attentif aux changements de comportement comme des moments d’isolement par exemple. L’objectif est d’arriver à discuter avec son enfant et d’installer un dialogue pour qu’il comprenne à quels risques il ou elle s’expose et quantifier sa consommation.


Comment se faire aider et accompagner ?
Il existe des Consultations jeunes consommateurs (CJC) à destination des 12-25 ans, mises en place un peu partout en France. Ces consultations sont gratuites et confidentielles. Elles ont lieu au sein des Centres spécialisés d’accompagnement et de prévention en addictologie (CSAPA) ou dans des lieux spécialisés dans l’accueil des jeunes (Maisons des adolescents et Points accueil écoute jeunes).
Je conseille aussi le compte @Mildecagouv sur Instagram qui est riche en informations à la fois pour les parents confrontés à un enfant consommateur que pour les consommateur·trice·s de protoxyde d’azote eux-mêmes.


Pour aller plus loin : baromètre des addictions Macif, consultez notre article sur les usages de substances psychoactives et comportements problématiques chez les adolescents

Crédits

Texte : Julia Tourneur

Photo : Image de wirestock sur Freepik