Vous en êtes encore à espérer qu’un jogging pépère et des mouvements doux de stretching vous feront ressembler à Chris Evans ou Gal Gadot ? Sachez que le CrossFit renouvelle la manière de faire du sport et de sculpter son corps en associant des activités physiques différentes, sélectionnées pour leur intensité. Ludique, ou excessif ?
Le CrossFit, ce sport pluridisciplinaire à la marque déposée qui sollicite intensément le corps, est basé sur une combinaison d’exercices de gymnastique, d’athlétisme (cardio) et d’haltérophilie. Ses adeptes enchaînent saut à la corde, course à pieds, pompes, tractions, soulevés de poids, pendant des séances d’entraînement appelées WOD (Workout of the Day, « séance d’entraînement de la journée » en français), dans des salles de sport dédiées, rebaptisées box, où ils se retrouvent pour se motiver et partager un moment d’euphorie. Endurance cardio-vasculaire et respiratoire, énergie, force, souplesse, puissance, vitesse, coordination, agilité et équilibre sont travaillés dans ce sport très complet qui vient tout droit des Etats-Unis. Là-bas, sportifs de haut niveau et militaires l’ont adopté après que Lauren et Greg Glassman ont développé la pratique dans les années 70.
Savoir évaluer les risques d’un sport intense
Quand je vois le corps apollonien de certains amis inconditionnels de CrossFit, je me dis que les sirènes du marketing sportif, réalisé à coup d’images de femmes et d’hommes aux formes parfaites (disons plutôt, socialement valorisées…), ne mentent pas totalement sur le potentiel de ce sport capable de faire disparaître « poignées d’amour » et autres « culottes de cheval ». Cependant, s’il est efficace pour travailler le corps entier et brûler un grand nombre de calories en peu de temps, le concept du CrossFit est aussi parfois controversé. Il est bien évident que chercher à repousser ses limites comporte des risques. Certains médecins alertent sur le danger à court terme de déchirures musculaires et, à long terme, de pathologies articulaires et métaboliques. D’autres conseillent, à juste titre, de ne pas se lancer sans avoir dépisté une éventuelle pathologie cardiovasculaire, du fait de la contrainte vasculaire importante engendrée par des exercices parfois réalisés en quasi apnée. Mais, à vrai dire, quel sport intense est sans risque ? Le CrossFit serait, à cet égard, comparable à d’autres programmes d’exercices avec des taux de blessures similaires (en anglais), voire plus faibles, selon cette étude française parue dans le Journal de Traumatologie du Sport en 2018. Mieux, si l’on en croit le docteur Tony Webster (en anglais), lui-même CrossFiter, « des études suggèrent qu’une activité vigoureuse a intrinsèquement de plus grands avantages pour la santé qu’une activité modérée ». L’OMS préconise d’ailleurs 75 à 150 minutes d’activité d’endurance d’intensité soutenue par semaine.
Pratiquer le CrossFit avec raison
Un débutant, de surcroît sédentaire ou peu sportif, devra démarrer très progressivement la pratique par des cours de fitness à plus faible intensité permettant de développer la musculature. L’apprentissage des bonnes postures lui permettra de solliciter sans danger les épaules, les bras, le dos et les genoux. Rien ne sert de se comparer aux autres et de vouloir atteindre les mêmes performances rapidement. Il faut avant tout respecter son rythme et à être à l’écoute de son corps, conseillent les bons coaches, pas toujours faciles à trouver dans un secteur où il y a encore beaucoup de disparité (certaines formations courtes d’un week-end suffisent à devenir coach de CrossFit). Ceci étant, contrairement aux fausses croyances, « ce ne sont pas les débutants qui risquent le plus de se blesser au CrossFit, mais plutôt les personnes expérimentées » qui cherchent la performance, indique l’Ordre professionnel de la physiothérapie du Québec. Pour Inès Nyadanu-Pollet, médecin du sport, une pratique 3 fois par semaine pendant 45 à 60 minutes est raisonnable. Avec un bon échauffement, on ne doit pas se blesser.
Un sport social… et d’apparence
Le centre de remise en forme UPT CrossFit de Montréal résume l’activité en ces termes : « Nous utilisons nos mains et nos pieds, nos bras et nos jambes, le dos et le ventre. Nous poussons, nous tirons, nous levons, nous courons, nous sautons, nous montons, nous jetons, nous ramons, nous rivalisons, nous rions, nous acclamons, nous travaillons, nous nous amusons ». Le plaisir associé à l’effort est un des ingrédients du bien-être. L’engouement pour le CrossFit répond aussi à une demande sociale : cette activité physique polyvalente fédère une véritable communauté, dans une démarche qui valorise l’entraide, développe et cultive la confiance en soi autant que la cohésion. Ce n’est alors plus tant le culte de la performance et la compétition qui compte, que la recherche de bien-être, dans un esprit de jeu et de convivialité. Et, accessoirement, la réalisation d’un fantasme, qui peut virer à l’obsession : avoir le vente plat et le triceps saillant, sans un morceau de graisse qui dépasse. Car on ne peut totalement distinguer la pratique du CrossFit du « culte au corps jeune, séduisant, sain, tout-puissant », dont l’anthropologue David Le Breton fait l’analyse et la critique dans son ouvrage Anthropologie du corps et modernité.
Texte : © J.-C. Moine / Ethnomedia
Photo : © Jonathan Borba / Pexel