L’art des fous
Au début du XXe siècle, médecins, psychiatres et psychanalystes s’intéressent aux rapports entre l’art et les désordres mentaux, et se demandent s’il existe une relation entre une œuvre réalisée par un patient et sa maladie. Les dessins spontanés des enfants reflètent souvent leur vécu émotionnel, remarque-t-on à cette époque. Les médecins férus d’ »art des fous » commencent alors à classer les signes cliniques selon la forme des productions artistiques de leurs patients : le vide serait la marque d’un manque fondamental, la répétition de motifs une démarche stéréotypée, et l’absence de perspective un signe de schizophrénie, explique la conservatrice de la collection de Sainte-Anne… L’objectif est de mieux soigner les patients atteints de maladies mentales en décryptant leurs créations artistiques, principalement picturales. En 1950, l’hôpital Sainte-Anne, à Paris, organise la première exposition d’ »art psychopathologique » où sont exposées 2000 œuvres plastiques créées par 350 malades mentaux. L’art-thérapie devient alors une méthode, dont l’un des objectifs principaux est d’utiliser le potentiel d’expression artistique que toute personne possède à des fins de soin psychologique ou de développement personnel.
Ce courant de l’art-thérapie, dit traditionnel, utilise aujourd’hui l’art comme un moyen de communication non verbal, quand les mots ne parviennent pas à exprimer les expériences, les émotions, les conflits intérieurs qui habitent le patient. L’approche s’apparente à une psychothérapie classique, à la différences près qu’elle privilégie un mode d’expression autre que le langage verbal. S’il ne s’agit plus, comme dans les prémices de la discipline, de lier des formes artistiques à des signes cliniques, ce courant de l’art-thérapie est attentif aux symboles qui surgissent des œuvres. L’art-thérapie traditionnelle est une psychothérapie par l’art, exercée par un psychothérapeute spécialisé.
L’art-thérapie moderne, une nouvelle approche
Dans les années 70, un autre courant a vu le jour : l’art-thérapie moderne. Fondée en France en 1976, l’AFRATAPEM (Association Française de Recherches et d’Applications des Techniques Artistiques en Pédagogie Et Médecine) milite pour une distinction entre « psychothérapie à support artistique » et « art-thérapie », créant en 1986 le premier Diplôme Universitaire d’art-thérapie à l’UFR de Médecine de Tours. Officiellement assimilée à une pratique paramédicale, l’art-thérapie répond à un protocole thérapeutique essentiellement orienté vers la libération des émotions durant l’activité artistique, ainsi que vers le développement des capacités d’expression et relationnelle du patient, sans analyse de sa production artistique.
L’art-thérapie moderne représente aujourd’hui la majorité de la pratique de l’art-thérapie. C’est l’exploitation du potentiel artistique qui est visée, grâce au « pouvoir » de l’art, comme l’expliquent dans notre vidéo Fabrice Chardon (docteur en psychologie clinique et pathologique, directeur d’enseignement et de recherches à l’AFRATAPEM, art-thérapeute et musicien), Philippe Sardo (art-thérapeute diplômé de la Faculté de Médecine et formateur dans le cadre de la certification d’Art-thérapie), et sa patiente Marie-Ange Grelet, souffrant de bi-polarité.
L’indication en art-thérapie est généralement proposée par un médecin d’un commun accord avec les patients sensibles aux arts (musique, peinture, sculpture, danse, théâtre, mime, calligraphie, etc.) et souffrant de troubles de l’expression, de la communication ou de la relation. Elle est de plus en plus utilisée dans les services hospitaliers, car elle est aussi efficace pour combattre les douleurs physiques. C’est ce que nous racontera prochainement la musicienne et art-thérapeute Claire Oppert, « artiste soignante », comme elle aime se définir, auteure du récent ouvrage « Le pansement Schubert« , dans un épisode à paraître du podcast Les voix de la prévention.
Il a fallu attendre 2019 pour que l’Organisation mondiale de la santé (OMS) publie son tout premier rapport sur l’influence des activités artistiques et culturelles sur les perceptions et l’expérience de la santé et du bien-être. Conclusion : de nombreuses études reconnaissent les bienfaits pour la santé d’une activité artistique et ont montré que ces activités sont utiles pour complémenter les traitements médicaux plus traditionnels.
Crédits
Vidéo : © Ethnomedia / jcm pour Apivia Prévention