Face à une personne en détresse psychologique ou dont la santé mentale semble vacillante, au sein de notre famille ou de notre entourage, il est essentiel de dépasser notre gêne et de savoir reconnaître les signes qui imposent de proposer une aide. Une formation de secourisme en santé mentale permet d’acquérir les compétences nécessaires pour intervenir, en attendant une prise en charge professionnelle.

Créée en 2000 à Canberra par les Australiens Betty Kitchener et Anthony Jorm, la formation aux premiers secours en santé mentale (MHFA, Mental Health First Aid) s’est ensuite répandue dans de nombreux autres pays du monde. En France, la méthode a été adaptée en 2018 par l’association Premiers Secours en Santé Mentale France (PSSM France). Au 1er septembre 2022, on comptait en France 29 577 secouristes en santé mentale accrédités, parmi les 5,3 millions répartis aujourd’hui dans les pays du monde entier. L’objectif de l’association est d’atteindre 750 000 secouristes en santé mentale d’ici 2030.

Selon l’OMS, une personne sur huit dans le monde présente un trouble mental, un Européen sur quatre est touché par des troubles psychiques au cours de sa vie, et on estime que 15 % des 10-20 ans ont besoin de suivi ou de soin en France (source : solidarites-sante.gouv.fr).

Aider et lutter contre les discriminations en santé mentale

L’idée sous-jacente à la création de cette formation est que la santé mentale est l’affaire de tous mais qu’on ne peut venir en aide à une personne en situation de détresse ou de crise psychologique que si l’on a appris à reconnaître les troubles mentaux et à agir de manière adaptée, jusqu’à la prise en charge par des professionnels de santé. Si les signes d’une détresse physique ne sont pas toujours très faciles à repérer, ceux d’un trouble de santé mentale peuvent s’avérer encore moins évidents. De plus, la reconnaissance de troubles mentaux se heurte à une réticence à aborder le sujet, y compris avec les proches. On a tendance à minimiser les problèmes de santé mentale, comme si l’on avait honte d’en parler ou peur de stigmatiser les personnes en souffrance psychique, encore très discriminées dans notre société. Se former au secourisme en santé mentale, apprendre à reconnaître des troubles dépressifs ou anxieux, des troubles du comportement alimentaire ou addictifs, se munir de ressources pour aider les personnes qui en ont besoin, c’est aussi une manière de lutter contre cette stigmatisation et ces discriminations.

Secouriste en santé mentale : une écoute et une capacité à agir

Contrairement à une action de premier secours physique, le secourisme en santé mentale a besoin de temps. On ne déclare pas à une personne souffrant de troubles de l’humeur, ayant une perte d’appétit, tenant des propos systématiquement négatifs et pessimistes, ou s’adonnant sans mesure aux jeux vidéos, qu’elle est malade et devrait consulter. Pour la convaincre qu’elle peut se rétablir, ou l’éloigner du déni de son trouble, fréquent, il faut d’abord savoir l’approcher, puis l’écouter sans jugement, la réconforter, évoquer l’idée que des soins sont nécessaires, l’encourager à rencontrer des professionnels, et enfin la renseigner sur les ressources existantes. L’enjeu est important, car plus l’accès aux soins est précoce, plus les chances de rétablissement ou de diminution des troubles sont grandes. Une maladie psychique est comme une maladie « classique » : on peut en limiter fortement les conséquences si on la prend en charge rapidement.

Les cinq étapes du plan AÉRER

A pour Approcher la personne : déterminer le bon lieu, le bon moment pour avoir une discussion avec elle ;

É pour Écouter activement et sans jugement : poser des questions ouvertes, accueillir des ressentis, reformuler en mettant de côté ses a priori ;

R pour Réconforter et informer : donner de l’espoir à une personne quant à sa situation et lui proposer une aide pratique, des informations ;

E pour Encourager à aller vers des professionnels ;

R pour Renseigner sur les ressources disponibles : identifier des personnes ressources, conseiller un numéro d’écoute, des livres, des sites, des applis.

Il peut aussi être nécessaire d’intervenir dans une situation de crise. Face à une phase psychotique aigüe, reconnaissable aux pensées confuses, aux délires, aux hallucinations, signes d’une désorganisation de la pensée et du comportement de la personne, il est important de savoir la convaincre de se rendre rapidement chez son médecin traitant ou aux urgences psychiatriques. Lorsque la personne refuse toute aide, il faut être prêt à appeler le SAMU (15), qui pourra déclencher les secours ou indiquer la structure vers laquelle se tourner. Un désespoir profond, une humeur très instable, un état d’angoisse aigu, l’expression d’une culpabilité intense, peuvent être les indices de pensées suicidaires et faire craindre un passage à l’acte à court terme. Face à l’expression plus directe d’une lassitude de vivre, contacter une structure de soutien comme SOS Amitié ou Suicide Écoute, appeler le 15, assurer une présence et savoir parler à la personne en perte de contrôle, permettra de gérer l’urgence de la situation et d’éviter le pire.

Une formation PSSM pour le plus grand nombre

Vous l’aurez compris, la formation de secouriste en santé mentale n’incite évidemment pas à jouer les psychologues ou les psychiatres, mais à changer son regard sur la santé mentale et à savoir repérer les troubles mentaux, développer des compétences d’écoute active et graduer son inquiétude de manière à proposer des interventions efficaces. La formation, tout public à partir de 18 ans, dure 14 heures sur deux jours consécutifs ou réparties en 4 cessions sur une période d’un mois maximum, selon une démarche pédagogique participative mêlant jeu de rôle, simulation, étude de situations concrètes et exercices d’application du plan d’action PSSM. Les secouristes peuvent ensuite, eux-mêmes, suivre une formation de formateurs d’une durée de cinq jours. Bien qu’aucune évaluation de l’impact du programme sur le public français n’ait encore été menée, des études internationales, publiées entre 2014 et 2021, confirment que la formation renforce les connaissances sur la santé mentale et améliore la qualité du soutien apporté. Gage de sérieux, l’association s’est dotée cette année d’un conseil scientifique et pédagogique indépendant, de manière à faire évoluer les programmes de formation en fonction de l’évolution des connaissances, tant sur la santé mentale que sur les méthodes d’apprentissage.

Crédits

Texte : © J.-C. Moine / Ethnomedia

Photo : © Anna Shvets