Wissam El-Hage est professeur de psychiatrie, spécialiste des troubles de stress post-traumatique et de la dépression résistante. Il tempère les informations concernant le lien entre confinement et survenue de troubles de stress post-traumatique, fruits d’une lecture un peu hâtive d’une étude anglaise récente, largement relayée par la presse.

Ci-dessus :

Notre interview à distance de Wissam El-Hage (Skype).

Jean-Christophe Moine –  On a beaucoup lu que le confinement pourrait provoquer un stress post-traumatique. J’aimerais aborder avec vous la question de l’impact psychologique du confinement, en commençant par un rappel de ce qu’on appelle un stress post-traumatique.

Professeur Wissam El-Hage — Par définition, c’est quelque chose qui survient après un choc traumatique. C’est à dire des événements exceptionnels de la vie comme des accidents graves, des agressions physiques, des agressions sexuelles, des formes de mal-traitance, de torture, avoir été otage de guerre, prisonniers de guerre… Nous sommes résilients dans 90 à 95 % des cas : on fait avec, on s’adapte. Mais, chez une partie de 4, 5 ou 6 % de la population, face à de tels événements – cela dépend de la nature de l’événement -, on peut développer des symptômes de stress post-traumatique : c’est à dire des flashs, des pensées obsessionnelles autour de ce qu’on a vécu, des cauchemars. Il y a une peur tellement forte de revivre la même expérience qu’on évite un certain nombre de situations. Beaucoup d’affects négatifs, des pensées négatives, des ressentis émotionnels négatifs forts. Et puis un état d’hyper-vigilance, comme si on était en danger permanent. On dort mal, on se concentre mal et on a des difficultés dans la vie de tous les jours.

JCM — En soi, l’isolement, l’absence de contacts physiques et sociaux, ne peuvent pas être source de ce type de syndrome ?

WEL — L’ambiance générale du confinement, alimenté par de l’information très négative, crée de l’inquiétude. L’inquiétude, c’est du malaise, c’est du stress. Le propre du stress, s’il ne dure qu’un peu, c’est d’être sans conséquence. Mais s’il s’installe dans la durée – c’est ce qui est le cas actuellement -, cela peut générer une recrudescence d’anxiété, voire des affects tristes ou des obsessions. Sinon un confinement, s’il est fait dans des conditions acceptables, ne produit pas traumatisme.
Cela peut devenir plus problématique chez certaines personnes : celles qui avaient déjà subi des traumatismes dans le passé ; celles qui sont confinées dans de très mauvaises conditions. Et je pense tout particulièrement aux personnes victimes de violences conjugales et intrafamiliales ; celles qui sont complètement isolées socialement ; les personnes qui ont des handicaps nécessitant du lien social ; les personnes qui souffrent de troubles psychiques ou d’autres troubles de la santé qui nécessitent un accompagnement social. Ces personnes-là peuvent vivre cette rupture de lien social, cette distanciation sociale, de façon beaucoup plus péjorative.
Donc, vous voyez que le raccourci qu’on veut bien dire sur dix jours de confinement égale troubles de stress post-traumatique n’a de valeur que s’il est remis dans un contexte d’explications bien précis.

Lire l’article complet sur les effets psychologiques du confinement.

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Interview : © Ethnomedia / jcm pour Apivia Prévention