Hélène Jalin est psychologue clinicienne et psychothérapeute, chercheuse au sein du Laboratoire de Psychologie des Pays de la Loire et enseignante à l’Université de Nantes. Elle prépare une thèse dans laquelle elle étudie les manifestations de l’éco-anxiété, cette nouvelle inquiétude face aux incertitudes des effets du changement climatique et aux bouleversements bien réels dont nous sommes les témoins.

Si l’éco-anxiété n’est pas une pathologie en soi, elle peut devenir problématique lorsqu’elle est trop envahissante et paralyse les individus dans leur vie de tous les jours, favorisant un risque de souffrance psychologique, d’isolement, de stress intense, de dépression. Mais cette forme d’anxiété doit aussi être envisagée comme une réaction sensée, adaptée et saine face à la dégradation bien réelle du vivant et au changement climatique actuel. Pour Hélène Jalin, l’éco-anxiété est ainsi une « pathologie du bon sens » qui, dans sa forme apaisée, permettrait d’agir pour le bien de la planète. Vous l’aurez compris, il y a du militantisme écologique chez cette psychologue engagée.

Retranscription écrite :

Journaliste : Bienvenue dans les voix de la Prévention, un podcast proposé par Apivia Prévention et Ethnomedia.

Hélène Jalin : Je ne vais pas avoir envie d’empêcher les personnes d’être éco-anxieuse parce que je pense que ça a une utilité sociale et que ce n’est pas pathologique en soi. Par contre, ça ne veut pas dire qu’il n’y a pas des formes pathologiques d’éco-anxiété.

Ce qu’on peut essayer de prévenir, c’est qu’elles nous frappent trop durement, qu’elles soient trop difficiles à vivre et qu’elles nous amènent à la paralysie. Ça, c’est vraiment la chose qu’il faut éviter.

Le changement climatique, toutes les manifestations de l’éco-anxiété : débordé par le stress, l’obsession pour l’écologie, plus d’intérêt de se lever le matin, plus de manifestations émotionnelles, difficultés relationnelles, sentiment d’isolement, crise identitaire, deuil environnemental. Donner un sens, une direction, on manque d’un imaginaire collectif qui nous amène vers quelque chose de désirable.

Journaliste : Je vous emmène aujourd’hui à la rencontre d’Hélène Jalin. Psychologue, clinicienne, psychothérapeute, elle s’intéresse particulièrement à l’éco-anxiété. Chercheuse au sein du laboratoire de psychologie des Pays de la Loire et enseignante à l’université de Nantes, elle prépare une thèse dans laquelle elle étudie les manifestations de l’éco-anxiété, qui, pense-t-elle, n’est pas une pathologie en soi, mais peut devenir problématique lorsqu’elle est trop envahissante et paralyse les individus dans leur vie de tous les jours. Si l’éco-anxiété favorise bien un risque de souffrance psychologique, d’isolement, de stress intense, de dépression, qui doivent être pris en charge, elle doit aussi être envisagée comme une réaction sensée, adaptée et saine face à la dégradation bien réelle du vivant et aux changements climatiques actuels. Pour elle, l’éco-anxiété serait ainsi une pathologie du bon sens qui, dans sa forme apaisée, permettrait d’agir pour le bien de la planète. Vous l’aurez compris, il y a du militantisme écologique chez cette psychologue engagée.

Je ne vois pas de sonnette. Si, c’est ici.

Vous aurez un petit micro cravate comme ça, comme moi.

Bienvenue dans les voies de la prévention. Aujourd’hui, Hélène Jalin nous parle d’éco-anxiété.

Hélène Jalin : L’éco-anxiété, c’est, dans sa version très restreinte, c’est l’anxiété qu’on peut ressentir face à l’évolution, à la crise climatique et à la peur chronique, un peu, d’un effondrement environnemental.

C’est-à-dire un effondrement de nos sociétés telles qu’on les a construites depuis des décennies. Et dans son acception un peu plus large, enfin, moi, ce que j’en globe dans l’éco-anxiété, c’est l’ensemble des réactions psychologiques désagréables, on va dire, lié à cette arrivée d’un effondrement liée à la crise écologique. Le terme est un peu mal construit parce qu’on met l’anxiété au milieu, mais en réalité, dans l’éco-anxiété, il y a plein, plein d’autres réactions émotionnelles, comme la colère, comme la culpabilité, comme la honte, comme la tristesse, comme la nostalgie. Quand on prend conscience de l’enjeu environnemental et de ses conséquences pour notre vie, pour la société, etc., ça va générer un pic de stress. On est tous plus ou moins armé pour gérer ce stress. Il va y avoir des personnes qui ont des difficultés à réguler leurs émotions de manière générale et qui vont donc se prendre de plein fouet ce stress et ça va dévier dans quelque chose de pathologique. On a aussi un deuxième type de personnes qui vont globalement très bien, qui n’ont jamais eu de problèmes de santé mentale, mais qui sont exposées là soudainement à un stress important et donc qui vont ponctuellement avoir beaucoup de mal à gérer, à gérer ce pic de stress et donc ça va générer des phénomènes anxieux chez eux.

Il y a deux formes d’exposition au stress : il y a l’exposition directe et il y a l’exposition indirecte.

Indirecte, c’est celle pour laquelle on a été exposé depuis, on va dire, vingt, trente ans. C’est-à-dire, on nous annonce qu’il va y avoir des difficultés avec le climat, donc, on le lit dans les journaux, on le voit dans les rapports du GIEC, mais on n’y est pas exposé directement.

Extraits audio :

« Selon une étude menée par l’Institut de Technologie du Massachussetts, en 1970, la quantité d’énergie produite par l’homme serait seulement mille fois plus petite que celle reçue du soleil, mais elle augmente de trois pour cent par an. »

« Je ne sais pas s’il n’y a pas quelque chose de là-haut qui nous a un peu chamboulé. »

« Il y aurait une augmentation du niveau des océans, en particulier de combien, je ne peux pas faire le calcul de tête comme ça. »

Hélène Jalin : Depuis quelques années, on a une exposition qui est plus directe. Là, je parle en France, parce qu’il y a plein d’autres pays qui ont été touchés bien avant nous par le changement climatique. Depuis quelques années, on voit quand même une multiplication des canicules, on voit une augmentation quasiment exponentielle des incendies pendant l’été. Donc, on commence à être exposé de façon très directe à ce changement climatique.

Extrait audio :

« Sécheresse, mais aussi fonte des glaces, inondations, incendies géants. »

 « Depuis l’espace et les feux de forêt. Je n’avais jamais assisté à ça, notamment lors de ma mission précédente : des feux de forêt d’une ampleur incroyable, avec des volutes de fumée, des colonnes de fumée qu’on voit depuis l’espace pendant des jours et des jours et des jours. »

« Les conséquences du dérèglement climatique elles sont déjà là. Il y a eu des tornades en Allemagne il y a quelques jours. »

« 1 200 pompiers luttent sans relâche, jour et nuit. Là, je vais éteindre ce qui reste, qui est encore en braise pour éviter que ça reparte. »

Hélène Jalin : Les personnes qui ont vécu des incendies, qui les a touchés de près, de très près, et qui ont vécu une vraie angoisse de savoir ce qu’ils allaient devenir, et qui ont dû évacuer leur logement, etc., là oui, effectivement dans quelque chose qui est de l’ordre du stress post-traumatique. Mais dans une moindre mesure, les personnes qui ont vécu des canicules, qui habitent à Paris dans un logement, il fait vingt mètres carrés sous les toits, et qui ont vu la température monter, monter y compris la nuit, et qui ont vu leurs enfants ne pas réussir à dormir, on peut être dans quelque chose qui est de l’ordre du stress intense aussi. Et j’ai pas mal de personnes qui m’ont raconté des prises de conscience à ce moment-là, voyez, quand vraiment ça commence à vous toucher de près dans votre corps, quand ça touche à vos enfants, et que vous êtes dans une situation d’impuissance et vous ne pouvez pas faire grand-chose à la situation, là, oui, ça peut, ça peut générer des dommages psychologiques importants effectivement.

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Dans le cadre de la thèse, j’ai construit une échelle de mesure de l’éco-anxiété qui comporte en gros trois grandes familles de manifestations.

Donc, la première, c’est celle que j’ai déjà évoquée, c’est-à-dire les manifestations émotionnelles et leurs conséquences somatiques. Donc là, effectivement, il y a toutes les manifestations de type anxiété, colère, culpabilité, tristesse et les manifestations somatiques. Ça peut être difficulté à dormir, difficulté à avoir de l’appétit, et puis toutes les manifestations somatiques du type boule au ventre ou tension nerveuse. Ça, c’est la première grande famille.

La deuxième grande famille, elle est très importante. Elle est très, très évoquée chez les personnes éco-anxieuses, c’est les difficultés relationnelles. Les personnes éco-anxieuses sont encore minoritaires dans la société actuelle et elles peuvent avoir un sentiment d’isolement, d’incompréhension de la part de leurs proches. Elles ont souvent l’impression d’avoir compris quelque chose de majeur pour notre société et de prêcher seul dans le désert. Et ça peut être des difficultés avec les parents, avec le milieu professionnel, mais ça peut être aussi des difficultés qui les touchent de très près de type le conjoint qui comprend pas et qui a envie de continuer à prendre l’avion pendant les vacances et qui a envie de continuer à manger de la viande tous les repas.

Et puis la troisième grande famille de manifestations, elle se manifeste surtout quand on a la prise de conscience, c’est ce qu’on appelle le choc initial, qui peut durer parfois des semaines, des mois, voire des années. C’est-à-dire qu’on n’y croit tellement pas à ce qu’on a compris qu’on a une boulimie d’informations, qu’on va aller chercher de partout ces informations et qu’on va y consacrer une grosse partie de notre vie et donc qui peut avoir une omniprésence de ce sujet-là, de cette thématique là dans nos vies, qui peut parfois confiner à quelque chose qui se rapproche du burn-out.

Au début, j’utilisais le terme d’obsession, puis ça se rapproche trop de certains autres termes plus pathologiques, mais on est vraiment dans une omniprésence de cette thématique-là. Et on peut en aussi, par exemple, à faire le tri dans nos relations pour ne choisir que les personnes qui seront sensibilisées aussi, parce que ça devient trop difficile pour nous de parler à des personnes qui ne le sont pas.

Donc on ne peut y avoir une grosse remise en question, une grande partie de notre mode de vie, en fait.

Journaliste : Mais ça, ça peut être bénéfique pour la personne. A quel moment ça switch, à quel moment ça engendre un mal-être et un problème de santé mentale en fait ?

Hélène Jalin : Ca peut devenir problématique quand on arrive à quelque chose qui est trop radical et qui va bousculer nos vies en lui enlevant en fait tout ce qui faisait son côté agréable.

En fait, pour résister à un certain niveau de stress, on va avoir besoin d’avoir des soupapes de déchargement en gros, en ayant, par exemple, une vie sociale, en faisant du sport, en ayant des loisirs.

Quand on arrive dans cette espèce d’obsession pour l’écologie, on peut se dire : ok, j’ai plus besoin de ces amis là parce qu’ils me confrontent trop au niveau de mes nouvelles croyances, de mes nouvelles compréhensions du monde, je vais arrêter de faire du sport parce que je vais plutôt choisir d’aller militer. Et puis tout ce qui, avant, pouvait être de l’ordre d’un loisir qui me faisait du bien, c’est maintenant anecdotique, ça n’a plus d’importance par rapport à mon combat.

Dans ces cas-là, les personnes glissent insidieusement vers quelque chose qui va les conduire à un burn-out. D’ailleurs, on constate de plus en plus qu’il y a des phénomènes de burn-out militants, et, en fait, elle n’a plus toutes ses soupapes de sécurité qui lui permettent de continuer à vivre et à y être pas trop mal donc dans leur tête.

A mes patients qui sont un peu trop radicaux, et en fait, ça finit par les faire souffrir sans qu’ils s’en rendent compte, je leur dis, par exemple, pour leurs amis, ok, ces amis-là sont pas sensibilisés comme vous l’êtes, néanmoins, est-ce que c’est un sujet que vous êtes obligé d’aborder avec eux,  est-ce que ça vous fait pas du bien, quand même, d’être avec ces personnes-là pour parler d’autre chose ?

Il faut de temps en temps aussi se permettre de prendre de la distance avec ce sujet-là, parce que quand c’est vraiment omniprésent tout le temps, tout le temps dans nos vies, c’est-à-dire qu’on a un petit niveau d’exposition au stress permanent qui est très, très délétère aussi pour la santé.

Extrait audio :

« Figurez-vous qu’il y a une étude suédoise, qui est sortie il y a un mois et demi, qui dit que l’acte le plus écologique, c’est ne pas avoir d’enfant. Ca représente en équivalent CO2 par an 40 voyages en avion transatlantique. Sachez que si vous n’en avez pas, vous pouvez aller parent quinze fois en Australie chasser le kangourou, en 4×4 diesel, vous êtes plus écolo qu’eux. »

Journaliste : A quel moment les gens vous consulter ou consulter un psychologue, à quel moment ils font le pas ?

 Hélène Jalin : Il y a en fait les deux extrêmes de l’éco anxiété, qui sont pathologiques. Donc, le premier extrême, c’est l’extrême qu’on appelle la paralysie, c’est-à-dire on vient de prendre conscience de cette réalité, on a une impossibilité à l’intégrer sur le plan émotionnel et ça nous paralyse. Moi, j’ai des personnes éco-anxieuses qui sont tombées dans une forme dépressive d’éco-anxiété, c’est-à-dire qui n’arrivaient plus du tout à se mobiliser et à se lever le matin, à prendre soin de leurs enfants. Elles étaient dans des idées noires un peu régulières. Elles trouvaient plus de sens dans leur travail non plus. Ça, c’est quelque chose dont j’ai pas parlé, mais qui est vraiment très récurrent, et donc elle voyait plus d’intérêt de se lever le matin.

Quand on en est là, il faut venir consulter. Comme on change complètement de braquet de manière de voir le monde du fait de cette prise de conscience là, on peut avoir une crise identitaire qui est complètement difficile à traverser.

Donc on a pour ces problématiques de crise identitaire pas mal d’outils, notamment basés sur les thérapies cognitives comportementales, qui peuvent être mobilisés et qui peuvent aider la personne à traverser cette période difficile.

On parle aussi de deuil environnemental. C’est un terme qui est pas mal utilisé par les psychologues qui travaillent sur ces sujets-là. C’est-à-dire aider la personne à traverser, en fait ce qu’on appelle un deuil, c’est-à-dire le deuil de notre vision de la vie d’avant. Le deuil de notre espoir que la société allait nous offrir une vie qui était de plus en plus positive.

Et alors, ce qui marche très, très bien pour les personnes éco-anxieuses, c’est de trouver un moyen de les mobiliser et de passer à l’action. Pour ces personnes qui sont dans la paralysie, d’essayer de trouver quelque chose dans lesquelles elles peuvent s’investir et qui va leur donner un sens, une direction, et aussi, peut-être, un peu d’espoir, et aussi, peut-être, un réseau social de personnes qui sont aussi sensibilisées qu’elles et qui vont leur permettre de se sentir moins seules.

 L’extrême opposé, c’est quand on se crame en fait par nos actions. On est trop engagé sur le plan militant, on oublie effectivement toutes ses formes de loisirs et on arrive à être débordé par le stress. Avec des risques de potentiel de burn-out militant. En général, les personnes qui sont dans cette extrémités-là viennent moins consulter, c’est plutôt les le premier type qui vient consulter.

Journaliste : Vous n’avez pas évoqué les pratiques de reconnexion à la nature. Elles sont importantes, j’imagine aussi.

Hélène Jalin : Oui, il y a notamment une association qui est en train de se développer, qui est créée, qui se développe en France, qui est l’association d’éco-psychologie. Donc, c’est tout un courant qui est en train de se développer, qui passe par le bien-être, par la reconnexion à la nature.

Il y a notamment quelque chose qui se développe de plus en plus, qui est le travail, qui relie, qui est un courant de pensée et de prise en charge. Ce sont des retraites, qui se passent dans des milieux, en général, qui sont des milieux naturels, où il y a une expression des émotions négatives liées à l’éco-anxiété et un travail collectif de reconnexion à la nature par des méditations dans la nature, par des promenades dans la nature, visant donc à permettre à la personne de se reconnecter à la nature et d’y trouver un apaisement.

Le travail qui relie, par exemple, est très associé avec toute la mythologie amérindienne, avec des populations, donc des indiens d’Amérique, qui était très, très connectés à la nature et qui y trouvaient tout leurs dieux et toutes leurs formes de spiritualité.

Journaliste : Est-ce qu’on constate des dérives possibles ou pas ?

Hélène Jalin : Vous parler de dérive sectaire ?

Journaliste : Oui absolument.

Hélène Jalin :  Moi, j’ai en tout cas, dans ce courant de l’éco-psychologique, qui est quand même un courant assez récent, je n’ai pas entendu pour l’instant parler de dérives sectaires.

Après de dire que ça n’existe pas, j’en sais rien. La sylvothérapie, c’est quelque chose qui est ce qu’on appelle les bains de forêt, c’est tout un courant qui est issu d’une pratique qui existe au Japon originellement. En soi, ça n’a pas de possibilité de dérives sectaires, c’est juste d’emmener les gens dans la forêt et, de deux, d’avoir quelques pratiques en lien avec les arbres. Mais ça, c’est une pratique, la sylvothérapie, qui est quand même étayée par le fait, par certaines études qui disent que la présence prolongée dans une forêt va engendrer davantage de bien-être. Donc, ça, c’est étayé par des données scientifiques. Si, à la limite, la personne pense et a besoin de penser qu’il se passe quelque chose entre elle et l’arbre et que ça l’aide à aller mieux, à la limite, où est le problème ? Et donc, si elle a besoin de croire au fait que il y a quelque chose qui passe entre elle et l’arbre et que ça fonctionne, je n’ai pas d’avis à donner là-dessus, mais je sais que ça apporte du réconfort à beaucoup de personnes. Après, c’est des choses auxquelles on adhère ou on n’adhère pas.

Extrait audio :

« Moi, je suis éco-anxieux parce que j’aime la nature, les animaux, la terre. Donc là, vous vous dites un petit séjour à Center Parcs, le bungalow premium isolé. Le matin, on voit des lapins courir, il irait mieux. Sauf que non. Après, est-ce que l’éco-anxiété est une maladie mentale ou juste une forme de réalisme ? »

Hélène Jalin : En psychopathologie, on va considérer comme pathologique une anxiété qui est irrationnelle. Donc, par exemple, si on considère, sous nos latitudes, que l’on ne peut pas être dans la même pièce qu’une araignée – les araignées n’étant pas réellement dangereuses – encore une fois, sous nos latitudes, on peut considérer qu’on est dans une peur qui est irrationnelle. Quand on parle d’éco-anxiété, vraiment, la question se pose parce que, de ce que nous disent les prédictions du GIEC, on est vraiment dans quelque chose d’assez catastrophique au niveau de l’humanité, et donc on peut considérer qu’on n’est pas dans une peur qui est irrationnelle.

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Hélène Jalin : On parle de plus en plus d’une anxiété qui est adaptative, qui est une anxiété qui va nous amener collectivement vers la prise de conscience et vers le changement collectif de nos comportements.

Je ne veux pas avoir envie de prévenir l’éco-anxiété, puisque je considère qu’elle est adaptative et qu’elle va avoir son utilité au niveau de la société. Ce qu’on peut essayer de prévenir, c’est qu’elle nous frappe trop durement, qu’elle soit trop difficile à vivre et qu’elle nous amène à la paralysie. Ça, c’est vraiment la chose qu’il faut éviter.

Si on est tous un peu éco-anxieux, et bien c’est là qu’on va tous se mettre collectivement à l’action et changer nos comportements, pour faire évoluer la société, pour qu’on limite la casse en termes de changement du climat.

On manque d’un imaginaire collectif qui nous amène vers quelque chose de désirable.

Il faut, collectivement, qu’on imagine un monde d’après positif, dans lequel on aurait fait la transition écologique et dans lequel, eh bien, tout le monde irait mieux. Parce que il ne faut pas non plus se voiler la face : le monde qu’on nous propose à l’heure actuelle, c’est pas un monde qui nous met en bonne santé mentale.

Pour se prémunir d’être trop dans une forme angoissante d’éco-anxiété, le secret que tous les psy ont, c’est vraiment l’action. C’est-à-dire il faut, à l’échelle individuelle, trouver des modes d’action, son fil rouge à soi, qui va faire baisser notre niveau d’angoisse. Donc, c’est un fil rouge qui est a trouvé dans la manière dont on est construit, c’est-à-dire il y a des personnes qui vont se retrouver dans la militance, qui vont y être bien, mais ça ne peut pas convenir à tout le monde.

Donc, c’est peut-être de prôner une évolution plus écologique de l’entreprise dans laquelle on travaille. Si on est instituteur, c’est d’essayer de faire des choses avec les enfants pour les amener à être plus sensibilisés à ces questions-là. Il faut vraiment que chacun trouve ce qui lui convient pour avoir l’impression d’agir et de pas rester paralysé seul dans son coin.

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Hélène Jalin : Quand on parle du changement climatique et de la crise de la biodiversité, tout ça, ça touche à la nature, qui est notre environnement et qui est notre milieu de vie. C’est comme si on allait progressivement s’enfermer dans une espèce de cage où le monde allait devenir complètement hostile.

La nature, c’est quelque chose qui est apaisant. Par exemple, une exposition à un environnement naturel a tendance à permettre de calmer davantage, en tout cas plus rapidement, un stress provoqué dans une condition expérimentale, donc d’apaiser plus rapidement le rythme cardiaque, etc. Et puis, il y a des études qui montrent, par exemple, qu’il y a un lien entre le bien-être et la distance entre son logement, le premier arbre ou la première forêt. Il y a aussi d’autres études qui montrent que l’exposition à une source d’eau, par exemple un lac, une rivière, etc. , avait des possibilités apaisantes.

La nature, si elle change, elle devient quelque chose qui est menaçant et va nous menacer dans notre chair, dans ce qu’on a de plus cher, en fait, qui est notre lien à notre écosystème. Il y a des chercheurs qui ont parlé de ce qu’on appelle l’immortalité symbolique. C’est-à-dire le fait que nous, humains, on supporterait l’idée de la mort parce qu’on sait qu’il y a dans l’humanité une forme d’immortalité symbolique, dans le sens où nos enfants vont nous survivre et que la nature qui nous entoure va nous survivre.

Donc, dans l’éco-anxiété, on touche à cette notion d’immortalité symbolique, dans le sens où nos enfants sont menacés, et où la nature, le milieu dans lequel on vit, est menacé, et ça, ça touche à l’inconscient collectif.

C’est difficile d’aller étudier cette question-là, mais en tout cas, instinctivement, ça me parle beaucoup. En fait, on manque d’un imaginaire collectif qui nous amène vers quelque chose de désirable.

Il faut, collectivement, qu’on imagine un monde d’après positif. La prévention de l’éco-anxiété, elle est peut-être collective, elle est peut-être d’essayer de trouver des formes de vie qui soient désirables et qui soient à basse empreinte carbone.

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Journaliste : Hélène Jalin a fait référence au mouvement de l’eco-psychologie et à des expériences d’interconnexion avec la nature, sur lesquels vous pouvez vous informer sur le site éco-psychologie.com et sur le site asso-rafue.com.

 J’attire votre attention sur le fait qu’il est important de consulter des sites de référence et des psychologues diplômés avant de vous engager dans des parcours thérapeutiques non conventionnels.

En soi, renouer avec la nature en s’enivrant d’odeurs forestières ou en faisant des câlins aux arbres ne fera de mal à personne. Mais la prise en charge d’un trouble psychologique doit être encadrée par des professionnels de santé. Votre médecin, votre psychologue pourra vous aider à faire le tri entre des dérives thérapeutiques, qui malheureusement existent, et des pratiques thérapeutiques alternatives, encadrées par des connaissances médicales et psychologiques fiables. Ils pourront aussi vous conseiller dans le choix, par exemple, d’un atelier de travail qui relie, qu’Hélène Jalin, évoqué dans ce podcast, et qu’elle anime elle-même.

Le site de la mission interministérielle de vigilance et de lutte contre les dérives sectaires miviludes.intérieur.gouv.fr met à disposition du public une série de critères pour démasquer charlatans et pseudo thérapeutes qui cherchent avant tout à avoir une emprise mentale sur les personnes qui font appel à leurs services.

Vous avez entendu, dans cet épisode, les extraits du reportage Le Climat et les Hommes, diffusé sur FR3 le 1er juillet 1977 ; de l’émission le Dessous des Cartes : climat, le dérèglement c’est maintenant diffusé sur Arte, en 2020 ; d’un reportage d’Euros News du 27 octobre 2021, dans lequel l’astronaute Thomas Pesquet livre ses inquiétude pour la planète ; de l’émission Votre Instant Politique, diffusé sur France Info le 26 mai 2022 ; du reportage C’est dans l’air, feu, canicule, alerte sur la France, diffusé sur France Télévision le 16 juillet 2022 ; du sketch : l’écologie, interprété par Alex Vizorek au Montreux Comedy en 2019. Et enfin du sketch l’éco-anxiété : une angoisse de plus, une chronique de Tanguy Pasturaux diffusée dans la Bande Originale sur France Inter, le 20 mai 2022.

Merci de nous avoir accompagnés dans cet épisode des voix de la prévention. Un podcast proposé par Apivia Prévention et Ethnomedia.

Auteur : Jean-Christophe Moine, avec Séverine Roly à l’enregistrement, et David Trecos au mixage.

Continuez à vous informer sur le site Apivia-Prévention.fr. N’oubliez pas de vous abonner à notre podcast et de le partager et surtout prenez soin de vous.

Crédits

Podcast : © Apivia Prévention & Ethnomedia

Auteur : Jean-Christophe Moine

Prise de son : Séverine Roly

Mixage : David Trecos