Créé il y a dix ans sur le modèle d’octobre rose, Juin vert est le mois de sensibilisation contre le cancer du col de l’utérus. La campagne veut rappeler que ce cancer est l’un des rares qui peut être évité grâce à la vaccination et au dépistage.
Les « papillomavirus » auraient presque un joli nom. Mais ces virus sont responsables d’une des infections sexuellement transmissible les plus courantes et, dans plus de 90 % des cas, des cancers du col de l’utérus. Chaque année, environ 3000 nouveaux cas de ce cancer sont recensés en France, dont plus de 1000 sont mortels. C’est bien moins que le cancer du sein (58 500 cas et 12 100 décès en 2018) mais, contrairement à ce dernier, il est évitable et pourrait même être totalement éradiqué grâce à une prévention et un dépistage dont l’opération Juin vert fait la promotion chaque année, depuis 12 ans, à l’initiative de l’Institut national du cancer.
Principal facteur de risque du cancer du col de l’utérus : les infections dues aux papillomavirus humains
Les papillomavirus humains (HPV) sont présents sur la peau et les muqueuses, et se transmettent à l’occasion d’un simple contact cutané ou d’un rapport sexuel, y compris bucco-génital. Le préservatif ne protège que partiellement contre ces virus. Très contagieux, ils sont la cause d’infections et de lésions bénignes de la peau, des muqueuses génitales et anales, ou de la bouche, et toucheraient environ 80 % des hommes et des femmes au cours de leur vie. Souvent, cette infection est asymptomatique et, dans la plupart des cas, elle passe totalement inaperçue, l’organisme l’éliminant dans les deux ans. Mais, parfois, les papillomavirus à haut risque, dits oncogènes, entraînent des infections qui persistent pendant des années et causent des lésions qui, non dépistées, font le terrain de cellules cancéreuses, principalement chez les femmes (75 %). Si le principal cancer lié à l’infection par les HPV est celui du col de l’utérus (44 % des cas), d’autres cancers sont concernés : celui de l’anus (24 %) et de l’oropharynx (22 %), mais aussi de la vulve, du vagin et du pénis. En tout, chaque année, en France, 6 400 nouveaux cas de cancers sont liés aux papillomavirus humains.
Chez les femmes, avant la ménopause, les symptômes précoces les plus fréquents d’un cancer du col de l’utérus sont des saignements survenant en dehors de la période des règles, spontanément ou après des rapports sexuels. Une augmentation anormale des pertes vaginales peut également être considérée comme un symptôme bien que, dans l’immense majorité des cas, elle soit provoquée par d’autres maladies ou infections. Ces signes d’alerte ne sont pas toujours associés à un cancer mais ils requièrent l’avis d’un médecin (gynécologue, médecin traitant, sage-femme), basé sur un examen clinique.
Source : Fondation Arc
Le cancer du col de l’utérus est un des rares cancers qui pourrait être éradiqué par la vaccination combinée au dépistage
En France, la vaccination contre les infections à papillomavirus humains (HPV) est recommandée chez les jeunes filles de 11 à 14 ans depuis 2007 et, depuis 2021, à tous les garçons du même âge. Elle est aussi recommandée, dans le cadre du rattrapage vaccinal, pour les jeunes femmes et les jeunes hommes entre 15 et 19 ans révolus, particulièrement pour les personnes immunodéprimées et, jusqu’à 26 ans, pour les hommes qui ont des relations homosexuelles, même épisodiques, car ils sont exposés à un risque plus élevé de cancer anal. Le site vaccination-info-service tient à jour toutes les recommandations concernant le schéma vaccinal à respecter si l’on veut bénéficier d’une protection maximale. A savoir, ce vaccin est pris en charge par l’assurance maladie obligatoire (65%) et par les complémentaires santé.
En France, la couverture vaccinale est encore faible : en 2018, elle n’atteint que 23,7 % pour le schéma complet à 16 ans, contrairement à d’autres pays où plus de
70 % des filles sont vaccinées. Bien qu’il soit encore difficile d’en évaluer l’efficacité, des études tendent à montrer que l’on peut être optimiste. En Australie, où la couverture vaccinale des filles atteint 80 %, le virus circule beaucoup moins. L’Angleterre, qui a lancé le programme de vaccination contre le HPV à la fin des années 2000, aurait réussi à presque éliminer le cancer du col de l’utérus chez les femmes nées depuis le 1er septembre 1995.
Si certains médecins osent considérer que 1000 décès de femmes serait un chiffre bien trop faible pour justifier la vaccination anti-HPV, participant ainsi à une polémique habituelle autour de la vaccination, la majorité estime fort heureusement que sauver des vies reste leur priorité et s’appuient sur des avis légitimes et argumentés scientifiquement pour militer en faveur d’une couverture vaccinale optimale, de manière à obtenir une immunité de groupe rapide. Il faut avoir à l’esprit que la vaccination est aussi une forme de solidarité : près de 90 % des décès de 2018 sont survenus dans des pays à revenu faible ou intermédiaire. Dans le monde, le cancer du col de l’utérus a fait 341 831 victimes en 2020. En réponse, l’Organisation Mondiale de la Santé a lancé une stratégie mondiale pour accélérer l’élimination du cancer du col de l’utérus dont l’objectif est de faire de ce cancer une maladie du passé.
La presse ou les réseaux sociaux se font parfois l’écho de suspicions liant vaccination contre les HPV et cas de maladies auto-immunes. Une étude publiée par l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM) et l’assurance maladie, portant sur 2,2 millions de jeunes femmes de 13 à 16 ans, ne montre pas d’augmentation de la survenue de maladie auto-immune à la suite de ces vaccinations. Seule une hausse du risque de syndrome de Guillain-Barré apparaît probable mais elle est rare (de 1 à 2 cas pour 100 000 filles vaccinées). L’ANSM et l’Assurance Maladie estiment ainsi que les bénéfices attendus de la vaccination contre les HPV sont plus importants que ses risques éventuels.
Source : Institut national du cancer
NB : le syndrome de Guillain-Barré est une maladie neurologique dont les symptômes peuvent aller de fourmillements au niveau des mains et des pieds jusqu’à de véritables paralysies.
Dépister les lésions et les cancers à un stade précoce
Le programme national de dépistage organisé du cancer du col de l’utérus a été mis en place en 2018 pour détecter des lésions précancéreuses ou des cancers à un stade précoce, et les traiter rapidement. Il concerne toutes les femmes asymptomatiques âgées de 25 à 65 ans inclus, vaccinées ou pas. On estime que 90 % des cancers pourraient être évités avec un bon dépistage.
Le dépistage se fait tous les 3 ans par un frottis cervico-utérin (l’examen n’est pas douloureux et ne prend que quelques minutes) pour les femmes âgées de 25 à 30 ans, et tous les cinq ans par test HPV, c’est-à-dire en recherchant la présence de génotypes du virus HPV, de 30 ans à 65 ans.
Le frottis peut être réalisé par une gynécologue, un médecin généraliste, mais aussi par une sage-femme, et il n’est pas nécessaire d’avoir une ordonnance pour la consulter. Dans le cadre du programme national de dépistage du cancer du col de l’utérus, vous recevrez un courrier de votre Centre régional de coordination des dépistages des cancers vous invitant à réaliser ce dépistage. L’examen cytologique (des cellules prélevées) et le test HPV, réalisés lors du frottis de dépistage, sont pris en charge à 100 % par l’Assurance Maladie sans avance de frais.
Pour éliminer le cancer du col de l’utérus au cours du siècle prochain, l’OMS estime qu’il faut atteindre trois objectifs : obtenir 90 % de taux de vaccination chez les filles avant l’âge de 15 ans ; dépister 70 % des femmes au moyen d’un test performant avant l’âge de 35 ans, puis à nouveau avant l’âge de 45 ans, proposer un traitement à 90 % des femmes atteintes d’un pré-cancer et une prise en charge adéquate à 90 % des femmes atteintes d’un cancer invasif.
Le mois de juin est dédié à la promotion du dépistage du cancer du col de l’utérus. A votre niveau vous pouvez vous informer, vous mobiliser, faire passer le message… et réaliser votre premier frottis si vous ne l’avez jamais fait !
Texte : © J.-C. Moine / Ethnomedia
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