La presse se fait régulièrement l’écho d’une supposée désinvolture des jeunes vis à vis de la contraception. La jeunesse serait peu éduquée à la sexualité et ne se protègerait plus. Et les jeunes filles auraient recours de façon inquiétante à l’avortement par manque d’information, par naïveté, voire même par « bravade adolescente ».

La sociologue Nathalie Bajos (Inserm-Ined) conteste ces points de vue et, à l’instar de son collègue Michel Bozon, attribue l’anxiété des adultes, des médias et des institutions de prévention à l’égard des pratiques contraceptives des jeunes à une forme de panique morale due à la perte de contrôle des adultes sur la vie, notamment sexuelle, des adolescents.
La sociologue se base sur des données issues d’enquêtes publiques réalisées sur plusieurs dizaines d’années, montrant que le taux d’IVG chez les 15-17 ans est stable, autour de 10 pour 1.000, depuis 1976. Les variations de 2 ou 3 pour 1.000 d’une année sur l’autre, qui peuvent être observées, doivent donc être interprétées prudemment au regard de la stabilité de ce taux sur les 40 dernières années. Les données démontrent également que le taux de jeunes de 15 ans déclarant avoir eu accès à une information sur la sexualité et la contraception par l’école est en augmentation constante, passant de 20% environ en 1952 à 90% en 2006. S’il ne faut pas nier des inégalités territoriales d’accès à l’information, ou bien la qualité parfois insuffisante de ces informations, force est de constater que la situation n’est pas à la hauteur de l’angoisse qui s’exprime dans la presse.

— N.D.R. —

Les articles de presse plus alarmistes se basent également sur des rapports et des études chiffrés. Malheureusement, le détail de ces études n’est pas accessible, ne permettant pas de vérifier la méthodologie utilisée. Par ailleurs, il apparait que ces études et rapports sont commandés par des laboratoires pharmaceutiques ou rédigés par des médecins liés aux laboratoires. Ces derniers ayant des intérêts économiques dans le domaine de la contraception, il parait plus prudent de baser nos constats sur des données indépendantes ayant fait l’objet de publications scientifiques.

Le choix d’une première contraception : au-delà des préjugés

Le parcours contraceptif des adolescents présente, en France, une forme d’automatisme : premiers rapports avec préservatif, puis prise de pilule hormonale par la jeune fille. Ce choix quasi automatique de la pilule (dans environ 80% des cas selon des chiffres de 2011) peut paraitre pertinent : la pilule a une efficacité théorique de 99,7 %. Pourtant, si les erreurs d’utilisation sont prises en compte, l’efficacité pratique tombe à 91 %, soit nettement en dessous d’autres contraceptifs dont l’efficacité pratique reste supérieure à 99%. Pour schématiser, si, à la fin du premier trimestre, une adolescente en est déjà à sa cinquième réprimande pour avoir oublié son livre de géo ou son survêtement pour le sport, la pilule n’est peut-être pas le premier contraceptif à envisager.

Une des raisons de cette omniprésence de la pilule chez les jeunes femmes en France est cette idée reçue qui prétend que le DIU (Dispositif Intra-Utérin) est réservé aux femmes ayant déjà eu un enfant. Le DIU a d’ailleurs longtemps été appelé stérilet, accréditant à tort l’idée qu’il rendrait stérile. Pourtant, la Haute Autorité de Santé est formelle : « Les DIU sont utilisables chez l’adolescente ne présentant pas de contre-indications (malformations utérines, infections en cours ou saignements inexpliqués), après avoir évalué et écarté un risque infectieux ». Cette solution est particulièrement adapté aux personnes dont le mode de vie est peu compatible avec la prise régulière d’une pilule. Son efficacité pratique est de 99,8% pour les DIU hormonaux. D’autres alternatives à la pilule, parfois mal connues, existent : l’implant et l’anneau vaginal notamment.
L’implication du garçon dans la contraception est également l’objet de stéréotypes bien ancrés. Souvent, le garçon prend en charge la contraception lors des premiers rapports, pour lesquels le préservatif masculin est utilisé dans la majorité des cas. Mais, très rapidement dans un couple, la charge (mentale et financière) repose exclusivement sur la jeune fille. Il faut reconnaitre que, bien qu’elles existent, les méthodes contraceptives masculines sont peu connues en France. Le manque d’informations et de praticiens disponibles rendent ces solutions peu adaptées dans le cas de la première contraception d’un jeune couple. Cela ne doit pas pour autant conduire les jeunes hommes à se désintéresser du sujet.

Choisir et se faire conseiller

La première étape d’un parcours contraceptif est l’information. Le ministère de la santé édite le site internet choisirsacontraception.fr qui contient un tableau comparatif constituant une bonne porte d’entrée dans l’univers des contraceptifs. Ils sont classés en fonction de divers critères (efficacité théorique et pratique, protection contre les maladie sexuellement transmissibles, nécessité d’une intervention médicale, utilisation d’hormones, etc.). Le site contient également une rubrique pour les parents qui souhaitent aborder le sujet de la contraception avec leurs enfants.
Le site internet proposé par la société des obstétriciens et gynécologues du Canada est également une mine d’informations sur la contraception et la sexualité en général. Il est rédigé avec précision et avec une liberté de ton assez inédite en France (jetez par exemple un œil sur la rubrique LGBTTQ+).

Au stade de la prescription, les médecins, gynécologues, sages-femmes ou les centres de planification et d’éducation familiale peuvent vous guider et vous prescrire la contraception de votre choix. Les CPEF proposent aux mineur·e·s une consultation gratuite, anonyme et sans autorisation des parents.
Petite précision : l’examen gynécologique, qui peut être inquiétant pour une adolescente, peut être différé. Sauf symptômes ou antécédents le justifiant, la Haute Autorité de Santé indique qu’il n’est pas un préalable à la prescription d’une contraception.

Le contraceptif est délivré sur prescription en pharmacie. La pilule, l’implant progestatif et le DIU sont délivrés gratuitement pour les mineures de 15 à 18 ans. Si l’ordonnance de contraception n’est plus valable, mais qu’elle date de moins d’un an, un infirmier ou une pharmacienne peut la renouveler pour une durée supplémentaire de 6 mois maximum. La contraception d’urgence, en cas d’oubli de pilule, de préservatif qui glisse ou se déchire, d’anneau vaginal mal placé, peut être délivrée sans prescription par le pharmacien ou l’infirmier scolaire.

Les études montrent que les jeunes sont en moyenne plus sérieux que leurs parents ne l’étaient au même âge. L’angoisse légitime des adultes ne doit pas empêcher de leur proposer une information objective, sans porter de jugement. La question de la contraception des adolescents doit être abordée sans tabous.

Le choix d’une contraception est personnel et dépend de nombreux critères (suis-je assez organisée pour ne pas oublier ma pilule ? A qui souhaitons nous faire porter la charge de la contraception dans notre couple, etc…). Le médecin référant, les parents, telle ou telle institution, sont là pour aider à faire un choix mais, en aucun cas, pour imposer une contraception avec laquelle on ne serait pas à l’aise.

POUR ALLER PLUS LOIN

• Le site du ministère de la santé recense les différents moyens de contraception disponibles.

• Martin Winckler est un médecin écrivain. Il a exercé dans un planning familial au début de sa carrière. Il en a tiré un roman (La Vacation) et une grande curiosité pour la question de la contraception. Son site contient une rubrique contraception qui est une mine d’informations.

• Sur le sentiment de panique morale des adultes vis à vis de la sexualité des adolescents.

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