Le toucher joue un rôle central dans les bases des interactions sociales. Il est aussi vital dans la construction d’une personne, dans ses attachements et son développement cognitif. C’est une dimension à ne pas négliger lors des soins.

« L’homme a toujours besoin de caresse et d’amour… », disait le poète Alfred de Vigny. Et il est vrai que dès sa naissance, et même avant dans le ventre de sa mère, l’être humain est extrêmement réceptif aux caresses : le toucher est en effet la première capacité sensorielle à apparaître chez le fœtus, bien avant l’ouïe ou la vision. Certains récepteurs du toucher font leur apparition dès la 4e semaine de grossesse. Tout au long de la vie ensuite, le toucher est un sens extrêmement important dans la relation à l’autre. Il apporte réconfort et apaisement, et peut même être un outil de soins.

Qu’est ce que le toucher ?

La peau est l’organe du toucher par excellence. Elle est considérée comme l’organe le plus grand de notre organisme : chez un adulte de 70 kg environ, elle pèse à elle seule 4 kg, et représente une surface de 3 à 6 m². Si elle marque la frontière entre le corps et son environnement, et joue donc le rôle de barrière de protection, elle est aussi essentielle à la transmission de diverses informations : température, pression, contact, humidité, vibration, douleur…
Et, pour cela, elle dispose de très nombreux récepteurs sensoriels, entre 600 000 et 800 000 sur l’ensemble du corps ! Des recherches ont mis à jour deux types de fibres nerveuses impliquées dans la transmission des informations liées au toucher, l’un rapide et l’autre plus lent. Les premières transmettent l’information au cerveau, un tissu qui effleure la peau par exemple. C’est ce que l’on pourrait appeler le toucher informatif. Les secondes s’activent en parallèle, mais plus lentement et sont spécialisées, par exemple, dans la douleur, les démangeaisons ou le plaisir. Il s’agit donc plutôt de toucher qualitatif ou affectif.
Par ailleurs, la sensibilité est très différente entre les zones de peau poilues et les zones glabres comme la paume des mains, la plante des pieds et les lèvres, beaucoup plus sensibles. Les corpuscules de Meissner et les papilles de Merkel, ces récepteurs sensoriels consacrés au toucher précis, seraient même capable de « penser » par eux-mêmes ! Il y a quelques années, une étude suédoise a en effet montré qu’ils peuvent fournir des informations complexes sur la forme d’un objet tenu dans les mains.

Indispensable aux bébés

Le sens du toucher est le premier à se développer chez le fœtus et, dès la 12e semaine de grossesse, il est possible d’observer certains réflexes déclenchés par le toucher, comme le réflexe d’agrippement (la main se referme quand une pression s’exerce sur la paume). Par la suite, c’est aux sensations liées au toucher qu’un nouveau-né réagit le plus fortement et grâce auxquelles il découvre en premier lieu le monde qui l’entoure. Et pas seulement avec ses mains, mais avec la peau de l’ensemble de son corps ! Il ne faut donc pas hésiter, lorsque la température le permet, à le laisser simplement en couche pour découvrir différentes textures avec sa peau.

Le toucher joue aussi un rôle primordial dans la vie émotionnelle du petit d’homme et ses relations aux autres. Sans aucun contact physique avec autrui, il ne peut se développer correctement. Des observations réalisées dans des orphelinats, où les bébés étaient nourris, lavés et soignés mais privés de tout contact physique, ont montré qu’ils développaient par la suite de graves troubles psychologiques.
Les effets bénéfiques du contact peau à peau ont largement été démontrés sur les prématurés, c’est ce que l’on appelle la méthode kangourou. Cela réduit le risque d’infections ou de complications. Et, à l’âge adulte, les personnes nées prématurément mais ayant bénéficié du peau à peau présenteraient un cerveau mieux développé et une meilleure insertion sociale. Et la mère n’est pas la seule à pouvoir mettre en œuvre cette méthode, cela marche aussi avec le père ou toute personne bienveillante !

Le contact de deux épidermes

Vital pour les bébés, le toucher est essentiel tout au long de notre vie. Mais que se passe-t-il dans l’organisme lorsque deux personnes échangent des caresses, une tape sur l’épaule ou se tiennent par la main ? Cela active certaines zones du cerveau qui vont secréter de l’ocytocine : cette hormone est notamment impliquée dans les liens entre la mère et son enfant, dans l’attachement entre deux personnes ; elle favorise plus généralement l’empathie et les interactions sociales. C’est par son intermédiaire que le toucher permet aussi de réduire le taux de cortisol, l’une des hormones du stress de notre organisme. D’ailleurs, en 2010, une étude de l’Université de Yale, dans le Connecticut, a montré que dans le championnat de basket-ball de la NBA, les équipes dont les joueurs se touchent le plus sont aussi celles qui ont les meilleures performances. Enfin, les caresses provoquent la sécrétion de dopamine dans le cerveau, l’hormone du bien-être et du plaisir par excellence !
Il est un autre phénomène qui favorise le contact physique, que l’on pourrait en quelque sorte appeler l’illusion de la peau douce. En 2015, une étude publiée par une équipe de l’University College de Londres a démontré que si nous prenons plus de plaisir à caresser l’autre que nous même, c’est parce que nous considérons toujours la peau de l’autre comme plus douce que la nôtre, même si objectivement ce n’est pas le cas. « Les bénéfices du toucher affectif étaient connus chez celui qui est caressé. Ce que révèle notre étude, ce sont ses bienfaits pour celui qui donne ces caresses », ont déclaré ses auteurs. Il existe donc bel et bien un bénéfice réciproque à toucher l’autre.

Au cœur du soin

Avant l’avènement de l’imagerie médicale et des tests de diagnostic, le toucher était essentiel aux médecins pour réaliser l’examen clinique de leurs patients. Aujourd’hui c’est de moins en moins le cas, encore plus en période de pandémie infectieuse et de développement de la télémédecine. Pourtant, le toucher crée une relation privilégiée et un climat favorable à l’expression du vécu de la personne malade. Il contribue à soulager la douleur non seulement physique, mais aussi morale. Depuis quelques années, cette dimension du toucher relationnel a repris de l’importance au cœur des soins, notamment infirmiers.

Enfin, toucher en lui-même peut être un soin : les bienfaits des massages sont en effet multiples ! Ils permettent de traiter les douleurs musculo-squelettiques, avec des résultats très intéressants au niveau du dos surtout, soulagent stress et fatigue chronique, peuvent contribuer à la prise en charge de douleurs chroniques et de migraines, voire de la dépression.
Rappelons qu’en France, seuls les masseurs-kinésithérapeutes sont officiellement autorisés à soigner par le massage. Mais de nombreuses autres professions proposent ce que l’on pourrait qualifier de modelages, effleurages, lissages, battages, pressions frictions, pétrissages, pincements et vibrations. Les techniques sont diverses et variées, certaines plutôt relaxantes quand d’autres sont résolument dynamisantes : thaï, coréenne, ayurvédique, shiatsu, suédois, aux pierres chaudes…  Si vous souhaitez vous faire masser ailleurs que chez un masseur-kinésithérapeute, renseignez-vous auparavant sur les techniques mises en œuvre (elles doivent être les plus douces possibles, sans manipulation de la colonne vertébrale qui pourrait être dangereuse) et assurez-vous que vous ne présentez aucune contre-indication (maladie de peau, varices, risque de phlébite). Vous pouvez aussi essayer l’auto-massage !

POUR ALLER PLUS LOIN

• Le journal du CNRS a consacré un dossier intéressant intitulé La conquête du toucher : « Pourra-t-on bientôt « toucher » les objets à distance via nos tablettes tactiles ? Comment rendre les robots plus habiles de leurs mains ? Et améliorer le geste d’un chirurgien qui opère à distance ? Quelles sont les dernières découvertes pour prévenir la perte de la sensation tactile avec la vieillesse ou la maladie ? Quel est le rôle du toucher dans l’apprentissage ? »

• La caresse parfaite ne serait jamais plus réussie qu’appliquée avec une pression modérée, à une vitesse d’environ 2,5 cm par seconde, sur une peau à 32°C. C’est le professeur de neurosciences David J. Linden (Université Johns Hopkins de Baltimore) qui l’écrit dans un article dont on peut lire la traduction dans Slate.

• Lire l’article D’Apivia Voile : Des risques cutanés d’avoir l’océan dans la peau.
Prenez beaucoup d’humidité, agrémentez de sel, ajoutez-y vent et soleil en quantité variable, secouez dans un Imoca lancé à pleine vitesse, et vous obtenez un cocktail idéal pour un traitement de peau qui ne laissera de marbre ni les visages, ni les fesses, ni surtout les mains des skippers.

La santé de Charlie Dalin - La peau

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