Tricot et infusion sont à la mode. Et cette dernière n’a plus rien à voir avec le breuvage parfois insipide des fins de repas chez mamie. Aujourd’hui, on déguste et on se fait du bien, voire on se soigne, avec des infusions aussi nombreuses qu’il y a de combinaisons possibles de plantes.
Un usage commun des plantes est l’infusion. Elle consiste à laisser tremper la plante une dizaine de minutes dans l’eau chaude, contrairement à la décoction, qui fait bouillir la plante pendant trois minutes, et à la macération, qui la laisse dans l’eau pendant plusieurs heures. Si l’infusion a surtout pour but de libérer les arômes de la plante, elle diffuse aussi ses principes actifs dans l’eau. La verveine ou la camomille de grand-mère, prise à la fin du repas, est emblématique d’une pratique culturelle bien ancrée et d’une connaissance empirique admise : elle aide à digérer et favorise l’endormissement, pour une courte sieste ou une longue nuit. Outre que les infusions contribuent à l’hydratation, ce qui est déjà bien utile, elles ont bien d’autres vertus.
De l’infusion plaisir à l’infusion « médicament »
L’engouement actuel pour les tisanes et les remèdes naturels fait que l’on trouve, aujourd’hui, une multitude de plantes à infuser, parfois pour le simple plaisir des papilles mais, souvent, dans un but de bien-être, voire thérapeutique : c’est le cas de la valériane, de la menthe poivrée, du thym et de bien d’autres espèces qui permettent, respectivement, de se détendre et d’améliorer un sommeil perturbé, d’atténuer les symptômes d’un rhume, de dégager les voies respiratoires et d’apaiser une toux. Loin d’être de simples remèdes de grand-mère, l’efficacité de ces plantes est reconnue par des instances d’évaluation et de synthèse sérieuses, parmi lesquelles l’Agence européenne du médicament, l’Organisation mondiale de la Santé, la Commission E du ministère de la Santé allemand et la Coopération scientifique européenne en phytothérapie.
Les propriétés thérapeutiques de nombreux végétaux ont en effet été validées scientifiquement grâce à des essais cliniques contrôlés. C’est le cas, par exemple, du saule blanc, à l’origine de la découverte de l’aspirine. L’Agence européenne du médicament lui reconnaît une efficacité pour soulager des douleurs lombaires et des douleurs articulaires mineures dues à l’arthrose, à une dose bien inférieure à la dose efficace de l’aspirine. C’est ce qu’on appelle l’effet totum : la totalité des substances contenues dans une plante, qui agissent en synergie, est plus efficace qu’une molécule seule. Les progrès de la génétique et de la chimie, qui permettent de tester in vitro des milliers de molécules très rapidement, bousculent nos connaissances actuelles sur les vertus des plantes, dont on admettait les propriétés sans toutefois être capables de les prouver, faute d’études cliniques compliquées à réaliser, chères et donc rares.
Le cas du thé
Dans la longue liste des infusions de plantes aux effets reconnus, le thé a une place particulière puisqu’on l’auréole d’innombrables mérites. Blanc, il serait anti-oxydant et lutterait contre le vieillissement cellulaire. Vert, il préviendrait aussi la survenue de cancers et certaines affections neurodégénératives. Noir, il diminuerait les risques de maladies coronariennes. Le thé Pu-erh, fermenté et affiné, réduirait l’hypercholestérolémie, qui se caractérise par l’augmentation néfaste de cholestérol-LDL dans le sang. Tous ces bienfaits supposés sont régulièrement examinés par les scientifiques, qui en remettent en cause certains, en confirment d’autres, et avancent dans la compréhension des véritables mécanismes en jeu. Une équipe de l’École polytechnique fédérale de Zurich a ainsi récemment montré (source en anglais) que certaines molécules du thé considérées comme des antioxydants n’en étaient en fait pas, mais qu’elles étaient bien impliquées dans la prévention du stress oxydatif de l’organisme, par un processus complexe d’activation de gènes responsables de la production d’enzymes de défense antioxydantes. En revanche, en l’état actuel des connaissances, les propriétés anticancer du thé vert sont loin d’être évidentes. Sa consommation peut même, à l’inverse, augmenter la toxicité des traitements et en réduire l’efficacité.
Attention à la qualité des produits et aux consommations excessives
La qualité d’une tisane dépend de la qualité de la plante utilisée. Des magasins spécialisés et certaines pharmacies vendent des produits à l’origine contrôlée et bio qui garantissent que les plantes ont été récoltées dans les meilleures conditions, de manière à conserver leur qualités gustatives et leurs principes actifs.
La consommation quotidienne de deux à trois tasses d’infusion de camomille ou de verveine ne risque guère de vous faire de mal et n’aura qu’un effet tout relatif sur votre santé, même si le plaisir est en soi déjà source d’un bien-être qu’on aurait tort de bouder. Mais, vous l’aurez compris, les amateurs d’infusion qui souhaitent allier plaisir des papilles et propriétés thérapeutiques des plantes, doivent être conscients qu’une consommation importante d’infusions n’est pas anodine. On a souvent tendance à penser que, même si cela ne fait pas de bien, cela ne peut pas faire de mal. C’est un tort, car les plantes possèdent des principes actifs bien réels. Elles peuvent faire beaucoup de bien, mais aussi apporter plus de problèmes qu’elles n’en résoudront en cas de consommation inadaptée. Si les infusions peuvent aider à gérer un problème de santé léger et passager, elles ne doivent pas devenir une automédication.
Les surdosages d’infusion, bien que très rares, peuvent être dangereux, selon l’herboriste Thierry Thévenin. En 2016, une Anglaise fit l’expérience de confusion mentale et de convulsions après avoir entamé une cure détox. En cause, vraisemblablement, une surdose de valériane ayant entraîné une chute importante du taux de sodium dans le sang. En 2019, un octogénaire fut admis aux urgences d’un hôpital de Montréal avec une hypertension artérielle élevée, des maux de tête et des douleurs thoraciques. Il était victime d’une tisane à base de réglisse bue deux fois par jour pendant deux semaines…
A forte dose, le romarin peut provoquer des crises de convulsions, des vomissements, des saignements de l’utérus. Parfois, les plantes ont des effets inverses selon la dose. La sauge officinale, réputée pour soulager les bouffées de chaleur chez les femmes en période de ménopause, peut au contraire générer des bouffées de chaleur en cas de surdose, ainsi qu’une accélération des battements du cœur et des vertiges. Elle est déconseillée en cas de conduite, tout comme la mélisse et la passiflore, en raison de la baisse de la vigilance qu’elles induisent. Le millepertuis interagit avec un grand nombre de médicaments et de plantes, ce qui en limite fortement l’usage. Les infusions de menthe et de thé vert diminuent l’absorption du fer et ne devraient être consommées qu’en dehors des repas, en quantités limitées, surtout si l’on ne mange pas de viande rouge, source de fer. Les 50 milligrammes de caféine que contient une tasse de thé ne sont pas conseillés aux personnes qui souffrent de troubles cardiaques, d’insomnie, de troubles anxieux, d’hypertension artérielle… En outre, l’usage régulier de fortes doses de caféine peut entraîner une dépendance.
Le Vidal, agréé par la Haute Autorité de Santé (HAS), est une source d’information médicale neutre et fiable sur les propriétés des plantes, et consacre tout un dossier sur les plantes médicinales et leur préparation. Il rappelle que, si certaines plantes médicinales bien connues peuvent être employées sans risque pour soigner de petits maux fréquents et sans gravité (rhume, indigestion ou léger trouble du sommeil), les personnes souffrant d’affections aiguës ou chroniques graves, ainsi que les femmes enceintes, ne doivent jamais faire l’objet d’automédication par les plantes. Infusez, dégustez… mais surtout, informez-vous avant de jouer aux apprentis sorciers !