Une femme fait un test de diabète assise à une table couverte de morceaux de sucre

Environ 80 000 Réunionnais sont pris en charge pour un diabète. Depuis 2020, les professionnels de santé se mobilisent face à cette pandémie parfois oubliée, pour améliorer la prévention, le dépistage et la prise en charge de la maladie.

Sur l’Île de la Réunion, 10% de la population de plus de 15 ans souffre de diabète (lien sur l’article diabète), ce qui représente environ 80 000 personnes. Cette proportion est deux fois plus importante qu’en Métropole, et la situation ne va pas en s’améliorant. En effet, selon les derniers chiffres de l’Observatoire régional de la santé (PDF), le nombre de patients pris en charge pour cette maladie chronique a augmenté en moyenne de 3% par an depuis 2015, soit bien plus vite que le nombre d’habitants de l’île. Ainsi en 2020, 5 500 nouveaux patients ont été admis en affection longue durée (ALD) pour un diabète, soit 15% de plus qu’en 2019 : au regard de l’Assurance maladie, ce statut d’ALD signifie qu’il s’agit d’une maladie dont la gravité et/ou le caractère chronique nécessite un traitement long et particulièrement coûteux.

Sur l’île, la population diabétique est plus jeune et plus féminine. Après l’âge de 30 ans, la prévalence de diabète connu (10,2%) est 3 fois supérieure à celle de la France métropolitaine. Le diabète apparaît à 60 ans en moyenne contre 65 ans en Métropole. Les femmes sont plus concernées, elles représentent 54% des patients contre 45% en Métropole. Enfin, près de 23 femmes enceintes sur 100 sont touchées par le diabète gestationnel (lien sur l’article diabète). C’est deux fois et demi plus qu’en Métropole.

La très grande majorité des malades réunionnais souffrent d’un diabète de type 2. Environ 700 diabétiques sont obligés de subir régulièrement des dialyses, 600 patients diabétiques ont été hospitalisés en 2020 pour un accident vasculaire cérébral (AVC) et 300 amputations d’un membre inférieur ont été pratiquées en lien avec le diabète cette année-là.

Des facteurs de risques omniprésents

La population réunionnaise est particulièrement exposée aux principaux facteur favorisant la survenue d’un diabète de type 2 : surpoids, obésité abdominale, sédentarité et manque d’activité physique, auxquels s’ajoutent les antécédents de diabète gestationnel, l’hypercholestérolémie, les antécédents familiaux et le fait d’appartenir à une population à risque (latino-américains, asiatiques, africains). 76% d’entre elle déclare faire moins de 30 minutes d’activité physique par jour (une durée minimale qui correspond pourtant aux recommandations sanitaires) et 14% déclare même n’en avoir aucune ! D’autre part, près d’un Réunionnais sur deux est en surcharge pondérale (lorsque l’indice de masse corporelle ou IMC dépasse les 25) et l’obésité concerne même 16 % de la population de plus de 15 ans (IMC supérieur à 30). Enfin, 91 % des Réunionnais déclarent manger moins de 5 fruits ou légumes par jour, et ne suivent donc pas, là encore, les recommandations alimentaires.

Par ailleurs, un Réunionnais sur dix s’estimait en mauvaise ou très mauvaise santé en 2019. Cette part est plus élevée qu’en Métropole, alors que la population réunionnaise est plus jeune.

— Les sucres cachés des produits alimentaires transformés —

Bien que l’on ne puisse considérer la consommation de sucre comme l’unique cause du diabète, des études ont montré, non seulement que la consommation de produits sucrés hors repas était une habitude bien encrée dans les territoires d’Outre-mer, mais aussi que les aliments transformés et les boissons qui y étaient vendus avaient une teneur en sucre bien plus élevée que celle contenue dans les produits proposés en Métropole. A La Réunion, tonics et bitters en contenaient 28% de plus, les yaourts aux fruits 12% de plus, selon la nutritionniste Claudine Robert-Hoarau interrogée par Slate en 2013. Une loi a d’ailleurs été adoptée en 2012 par le Parlement pour interdire cette différence de teneur en sucres ajoutés. Apparemment, les fabricants de boissons sucrées semblent avoir joué le jeu, mais une enquête du Sénat est en cours pour vérifier la réelle application de cette loi, après qu’un article du Canard Enchaîné a semé le doute fin 2021. A suivre donc.

Dépistage, prise en charge et programme local de prévention du diabète

Sur l’Île de la Réunion, le suivi des patients diabétiques s’est amélioré ces dernières années, même si beaucoup reste à faire. D’après les derniers chiffres de l’Observatoire régional de la santé, plus de 90% des Réunionnais pris en charge pour un diabète avaient consulté leur médecin généraliste au moins une fois durant l’année 2019, mais seulement 14% avaient consulté un endocrinologue (spécialiste des maladies hormonales comme le diabète). Par ailleurs, seulement 40% avaient réalisé au moins trois dosages de l’hémoglobine glyquée cette même année (examen de référence pour le suivi d’un diabète car il permet une vision sur l’équilibrage à long terme de la glycémie). Enfin, plus de 87% des diabétiques réunionnais sont traités pour leur maladie : 73% par des médicaments antidiabétiques, 8% par de l’insuline seule et 19% par les deux.

En novembre 2020, l’Agence Régionale de Santé (ARS) de la Réunion s’est alliée à 12 partenaires locaux pour s’engager sur trois ans autour d’un programme réunionnais de nutrition et de lutte contre le diabète (PRND), dont l’ambition est d’agir sur les habitudes de vie des Réunionnais et d’améliorer les soins apportés aux diabétiques. Ce programme s’articule plus précisément autour de cinq objectifs :

– la prévention du diabète et des actions de santé nutritionnelle avec, notamment, une amélioration de l’environnement alimentaire, le développement d’une offre d’activités physiques adaptée et la prévention de l’obésité infantile ;

– le dépistage du prédiabète et du diabète en élaborant, notamment, des outils permettant de repérer les patients les plus à risques et en développant des programmes de dépistage opportuniste (des journées de dépistage gratuit sont régulièrement organisées par les professionnels de santé et les hôpitaux en différents lieux sur l’île) ;

– l’amélioration du parcours de soins des patients diabétiques, en ciblant l’annonce du diagnostic et l’explication de la maladie, et en développant des programmes d’éducation thérapeutique pour les malades, des parcours-types et un accompagnement renforcé des nouveaux patients ;

– la production de données d’observation du diabète et de ses complications et le partage de connaissances avec les professionnels de santé ;

– le renforcement de la communication autour de la prévention, du parcours de soins et des données épidémiologiques.

La mise en place de ce programme, bien que récente, a permis d’améliorer la prise en charge des malades : entre 2018 et 2020, la part des diabétiques ayant réalisé les examens recommandés a ainsi progressé, notamment pour les examens biologiques. La mobilisation de nombreuses associations locales et acteurs du paysage sanitaire favorise aussi une meilleure sensibilisation de la population réunionnaise.

— Lecture —

Le diabète à La Réunion

Le diabète, marqué par une prévalence importante et en perpétuelle augmentation, constitue un problème majeur de santé publique, d’autant plus alarmant dans les départements d’outre-mer (DOM) où sa prévalence est plus importante qu’en Métropole.

Observatoire régional de la santé (ORS) de La Réunion, 2015

https://www.ors-reunion.fr/le-diabete-a-la-reunion.html

Pas assez de fruits et légumes, trop d’huile, de sucre et de boissons sucrées

Habitudes alimentaires des Réunionnais en 2017

https://www.insee.fr/fr/statistiques/5357925#encadre1

Alimentation et nutrition dans les départements et régions d’Outre-mer

À travers l’analyse des données publiées sur l’alimentation et la nutrition dans les Outre-mer, le comité d’experts propose ici 24 recommandations d’actions et d’études pour éclairer les politiques publiques de nutrition dans le domaine français ultramarin.

https://www.ird.fr/alimentation-et-nutrition-dans-les-departements-et-regions-doutre-mer-parution-de-lexpertise

https://books.openedition.org/irdeditions/36732?lang=fr

IRD Éditions, 2020

Texte : © Émilie Gillet / Ethnomedia
Photo : © Polina Tankilevitch / Pexel