Il y a ceux qui aiment l’ambiance chaude et humide d’un hammam ou d’un bain chaud, et ceux qui préfèrent celle d’un sauna, sèche et brûlante. Sources de bien-être et de détente, ces coups de chaud volontaires intéressent de plus en plus les scientifiques, qui cherchent à comprendre leurs potentiels bienfaits sur la santé.

Dans un environnement chaud, la sudation est le seul mécanisme thermorégulateur qui permet une perte de chaleur de l’organisme. Cette réaction physiologique, qui maintient notre température interne constante, est associée depuis des millénaires à une purification du corps, comme si transpirer nous nettoyait de toutes les « souillures » accumulées. Hammam, sauna, tente de sudation et, aujourd’hui, dôme infrarouge, les méthodes sont nombreuses pour faire suer les animaux homéothermes que nous sommes. Il faut transpirer ! nous dicte le marketing du bien-être et du sport, pour éliminer les déchets que notre corps produit et les poisons chimiques que nous absorbons. Oui mais voilà, cette prémisse vendeuse des magazines beauté et des centres de remise en forme est fausse. Le concept de « détox » du corps par la sueur n’a aucun fondement biologique : nous éliminons les composés toxiques principalement à travers notre foie et nos reins, et les polluants évacués via nos pores le sont en quantités infimes. Ce n’est donc pas pour leur capacité à provoquer une sudation importante que sauna et autres bains chauds retiendront notre attention.

Sauna, bain chaud et santé cardiovasculaire

Nous transpirons grâce à la dilatation de nos artères et de nos capillaires sanguins, qui entraîne une augmentation du flux sanguin, en particulier vers la peau. Ce débit de sang cutané permet la sécrétion de sueur par les glandes sudoripares. Or, c’est ce lien entre chaleur et mécanisme cardiovasculaire qui intéresse particulièrement les chercheurs depuis une vingtaine d’années, et notamment des scientifiques finlandais, premiers concernés par les vertus du sauna. Les études fiables portent sur la pratique du sauna et des bains chauds, le cas spécifique du hammam (avec ses vapeurs chaudes chargées d’huiles essentielles) ne sera donc pas abordé ici.

L’étude la plus citée, parue en février 2015 (source en anglais), portait sur 2 315 hommes finlandais âgés de 42 à 60 ans, suivis sur une période de plus de vingt ans. Elle a montré une « réduction spectaculaire des risques de décès par maladie cardiovasculaire » chez les hommes se rendant régulièrement au sauna, avec un risque de crise cardiaque mortelle plus faible de 22% chez ceux qui font deux à trois séances par semaine, et de 63% chez ceux qui en font quatre à sept par semaine.

L’étude ne permet pas de savoir avec certitude si la protection contre les maladies cardiovasculaires est uniquement due à la chaleur du sauna ou à d’autres facteurs, comme le niveau d’activité physique des participants ou l’effet anti-stress de ce moment convivial, dans un pays, rappelons-le, considéré comme le plus heureux du monde selon le classement 2020 de l’ONU. Mais bien que le lien de cause à effet n’ait pas été tout à fait établi, ces résultats et les données d’études antérieures ont permis aux chercheurs d’envisager sérieusement que les bénéfices apportés par la chaleur soient comparables aux effets positifs d’une activité physique d’intensité modérée. Ce que leurs études suivantes (source en anglais) semblent confirmer, en montrant que des séances de sauna répétées font baisser la pression artérielle et réduisent la rigidité des artères, comme peut le faire la pratique d’un sport. Les mêmes effets ont été observés dans une étude britannique ayant comparé les réactions physiologiques résultant de l’immersion dans un bain chaud à celles de la pratique d’un exercice physique (en l’occurence le vélo), et dans une étude japonaise (source en anglais) concluant, elle aussi, que la fréquence de bains chauds est inversement associée au risque de maladie cardiovasculaire. Les chercheurs estiment que ces effets, similaires à ceux de l’exercice physique, améliorent la fonction vasculaire à long terme.

Un nombre croissant d’études montrent une association favorable entre l’exposition à la chaleur et la réduction des risques de développer certaines maladies. La pratique fréquente du sauna est ainsi associée à un risque réduit d’accident vasculaire cérébral et de pneumonie (source en anglais), à la diminution des douleurs rhumatismales, ou encore à l’amélioration des symptômes et de la qualité de vie de femmes souffrant de fibromyalgie (source en anglais). Plus étonnant, se rendre régulièrement au sauna diminuerait fortement le risque de démence et de maladie d’Alzheimer (source en anglais). Les bienfaits cardiovasculaires du sauna se répercutent-ils sur la santé mentale ? Ou le bien-être, la relaxation, la relation de groupe favorisés par le sauna ont-t-ils des conséquences positives pour le cerveau ? Là encore, pour en avoir le cœur net, d’autres études seront nécessaires.

Le sauna : pour les cœurs bien accrochés

Un sauna modéré est bien toléré par la plupart des gens, y compris par des patients avec une pathologie cardio-vasculaire stable et traitée. Selon des études récentes, les personnes affectées par un diabète de type 2 semblent quant à elles bénéficier de la baisse de glycémie qu’induirait un bain chaud. En revanche, il peut être nocif pour des personnes souffrant d’angine de poitrine instable, de sténose aortique sévère, d’hypertension artérielle non contrôlée, d’hypotension, ou ayant fait un infarctus récent du myocarde. Le sauna est déconseillé, bien qu’évalué sans danger à des températures raisonnables, en cas de grossesse. Les personnes en surpoids et celles qui ne peuvent pratiquer d’exercice physique de faible intensité doivent aussi considérer le sauna avec prudence. Les consommateurs d’alcool en quantité importante doivent s’abstenir, en raison d’un risque accru d’hypotension et de syncope. Sur les 77 cas de décès recensés en Suède entre 1992 et 2003, 44% avaient fait une consommation excessive d’alcool et 23% avaient une pathologie cardio-vasculaire non diagnostiquée. Enfin, moins fréquemment évoquées, les brûlures sont rares mais existent. Des chercheurs ont évalué l’incidence des brûlures lors de saunas à 7/100 000 habitants en Finlande. Elles sont essentiellement dues à une chute accidentelle sur le poêle ou les pierres chaudes, ou à une eau brûlante versée par erreur, sur soi ou une tierce personne.

Le sauna : si le cœur vous en dit

Aller au sauna participe déjà d’une recherche de qualité de vie et d’une logique anti-stress qui justifie, à elle seule, le temps que l’on y passera. Une acclimatation aux températures élevées, par un passage dans un hammam à 50 ou 60 degrés Celsius, est conseillée avant de franchir le seuil d’un sauna à 80 ou 90 degrés. Quelques minutes bien tolérées permettront progressivement d’allonger la durée des séances de cette pharmacie du pauvre, comme l’appellent les Finlandais. Avec des effets similaires à une activité physique modérée, cette surchauffe consentie a bien des avantages, mais elle a cependant ses limites par rapport à quelques kilomètres parcourus à pieds ou à une séance de gymnastique.  Lorsque nous sommes confortablement assis ou couchés dans les vapeurs brûlantes, ni les muscles, ni les os, ne sont sollicités, ce qui n’arrangera guère l’état de notre masse musculaire et de notre densité osseuse.

Quant aux douches froides et aux baignades en eau glaciale qui entrecoupent et concluent traditionnellement la séance de sauna, aucune étude ne dit si elles sont indispensables ou si l’on peut s’en passer. Personnellement, je leur préfère une douche simplement fraîche suivie d’un moment de récupération d’une trentaine de minutes dans une ambiance cocooning. N’est pas Finlandais qui veut.

Texte : © J.-C. Moine / Ethnomedia
Photo : © Andréa Piacquadio