De la prévention basique, comme une visite chez le dentiste ou le gynéco, jusqu’à la revendication d’une vie affective, l’accès aux soins et au bien-être des personnes en situation de handicap n’est pas encore gagné. Mais ça bouge.

Comme tout citoyen, une personne en situation de handicap doit bénéficier d’actes de prévention dans le cadre de la médecine scolaire ou de la médecine du travail, ou lors des campagnes prescrites par la sécurité sociale telles que la prévention et le dépistage de certains cancers chez les adultes.
En 2013, le rapport de Pascal Jacob signalait l’inégalité d’accès aux soins et au bien-être, soit un manque qui représente une perte objective et concrète de vie et d’espérance de vie. Aujourd’hui, 75% des personnes en situation de handicap déclarent renoncer, pour partie au moins, à des soins courants. D’où l’urgence d’apporter une réponse aux attentes de l’ensemble des acteurs du soin et de l’accompagnement, très démunis face au manque de sensibilisation, de formation et de moyens dédiés à ces patients.

La charte Romain Jacob, a fait suite à ce rapport. Elle est le point de départ d’actions menées par de nombreux signataires engagés à promouvoir l’accès aux soins et à la santé des personnes en situation de handicap.
Également disponible dans une version facile à comprendre, la charte Romain Jacob s’inscrit dans les orientations des politiques publiques, portées par de nombreuses lois en faveur de l’insertion sociale et de la pleine citoyenneté des personnes en situation de handicap.

— Source —

 

On peut consulter l’historique de ces lois sur le site du Fonds de dotation Handicap & Société.

En théorie, selon l’article 7 du Code de déontologie médicale, « le médecin doit écouter, examiner, conseiller ou soigner avec la même conscience toutes les personnes, quels que soient leur origine, leurs mœurs et leur situation de famille, leur appartenance ou leur non-appartenance à une ethnie, une nation ou une religion déterminée, leur handicap ou leur état de santé (…) ». L’assurance maladie prend en charge les ALD (affections de longue durée) à 100%. Les Maisons Départementales des Personnes Handicapées (MDPH) accueillent et informent celles-ci et leurs familles sur leurs droits et démarches à effectuer. Elles les accompagnent également dans leur projet de vie.

En pratique, « la personne en situation de handicap est le témoin de toutes les erreurs à corriger du parcours de santé » selon Pascal Jacob, président d’Handidactique et initiateur du fameux rapport de 2013 et de la charte du nom de son fils. Si la société française a progressé sur l’essentiel des soins spécifiques au handicap, les obstacles à l’accès aux soins courants, ainsi qu’aux soins préventifs, demeurent encore importants.

Les freins à l’accès aux soins sont multiples

Lorsqu’on parle des obstacles dans le parcours de soins, on ne peut s’empêcher d’avoir en tête l’expression « l’arbre qui cache la forêt ».

Condition sine qua non d’accès aux soins courants : les personnes à mobilité réduite doivent pouvoir accéder facilement aux établissements de santé. Les structures et matériels inaccessibles (salles d’attente trop petites, inadaptation des salles de consultation, etc.) constituent un des obstacles majeurs à l’accès aux soins. C’est loin d’être le seul.

Les médecins, qui ont l’habitude de poser leur diagnostic selon l’importance de la douleur, l’apparition de symptômes et/ou la réalisation d’analyses, sont souvent démunis. Les difficultés de communication, d’interprétation de la douleur des personnes à mobilité réduite auprès des professionnels de santé sont récurrentes et contribuent à des négligences sanitaires de tous ordres : bucco-dentaire, corporelle, alimentaire, etc. C’est souvent le cas pour les personnes âgées et/ou handicapées mentales. L’approche parfois dévalorisante du médecin et du personnel médical, lorsqu’ils s’adressent à l’accompagnant ou l’aidant familial plutôt que directement à la personne handicapée, peut entrainer un repli sur soi, voire un refus d’accéder aux soins des personnes handicapées. De manière générale il existe un manque important de formations médicales sur le handicap, tant au niveau des compétences, de l’accueil, de la formation continue, de la coordination, de l’accompagnement ou de la compréhension même du handicap. Les médecins généralistes et spécialistes, les soignants et autres professionnels de santé se retrouvent donc dans l’incapacité de s’occuper de ces patients quand ils sont malades. Par exemple, le personnel médical n’est pas formé pour gérer les troubles de communication et de comportement des personnes atteintes d’autisme ou d’un handicap psychique. Est-il alors en mesure de comprendre les besoins et les craintes de ces patients ?

En cas de maladie, de handicap ou d’affection de longue durée, alors que certains continuent leur vie presque normalement, d’autres se retrouvent dans une situation de dépendance physique ou psychique plus ou moins importante. Leur entourage est lui aussi touché, focalisé sur l’apport de soins et de traitement du dommage principal, quitte à en oublier le reste. Face à cette contrainte, qui peut s’avérer très lourde pour les familles, et ses inégalités, émerge la nécessité de soutenir aussi les aidants familiaux, au cas par cas.

— Des dispositifs et solutions qui font du bien, basés sur l’humain —

 

Handisanté à Niort (79) : un service de prise en charge des patients avec handicap, notamment psychique, présentant une dyscommunication avec difficultés d’accessibilité aux soins somatiques. Concrètement Handisanté consiste en la mise en œuvre de pratiques d’hyperadaptation du contexte des soins (examens cliniques, somatiques, soins dentaires, actes techniques infirmiers…) mais aussi des prestations d’interface avec les services du plateau technique, prise de rendez-vous, accompagnement à la réalisation de consultations spécialisées, de bilans biologiques, d’imagerie. L’axe de prévention est particulièrement traité avec un travail en amont des prestations pour identifier, avec les lieux d’accueil, les personnes les plus vulnérables devant régulièrement bénéficier d’attention sur le plan somatique.

La Haute autorité de santé (HAS) propose aux professionnels exerçant en établissement de santé la mise en œuvre depuis septembre 2018 d’une grille « patient traceur » destinée à l’équipe impliquée dans l’accueil et la prise en charge d’une personne en situation de handicap. Tous les documents utiles sont lisibles – et écoutables ! – ici.

Côté contraintes aussi, comme toujours, évidemment il y a l’argent… Fauteuil, aide auditive, etc., ça coûte cher comme nous l’indique sur son blog la truculente Stéphanie Binon qui cherche un siège de douche « à un prix correct, quoi que, dans le médical, correct soit un gros mot… » La Sécurité sociale ne prend pas en charge l’ensemble des besoins de santé des personnes handicapées ou des malades chroniques. Ce sont alors les organismes complémentaires d’assurance maladie (OCAM) qui prennent en charge ces dépenses. Or, le Fonds de dotation Handicap & Société nous alerte : les OCAM sont financés par les personnes elles-mêmes, et l’État se désengage de plus en plus, ce qui limite de manière importante le recours aux soins des personnes dont la situation est précaire.

Handicapable d’une vie affective, sentimentale, sexuelle…

Pas de bras, pas de nana ? C’est le titre de l’un des témoignages rédigés par la blogueuse Stéphanie Binon que je vous enjoins de nouveau à aller lire. Ça met vraiment la patate.

Avoir une vie sociale, une vie de couple, avoir des enfants quand on est en situation de handicap, rien d’anormal ! Qu’il s’agisse de fonder une famille, d’être amoureux, de sortir avec quelqu’un ou d’avoir une relation, chacun a le droit de mener sa vie affective, sentimentale et sexuelle comme il l’entend et avec qui il l’entend. Et pourtant, il faut quand même un « plaidoyer » d’APF France handicap pour la reconnaissance de la vie affective de ces personnes !

Trop de barrières subsistent encore, en particulier dans le regard que la société pose sur le handicap. La représentation sociale d’un corps humain idéal, véhiculée par les médias en général, et les magazines de mode en particulier, place les personnes en situation de handicap dans une situation « d’anormalité », d’infériorité, susceptible de les isoler socialement, affectivement et d’inhiber toute forme de désir.
Disons que si la société arrivait à donner corps aux maîtres-mots auto-détermination et inclusion, l’objectif serait atteint. Et si la notion est parfois galvaudée, c’est bien de vivre ensemble dont il s’agit ici. Du parcours santé au parcours de vie, c’est un chemin à faire à plusieurs.

POUR ALLER PLUS LOIN

• 200 pages de littérature et de bibliographie détaillée sur le sujet du handicap par thématique, dans un dossier publié par l’IRDES (Institut de recherche et d’éducation en économie de la santé) : L’accès aux soins et à la prévention des personnes en situation de handicap

• Conférence Nationale du Handicap 2018-2019
A l’occasion de la Journée internationale des personnes handicapées, le Comité de pilotage de la 5ème Conférence nationale du handicap (CNH), intitulée « Tous concernés, tous mobilisés », s’est installé à l’Elysée. Cette mobilisation citoyenne inédite, avec et pour les personnes en situation de handicap, se déroulera de décembre 2018 à juin 2019. Elle sera clôturée par le Président de la République en juin.

• Semaine nationale des personnes handicapées physiques
À l’occasion de la Semaine Nationale des Personnes handicapées physiques, APF France handicap organise dans plusieurs départements une opération de collecte. Les fonds récoltés permettront de financer ses actions de proximité en faveur des personnes en situation de handicap et de leur famille.

• Festival Handicap Ou Pas – HOP
Le CED-H (Comité d’Entente Départemental Handicap de Charente-Maritime), qui regroupe plus de 25 associations en lien avec le handicap, organise ce festival. Durant deux mois, en mars et avril, une multitude d’évènements sont organisés pour promouvoir le handicap et la différence.
La Rochelle Université s’associe au CED-H et à ses nombreux partenaires dans l’organisation de ce festival. De multiples manifestations se dérouleront à l’Université du 19 mars au 10 avril.

Crédits

Photo : © Ethnomedia / jcm pour Apivia Prévention