A l’heure où la solution d’un dépistage systématique serait idéale – pour ne confiner que les porteurs du virus -, mais impossible à réaliser par manque de dispositifs de tests, on ne saurait cautionner les tentatives polémiques de certains sur la question de l’utilité de la distanciation sociale généralisée. L’urgence l’impose et nous devons la respecter.
Des simulations qui ont fait le tour du monde
Harry Steven, journaliste au Washington Post, a écrit un article très intéressant pour montrer comment la distanciation sociale permet, en théorie, de ralentir l’épidémie. En théorie seulement, car les simulations sur lesquelles reposent l’analyse du journaliste s’appuient sur un modèle mathématique très simplifié de simulation de la propagation d’une maladie dans une population de 200 personnes, et que cette distanciation doit être scrupuleusement appliquée par tous les membres d’une communauté pour être efficace. Mais, à l’heure ou plus d’un milliard de personnes dans le monde est placé en confinement, ces simulations ont le mérite d’être explicites et de confirmer la nécessité de la distanciation sociale, qui n’est peut-être pas la solution la meilleure, mais la seule solution possible en l’absence de disponibilité de dispositifs de tests en nombre suffisant. Se conformer aux consignes sans broncher est le comportement le plus sain à avoir.
Les individus de cette population sont symbolisés par des points mobiles, placés de manière aléatoire dans un espace limité. Dans la première simulation, un individu est rendu malade et l’on constate la manière dont l’épidémie évolue très rapidement, pour ensuite décroitre et disparaître. On imagine sans mal comment, dans la réalité, ce pic épidémique, rapidement atteint, rend la gestion de la crise très compliquée, voire impossible, comme le dramatique exemple de l’Italie l’a montré. Harry Steven propose ensuite plusieurs simulations, dans lesquelles il va successivement imposer une quarantaine forcée à la population, une distanciation sociale modérée, et une distanciation sociale étendue.

Une simulation d’épidémie sans contrôle. La courbe rouge, représentant les personnes malades, augmente très rapidement.
La quarantaine est efficace pour éviter la contagion rapide à toute la population saine, mais elle n’est pas suffisante : ni pour éteindre l’épidémie dans la zone confinée, ni pour éviter la généralisation de cette épidémie. Utilisée en Chine pour isoler la province de Hubei, la contagion continuait sa course à Wuhan et dans sa région. Les épidémiologues savent qu’il est impossible de séparer complètement la population saine de la population malade. La seule quarantaine n’est pas efficace : bien qu’elle permette d’infléchir la courbe des infections dans le pays, elle n’empêche pas l’épidémie de progresser.
Il existe, nous explique Harry Steven, un moyen plus efficace de ralentir l’épidémie : la distanciation sociale. Dans une simulation où il ne laisse que 25% des individus se déplacer, les 75 % restants étant confinés, l’évolution de l’épidémie est très ralentie. Dans un laps de temps identique à la simulation de quarantaine, le nombre de personnes malades est très inférieur et, surtout, on n’assiste pas au pic épidémique tant redouté par les services de santé. C’est ce que les statisticiens appellent « aplatir la courbe ».

Plus la distanciation sociale est forte, plus le modèle maintient de personnes en bonne santé dans le laps de temps de la simulation.
Vous pouvez lancer les 4 simulations de Harry Stevens sur le site du Washington Post, qui a traduit l’article en français.
Le rôle de la distanciation sociale
Alors que le gouvernement durcit le confinement et s’apprête à en prolonger la durée, il est essentiel d’en comprendre l’intérêt et de le respecter. Ce matin (lundi 23 mars 2020), dans une lettre au Parisien, 573 médecins et personnels de santé ont réclamé une « communication plus explicite » sur cette mesure : « Nous pouvons encore éviter des milliers de décès. Nos collègues chinois, bien que ne connaissant pas initialement l’histoire naturelle, les symptômes possibles et la contagiosité de l’infection Covid-19, ont pu, par un confinement massif et contrôlé, réussir à maitriser l’épidémie et limiter le nombre de décès. Ainsi, seul un respect strict du confinement à domicile peut limiter les conséquences de l’épidémie en arrêtant la propagation du Covid-19 ».
Sur franceinfo, le professeur Jean Sibilia, doyen de la faculté de médecine de Strasbourg, a expliqué que « le virus n’existe pas sans nous. C’est la chaîne humaine qui transmet le virus. Si cette chaîne s’interrompt, le virus mourra. Il faut limiter les rencontres dans le cercle familial. Il faut protéger nos anciens. Il ne faut pas mettre nos petits au contact de nos anciens. Il faut éviter effectivement les dîners en ville et les sorties entre copains ». C’est d’autant plus important que la maladie Covid-19 peut être asymptomatique et que des malades sains peuvent transmettre le virus sans s’en rendre compte.
Plus on limitera le nombre de cas de contamination, plus on limitera l’affluence de cas graves, et meilleure sera la prise en charge médicale de ces cas. Le premier objectif du confinement est là : que le virus se propage le moins vite possible de manière à optimiser la prise en charge des cas graves et d’éviter la surmortalité.
La Dr Siouxsie Wiles, microbiologiste à l’Université d’Auckland, a réalisé un GIF animé parlant .

Siouxsie Wiles montre, de manière simple et évidente, que chacun de nous a une responsabilité dans la diffusion ou non de la maladie. Le télétravail, l’annulation d’un barbecue entre amis, d’un voyage, réduit le nombre de contaminations – © SiouxsieW
Les spécialistes, épidémiologues, médecins, sociologues et historiens des épidémies, s’accordent à dire que c’est le cumul des stratégies qui fonctionne le mieux. Il faut bien être conscient du fait que « la seule façon définitive d’en finir avec une épidémie, c’est que suffisamment de personnes soient immunisées », comme le rappelle Jean-Stéphane Dhersin, spécialiste de la modélisation des épidémies, dans huffingtonpost.fr. Mais, dans une situation comme celle que l’on vit, il serait irresponsable de vouloir laisser faire dame nature, dans l’espoir de parvenir rapidement à une immunité collective, comme l’a un temps souhaité le gouvernement anglais et le préconise encore les Pays-Bas. Ce serait catastrophique, en particulier pour nos aînés et les personnes fragiles qu’il faut protéger. L’enjeu est donc de gagner du temps jusqu’à ce que l’on trouve un traitement fiable, puis que l’on mette au point un vaccin (ce qui peut prendre au moins 18 mois).
Et si l’on ne peut développer ici la question du prix économique à payer, inévitable, gageons qu’il sera d’autant moins important que l’on aura su respecter le confinement à la lettre pour en sortir le plus vite possible.
Le danger des mesures de confinement réside dans la levée de ces mesures
Un article de Sciences et Avenir signé de Camille Gaubert, explique bien ce danger. Une fois levé, le confinement laisse place à une reprise soudaine des contacts, qui se font entre des personnes non immunisées et des personnes infectées. Paradoxalement, plus la stratégie de confinement a été efficace, et plus l’épidémie peut ressurgir de manière forte et entraîner une nouvelle flambée, résument les experts interrogés par la journaliste. Cependant, difficile d’envisager un confinement pendant 18 mois… « jusqu’à ce que des stocks importants de vaccins soient disponibles pour immuniser la population ». L’option serait alors une distanciation sociale intermittente, décidée en fonction du nombre de cas confirmés de COVID-19. Ce qui équivaut à un confinement long, mais entrecoupé de périodes d’assouplissements.
En Chine et en Corée du Sud, où l’épidémie semble avoir été endiguée, une stratégie de dépistage à grande échelle a été mise en œuvre, combinée à une mise en quarantaine et une distanciation sociale ciblées. Seul l’avenir nous dira si ces mesures auront été efficaces.
La stratégie de Séoul consiste à combiner information, participation de la population et dépistage : « Chaque personne testée positive est soumise à une remontée très précise, et intime, de sa vie les jours précédant sa contamination. Ceci afin d’identifier les personnes avec lesquelles elle a été en contact. Les proches des personnes contaminées sont identifiées de façon systématique. On leur propose alors un test de dépistage ». Mais qui, en France, accepterait de donner accès à sa vie privée, voire intime, pour les besoins du dépistage ? Nous avons déjà du mal à respecter le confinement… Quant au dépistage lui-même, il n’a été possible à grande échelle en Corée qu’en raison d’une politique mise en place bien avant l’apparition du SARS-CoV-2, dans une logique de prévention consécutive aux épidémie de SARS (2002-2003) et de MERS (2015). S’il y aura d’évidentes questions de politique sanitaire à se poser après cet épisode épidémique, il y aura aussi des questions sociologiques et culturelles.
Les autres dangers, psychologiques, nutritionnels, physiques, serons abordés dans un autre article. Le confinement peut, en effet, accentuer ou provoquer angoisse et traumatismes qui ne sont pas négligeables. Il peut aussi modifier notre rapport à l’alimentation ou contrarier notre équilibre alimentaire habituel. Sur un plan physique, il peut accentuer notre manque d’activité ou diminuer une pratique sportive importante.

COVID-19 – Les gestes barrière
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Photos : © Ethnomedia / jcm
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