Les troubles psychiques souffrent d’un manque de reconnaissance dans notre société et sont même considérés comme un sujet tabou par certains. Plus globalement, la santé mentale est trop souvent relayée au second rang des préoccupations sanitaires. Mais de quoi parle-t-on au juste ?

« La santé est un état de complet bien-être physique, mental et social, et ne consiste pas seulement en une absence de maladie ou d’infirmité », déclare depuis 1946 l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS). Pour autant, la santé mentale souffre encore d’un manque de reconnaissance dans notre société, voire d’une certaine stigmatisation. Avec notamment pour conséquences d’importants manquements en terme de prévention et des retards, voire des défauts de prise en charge, concernant les troubles mentaux.

En 2016, l’Institut Montaigne a consacré une étude à ce sujet, en partenariat avec la Fondation Fondamental. Cette enquête révèle que trois Français sur quatre pensent que les personnes atteintes de troubles mentaux peuvent représenter un danger pour elles-mêmes et/ou pour les autres, et deux Français sur cinq associent les troubles mentaux à la folie. Cette représentation de la santé mentale est à confronter à la réalité épidémiologique : un Français sur cinq souffrirait actuellement d’un trouble mental, soit environ 12 millions de personnes, et les personnes atteintes de ces troubles sont plus souvent victimes de violence que la moyenne de la population.

— Des troubles fréquents et aux pronostics parfois sévères —

 

Selon l’OMS, cinq troubles mentaux figurent parmi les 10 pathologies majeures du XXIème siècle : schizophrénie, troubles bipolaires, dépressions, addictions, troubles obsessionnels compulsifs.

Ces troubles seraient la 2ème cause de handicap dans le monde (il s’agit là d’handicap psychique, n’ayant pas d’impact sur les capacités cognitives, et non de handicap mental). Ils provoquent par ailleurs :

– une souffrance aiguë pour le patient et pour ses proches,

– une mortalité prématurée (jusqu’à 25 ans d’espérance de vie en moins et taux de suicide plus élevé).

Enfin, l’OMS estime aussi que 20 % des enfants et des adolescents dans le monde présentent des troubles ou des difficultés mentales avec un impact significatif sur leur trajectoire de vie.

Maladies mentales, de quoi parle-t-on ?

Il existe plusieurs grandes catégories de troubles psychiques, parmi lesquels on trouve notamment les troubles organiques (maladie d’Alzheimer, démences…), les troubles de l’humeur (dépression, trouble bipolaire…), les troubles névrotiques (TOC, stress post-traumatique…) et les troubles du développement (autisme, troubles de l’acquisition du langage…). Dans la très grande majorité, leur diagnostic repose sur l’observation clinique des patients, et non des tests sanguins ou des examens d’imagerie médicale. Ce qui peut compliquer ou retarder leur découverte, leur prise en charge, et pose aussi des problèmes quant à la recherche sur ces troubles. Ils ont aussi pour caractéristique commune de combiner des comportements anormaux et des rapports altérés avec autrui, et de provoquer une souffrance morale. En revanche, ces différents troubles peuvent survenir à des âges différents, de façon chronique ou au contraire aiguë, et ont surtout des origines multiples, impliquant des facteurs biologiques, génétiques, psychologiques et sociaux.

Ainsi, si l’on sait aujourd’hui que le trouble du spectre autistique a des racines génétiques importantes, sa prise en charge repose avant tout sur des interventions comportementales, de psychomotricité et d’orthophonie notamment. De la même manière, on sait que la maladie d’Alzheimer est une pathologie neurodégénérative, c’est à dire provoquée par la disparition progressive des neurones. Cependant, tous les malades ne sont pas affectés de la même façon : plus ils ont un niveau éducatif élevé et/ou une vie sociale importante et mieux ils résistent aux symptômes de la maladie. Quant à l’addiction, il s’agit d’une pathologie liée aux comportements, mais face à laquelle nous ne sommes pas tous égaux en terme de risques. Le plus important à retenir est qu’il s’agit bel et bien de pathologies, qui ont des conséquences sur la santé en général et pour lesquelles il existe différentes prises en charge, et non de problèmes de comportements ou d’humeur contre lesquels la seule volonté des personnes concernées suffirait à remédier.

Une multiplication des troubles mentaux ?

En 2018, le Comité stratégique de la Santé Mentale et de la Psychiatrie, qui dépend du Ministère de la santé, a publié un rapport dans lequel il est rappelé que, selon l’OMS, une personne sur quatre est touchée par des troubles psychiques à un moment de sa vie. Plus précisément, en France, la psychiatrie représentait 2,4 millions de personnes prises en charge dans des établissements de santé en 2015. Et l’on estime que 7,5 % des Français âgés de 15 à 85 ans ont souffert de dépression au cours de cette année-là.

Régulièrement, de nouveaux troubles mentaux sont identifiés comme, par exemple, le syndrome d’hyperphagie incontrôlée (une sorte de boulimie non suivie de vomissements volontaires) ou la dermatillomanie (explorations et/ou grattages intempestifs de la peau pouvant conduire à la formation de plaies chroniques). « Est-ce la marque d’une démultiplication des troubles de l’humeur et du comportement ? », s’interroge le magazine de l’Inserm en décembre dernier. Non, « les épidémiologistes estiment plutôt que la psychiatrie est désormais plus attentive aux situations de souffrance psychique au sein de catégories de la population autrefois négligées ». Et ces « nouveaux » troubles mentaux, qui font souvent l’objet de vifs débats parmi les experts, permettent aux patients de voir un nom posé sur leur souffrance et donc une reconnaissance, voire une prise en charge, de celle-ci. Attention cependant à ne considérer comme pathologiques des situations qui ne relèvent pas du soin psychiatrique mais plutôt du bien-être mental, comme le rappellent régulièrement certains experts.

La santé mentale

S’il existe une grande diversité de troubles mentaux aujourd’hui reconnus et définis, le concept de santé mental est, en effet, beaucoup plus large. Sans être forcément malade, nous connaissons tous par moment des baisses de moral, des coups de stress, une perte brutale de motivation… et cela nous affecte psychiquement en causant parfois une souffrance morale importante. À l’inverse, des personnes souffrant de troubles psychiques, dès lors qu’elles bénéficient d’une prise en charge médicale et sociale adaptée, peuvent ressentir un sentiment de bien-être.

Ainsi, « nous avons toutes et tous une santé mentale, y compris les personnes qui rencontrent des troubles psychiques ». Il faut donc « abandonner ce réflexe binaire qui nous divise, cesser de désigner la personne qui a des troubles psychiques par sa différence, cesser de pointer son écart à la norme », comme le rappelle Aude Caria, psychologue et directrice de Psycom (organisme d’information et de formations sur la santé mentale), en décembre 2019, lors de son discours à l’occasion du Grand Rendez-vous « Parlons Psy » organisé par la Fondation de France et l’Institut Montaigne. « La santé mentale irait au-delà de l’absence de troubles mentaux et serait plus justement définie par le bien-être ». Et « promouvoir cette conception globale de la santé mentale, c’est faire de la santé mentale une question de société, un enjeu politique », ajoute-t-elle. Par nos comportements, notre vie sociale, nos activités physiques et intellectuelles, et même notre alimentation, nous avons tous, en effet, la possibilité d’agir sur notre santé mentale. À condition cependant que notre environnement et la société dans laquelle nous vivons rendent cela possible.

La période actuelle, avec les crises sanitaire, économique et sociale que nous traversons, a cruellement mis en lumière l’importance de notre bien-être mental. Dès lors, comment mieux appréhender troubles psychiques et santé mentale ? Quelle différence, par exemple, entre une maladie d’origine organique et un trouble du développement ? Comment lutter contre la stigmatisation des troubles psychiques ? Quelles sont les actions d’information et de prévention qui peuvent être mises en place ? Autant de thématiques qui seront abordées en cette année 2021 sur Apivia Prévention.

— Le coût de la santé mentale —

 

Les troubles mentaux représentent le premier poste de dépenses du régime général de l’Assurance maladie par pathologie, avant les cancers et maladies cardio-vasculaires, soit 19,3 milliards d’euros.

Plus globalement, le coût économique et social des troubles mentaux est évalué à 109 milliards d’euros par an, dont :

– 65 milliards pour la perte de qualité de vie,

– 24,4 milliards pour la perte de productivité liée au handicap et aux suicides,

– 13,4 milliards dans le secteur médical,

– 6,6 milliards pour le secteur médico-social.

Source : Ministère de la solidarité et de la santé, 2018

POUR ALLER PLUS LOIN

• Le 14 janvier, lors d’une visioconférence avec des pédopsychiatres, Emmanuel Macron a approuvé la tenue, avant l’été, d’« Assises de la psychiatrie et de la santé mentale », avec un axe dédié à l’enfance afin d’améliorer l’accès aux soins pédopsychiatriques. Les spécialistes lui ont fait part de la hausse continue du nombre d’enfants souffrant de troubles depuis quelques années, la crise et les confinements ayant aggravé la situation. Le chef de l’Etat a approuvé le lancement au printemps d’une enquête nationale sur la santé mentale des jeunes et des enfants, qui sera conduite par Santé Publique France.

• Le Cosmos mental® est un clip pédagogique Psycom, créé avec Les Zégaux, pour expliquer de manière imagée le concept de santé mentale. La métaphore du Cosmos illustre la complexité et la dynamique de la santé mentale, qui évolue tout au long de la vie.

© Psycom 2018

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Photo : © Elina Krima