En février dernier, l’Académie de pharmacie a passé au crible l’ensemble des nombreux autotests disponibles en pharmacie. Alors, ces autotests, bon moyen de s’orienter ou piège à pigeon ?

Dans notre société vieillissante de « tamalous » (mais si, vous les connaissez, les « t’as mal où ? »), nous devenons « des teste-tout » : son entrée en ménopause, son taux de cholestérol, ses anticorps contre le tétanos, etc. Dispositif médicaux de diagnostic in vitro (DMDIV), les autotests vendus en pharmacie s’utilisent à domicile, en dehors d’un suivi médical et sans prescription. On se pique le doigt pour obtenir une goutte de sang ou on fait un petit pipi et hop, les marqueurs biologiques sont détectés, comme lors d’un test de grossesse, largement éprouvé. Plus récemment, des autotests ont été mis au point pour repérer la présence ou non des marqueurs du virus du SIDA dans le sang, de pathologies de la prostate en dosant l’antigène spécifique de la PSA, du côlon, de la thyroïde etc. Ou encore pour la ménopause, le tétanos, le cholestérol, des allergies, et la fameuse maladie de Lyme transmise par la tique – le test s’appelle Diagnos’tique, ça vous fait tiquer ?
C’est que le magazine 60 millions de consommateurs vous avait peut-être déjà mis la puce à l’oreille l’année dernière, côté fiabilité de ces tests, avec une enquête sans complaisance. Seulement deux autotests tiraient leur épingle du jeu de l’utilité : l’autodiagnostic du sida et l’autotest pour le diabète de type 1. Ce dernier permet de surveiller la glycémie pour ajuster les injections d’insuline ; plus qu’un test, c’est donc un dispositif destiné à accompagner les patients dans la prise en charge de leur maladie, en particulier pour adapter leur traitement.

Après tri, il en reste 3 sur 13 !

En février 2018, c’est l’Académie de pharmacie qui a enfoncé le clou en publiant son rapport qui passe en revue 13 autotests proposés en officine, à la demande du Ministère de la santé et des solidarités. « Nous avons avant tout cherché à savoir si ces tests raccourcissent effectivement l’accès au traitement et ne risquent pas d’inquiéter ou de rassurer à tort » précise Liliane Grangeot-Keros, auteure principale du rapport.

Résultats : pour le groupe de travail de l’Académie de pharmacie, trois autotests présentent une utilité clinique comparativement à un examen de biologie médicale.

1. Bravo l’autotest du VIH (virus d’immunodéficience humaine) ; selon les spécialistes, ce test répond à un réel problème de santé publique et constitue une opportunité pour diminuer le nombre de personnes infectées non dépistées et prévenir la progression de la maladie virale. En effet, en France, on estime que 20 % des séropositifs s’ignorent, soit par peur d’aller se faire dépister, soit parce qu’ils habitent loin d’un centre de dépistage. Le principe est simple : on pique le bout de son doigt pour recueillir une goutte de sang, puis on repose l’auto-piqueur sur un support et au bout de quinze minutes, le résultat apparaît.

2. Vous vous êtes blessé en bricolant ou en jardinant et vous ne savez plus si vous êtes vacciné contre le tétanos ? Le dépistage d’anticorps antitétaniques par le moyen d’un autotest est fortement encouragé.

3. Enfin, l’autotest des infections urinaires par bandelettes est un moyen fiable pour une patiente sensible aux infections.

Attention, dans tous les cas, les autotests « ne remplacent pas les examens de biologie médicale analysés par votre médecin traitant (…) afin d’établir un diagnostic », rappelle l’ANSM (Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé). « Les utilisateurs potentiels doivent s’interroger sur les informations qu’ils en attendent, rester vigilants sur les résultats obtenus ». En clair, les résultats doivent être confirmés par un test biologique réalisé en labo et discutés avec un médecin, car ils ne peuvent constituer un diagnostic de maladie. Mais ils ont l’avantage d’accélérer la prise de conscience et les dispositions à prendre.

Méfiez-vous des contrefaçons et des pièges à pigeons

Pour toute démarche d’autotest, l’ANSM recommande d’acheter le produit en pharmacie ou sur un site agréé, mais pas en dehors de ce circuit, pour éviter les fraudes. Elle conseille également de vérifier que le produit porte bien le marquage CE, signe que l’autotest respecte la réglementation européenne. Donc, on évite les sites non homologués !

A part les trois mentionnés ci-dessus, les autres autotests sont à l’inverse déconseillés par l’Académie de pharmacie car incomplets, trop difficiles à interpréter ou hasardeux : Le PSA (détection d’un dysfonctionnement prostatique), l’Helicobacter pylori pour les problèmes gastriques, les allergies, la maladie de Lyme, et la recherche de sang dans les selles qui vise à dépister un cancer colorectal. Pour ce dernier, mieux vaut s’en tenir à l’invitation reçue par toutes les personnes de 50 à 74 ans à effectuer gratuitement le test. Toujours pas glam, mais carrément plus fiable.

Entre les deux, restent les autotests nécessitant plus d’investigations pour conclure à leur utilité en dehors d’un bilan biologique plus approfondi :
• Le test de mesure semi-quantitative du cholestérol total ;
• La mesure de la ferritinémie (recherche d’une carence en fer) ;
• Le dosage de l’hormone TSH (recherche d’une hypothyroïdie) ;
• Les tests urinaires visant à une recherche quantitative d’hormone folliculostimulante (FSH) (détection de la ménopause) et l’hormone lutéinisante (LH) (détection de la période la plus propice pour la conception).
La question de la fiabilité de ces tests, comparés aux tests réalisés en laboratoires, fera l’objet d’un autre rapport, réalisé par la Société française de biologie clinique.

Auto, auto, tout doux !

En passant en revue les notices associées aux autotests, les auteurs du rapport précisent notamment que « leur rédaction doit être mieux encadrée et faire l’objet d’un contrôle, afin d’éviter une interprétation erronée et des conséquences néfastes pour l’usager/patient qui pourrait être rassuré ou inquiété à tort ». Bref, un avis médical est toujours préférable, d’autant que nous ne sommes pas tous égaux niveau compréhension technique !
De même, une réserve peut être émise concernant la réaction du patient qui découvre seul dans son salon qu’il est porteur du VIH. Un partenariat efficace a été mis en place avec Sida Info Service sept jours sur sept, 24 heures sur 24.

Donc si autotest dit autonomie, il dit aussi accompagnement.
Les TRODs (test rapide d’orientation diagnostique) qui se font avec son pharmacien pourraient constituer une solution. Actuellement, seuls le test capillaire d’évaluation de la glycémie (campagne de prévention du diabète de type 2) et les tests de détection des angines et de la grippe (campagne pour le bon usage des antibiotiques et suivi de l’épidémie saisonnière de grippe) sont disponibles pour les pharmaciens. Liliane Grangeot-Keros le souligne : « Il faudrait aussi que les TRODs VIH soient mis gratuitement à la disposition des pharmaciens dotés d’un espace de confidentialité, et que les pharmaciens puissent délivrer directement des antibiotiques suite à un autotest positif d’infection urinaire, comme c’est déjà le cas en Suisse ».

POUR ALLER PLUS LOIN

• L’Académie nationale de pharmacie a classé 13 autotests parmi les plus vendus en officine en autotests utiles, autotests à valider et autotests à éviter. Lire et télécharger le rapport de l’académie de pharmacie (PDF).

• L’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM) rappelle que les autotests vendus en pharmacie, s’ils sont utiles, ne remplacent pas les examens de biologie médicale.

• Les syndicats de biologistes demandent d’évaluer les performances de chaque autotest, de sécuriser le diagnostic et d’améliorer le dépistage et l’accès par les patients à des soins de qualité grâce à une dispensation et une interprétation des auto-tests ayant démontré une utilité, directement au laboratoire de biologie médicale en lieu et place de la pharmacie d’officine.

• À savoir : pour les autotests VIH, la plateforme Sida Info Service peut aider les utilisateurs en cas d’interrogations. Ce service, disponible 7 jours/7, 24h/24, est confidentiel, anonyme et gratuit (0 800 840 800).

Crédits

Photo : © sida info service