Accompagnement des enfants malades, rééducation après un AVC, Alzheimer, Parkinson, phobies… les jeux vidéo ont un rôle à jouer dans notre santé.

Si l’on devait faire le procès des jeux vidéo, l’accusation appellerait certainement à la barre quelques parents inquiets pour leur progéniture trop souvent scotchée à un écran. Mais si le risque d’addiction existe, ce n’est cependant pas la norme. Des parents d’enfants malades, ainsi que des patients d’un âge avancé, pour qui les mots tablette ou réalité virtuelle étaient exotiques, pourraient en effet témoigner des bienfaits des loisirs numériques.

Il convient de revenir sur des idées reçues. Ainsi, alors que les jeux vidéo sont réputés mauvais pour les yeux, un traitement vidéoludique de l’amblyopie, la maladie de l’« œil paresseux » s’avère plus efficace et moins contraignant que la technique de rééducation classique avec une œillère. Autre paradoxe frappant : on sait qu’à l’excès, les jeux sur écran peuvent conduire à une forme d’isolement, au repli sur soi, mais dans le cas des enfants présentant un trouble du spectre autistique, les univers virtuels peuvent au contraire servir de passerelle favorisant l’ouverture au monde et les interactions avec autrui. C’est l’histoire de Zac, Claudia ou de Baptiste, joueur invétéré, qui raconte les parties endiablées avec son fils autiste.

L’intérêt du monde médical pour les jeux vidéo est récent, mais les études et les essais cliniques se multiplient sur des applications ludiques dédiées à un objectif de santé. En bon franglais, des « serious games » à vocation thérapeutique (et pas de simples Pokemon Go incitant des gamins sédentaires à l’effort physique).

Un support d’éducation thérapeutique

Le jeu est un formidable outil pédagogique qui permet, en dédramatisant la maladie, de l’expliquer au jeune patient et de lui apprendre comment bien vivre avec. Dans le cas du diabète, par exemple, on peut citer L’Affaire Birman, un jeu d’aventure qui met en scène un héros diabétique pour inculquer les fondamentaux de l’insulinothérapie. Dans une logique de prévention, la Fédération Française des Diabétiques a par ailleurs créé un jeu pour sensibiliser aux facteurs de risques et aux symptômes de cette maladie : « Du rififi à Daisy Town », une aventure gratuite et humoristique de Lucky Luke.

Capture d’écran du jeux « Du Rififi à Daisy Town »

Dans un registre voisin, Tsara permet aux aidants familiaux de personnes autistes de mieux appréhender les problématiques du quotidien. Une application développée par l’association « Les P’tits doudous du CHU de Rennes » aide quant à elle les enfants à surmonter une opération, et dans ce contexte, à couper le cordon avec papa-maman le temps de l’intervention. Tout est dit dans le titre du jeu : Le héros, c’est toi.

Une sorte de miroir réconfortant

Le jeu vidéo a une caractéristique intéressante d’un point de vue psychologique : le joueur se projette sur le personnage qu’il guide à l’écran. Si, confronté à la même cause d’anxiété, le joueur comprend ce qui arrive à son avatar numérique et l’amène à bon port, il n’y a pas de raison que cela se passe autrement pour lui dans la « vraie vie ». Dans ce jeu, l’enfant s’identifie donc à un personnage virtuel qui va le guider dans son parcours hospitalier, lui expliquant chaque étape de l’anesthésie à la salle de réveil. Le séjour à l’hôpital en deviendrait presque sympa.

Simulation de « prise de tête avec un ado », encouragement à « lâcher la main de maman », gestion des troubles alimentaires (anorexie, boulimie), d’un épisode traumatique ou encore de la dépression chez les jeunes, de nombreuses expérimentations sont en cours, étant entendu que l’on parle d’outils prometteurs, sous le contrôle d’un psychiatre, et non de « solutions thérapeutiques ».

Capture d’écran du jeu « Clash back », réalisée par la société Interactive Situations et le Dr Xavier Pommereau

Réalité virtuelle contre peurs irrationnelles

Le fait est, cependant, que pour lutter contre les phobies, le numérique peut d’ores et déjà être considéré comme un traitement, presque aussi efficace que les thérapies comportementales et cognitives classiques.
Le principe est simple : alors qu’il se sait en parfaite sécurité et dialogue avec son thérapeute, grâce à un casque plongeant le patient phobique au cœur d’une reconstitution 3D d’un environnement qui le terrorise – ascenseur, avion, conduite automobile, foule ou encore vide -, on va progressivement lui montrer que sa hantise est irrationnelle, ou au moins démesurée, par rapport à la réalité du danger.

A terme, on peut imaginer que des applications pour smartphones rendent cette technique plus accessible. C’est le cas par exemple de Phobia Free, une application pour iPhone qui prétend aider à surmonter la peur des araignées.

Surmonter une affection neurologique

Les jeux vidéo sont aussi à l’étude dans la rééducation des patients souffrant d’une paralysie d’un membre supérieur après un accident vasculaire cérébral. Une étude a récemment minimisé leur vertu, estimant qu’un jeu de cartes était tout aussi efficace. Mais d’autres scientifiques y croient fermement, notamment les promoteurs de Voracy Fish, un jeu dans lequel le patient hémiplégique après un AVC, dirige un poisson de la main, en quête par exemple de crevettes à l’écran, et surtout de récupération motrice. Fut un temps très coûteuse, cette technologie est désormais accessible aux particuliers par l’entremise des consoles de jeux récentes, qui captent les mouvements du joueur (pour ne pas la citer la Xbox de Microsoft et sa technologie Kinect).

Voracy Fish

Sur cette même base, de nombreux essais sont en cours, pour retarder le développement, limiter la progression, voire récupérer des capacités cognitives et motrices chez des patients atteints de maladies neurodégénératives telles que Parkinson, Alzheimer ou la sclérose en plaques. Sécrétion de dopamine et mouvements qui préservent la motricité et l’équilibre chez les parkinsoniens, entraînement de la mémoire et renforcement de l’attention en cas d’Alzheimer, il semblerait que la pratique des jeux vidéo ait un intérêt thérapeutique pour surmonter les conséquences de la maladie.

Un peu comme la méditation, on suppose que le jeu vidéo aurait une action significative sur la plasticité cérébrale. En tout état de cause, il constitue une occupation autrement plus plaisante et motivante que les exercices traditionnels. À défaut de guérison, cette petite satisfaction n’est pas négligeable.

POUR ALLER PLUS LOIN

Le jeu vidéo, un médicament comme un autre ? Un papier très approfondi, à lire sur Numerama.
• Des séances de jeux thérapeutiques filmées par Arte.

Crédits

Photo : © Travel_Master / Fotolia.com