Les jeunes boivent trop, trop vite et trop tôt, nous dit-on à longueur de reportages TV sur les nouveaux usages de l’alcool. Qu’en est-il vraiment ? Comment limiter les risques ? Nous avons mené l’enquête auprès de spécialistes de la prévention.

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Cela fait bien longtemps que l’Homme a découvert comment fabriquer de l’éthanol par la fermentation de fruits ou de céréales et les bénéfices, notamment récréatifs, qu’il pouvait tirer de cette substance psychotrope. En fait, dès la préhistoire. Autant dire que la consommation et parfois l’abus de ce liquide, aussi incolore et volatil que ses effets peuvent être néfastes, n’ont rien de nouveau.

Ce qui l’est plus en France, alors que la consommation moyenne baisse, c’est la façon dont on consomme des boissons alcoolisées de plus en plus jeune, non pas comme traditionnellement chez les adultes pour s’ouvrir l’appétit ou agrémenter le repas, non pas pour marquer de grandes occasions, mais de façon récurrente et programmée, sans autre objet apparent que de se mettre « la tête à l’envers ». On pourra en discuter tant les explications culturelles, sociologiques et psychologiques du phénomène sont variées.

Qu’on se rassure, les cas de comas éthyliques et plus encore d’alcoolodépendance en culotte courte restent anecdotiques. Cependant toutes les études épidémiologiques révèlent une évolution significative de notre jeunesse dans son rapport à la boisson et surtout à l’ivresse. Pour dire les choses simplement : dans notre société mondialisée (et stressante…), les jeunes Français se comportent de plus en plus comme leurs homologues anglo-saxons ou nordiques. Ce ne sont pas tant les volumes d’alcool ingurgités qui impressionnent, que les modalités de leur consommation, en un bref laps de temps, ce qui augmente considérablement les risques sanitaires et les admissions aux urgences.

L’alcool est la seconde cause de mortalité « évitable » dans l’Hexagone. Bien évidemment, les adolescents ne meurent pas souvent de cirrhoses, d’hépatites ou de cancers comme leurs parents. La plupart de ceux qui boivent de temps en temps jusqu’à plus soif à cet âge de découverte et de transgression ne sombreront pas dans l’éthylisme chronique pour autant. Mais le tout est qu’une mauvaise cuite ne leur coûte pas la vie ou ne leur cause pas des dommages irréparables.

On pense bien sûr aux accidents de la route, aux mauvaises chutes, aux bagarres, aux relations sexuelles non désirées et/ou non protégées, mais aussi aux conséquences des épisodes alcooliques à répétition en pleine période de croissance. Le sujet d’étude scientifique est récent mais, chez les rats, il est aujourd’hui prouvé que l’alcool peut gravement nuire au développement neurologique. Or, nous ne sommes pas si différents de ces mammifères et nos gamins sont de plus en plus précoces dans cet apprentissage…

Qui boit quoi à quel âge ? Comment, quand et pourquoi ? Quels sont les dangers ? Nous avons mené l’enquête auprès de l’Association nationale de prévention en alcoologie et addictologie ainsi que du Dr Patrice Huerre, psychiatre des hôpitaux, psychanalyste et grand spécialiste des actions de prévention et de soins auprès des adolescents et des jeunes adultes. Avec eux, nous évoquerons ces prochaines semaines les nouveaux usages alcooliques de la jeunesse, à la fois pour sensibiliser les parents, qui ont un rôle important à jouer et peut-être pour les rassurer dans un contexte de battage médiatique autour du binge drinking. Oui, le phénomène existe et prend de l’ampleur, mais cette attitude à risque n’est pas systématique et encore moins inévitable.

Crédits

Photos : © Ethnomedia / Martin Glesser — Texte : Tijani Smaoui (texte)
Photographie de couverture : © Fotolia / Peter Atkins