Entre la vision idyllique de l’industrie laitière qui ne vante que les bienfaits du lait et certains sites internet qui l’accusent de tous les maux, qu’en est-il ?

« Les produits laitiers sont nos amis pour la vie !… » : cette chanson publicitaire qui passait en boucle dans les années 1980 semble un peu dépassée. Depuis, d’autres sons de cloche ont retenti et le lait (de vache bien sûr, car en France il représente 97% du lait consommé) est accusé d’être « à l’origine de nombreux cancers », « inflammatoire », « toxique », «poison »… Alors, le lait de vache est-il dangereux pour la santé ou au contraire nous protège-t-il de certaines maladies ? La réponse des scientifiques est : ça dépend pour qui.

— De quoi parle-t-on ? —

On entend par lait la sécrétion des glandes mammaires, n’ayant pas subi de modification de sa composition. Il peut être cru ou avoir subi un traitement thermique (pasteurisé, stérilisé, UHT…). La standardisation en matière grasse est acceptée : lait entier, demi-écrémé, écrémé. Si le lait est enrichi (en vitamines, protéines de lait, sels minéraux) ou réduit en lactose, son étiquetage doit le préciser.

Les produits laitiers sont issus d’une transformation du lait. Ils regroupent les fromages, yaourts, crèmes, beurres, babeurre, lactosérum, …

Lorsqu’on parle de lait et produits laitiers, on sous-entend «de vache», dans les autres cas, on précise l’animal (brebis, chèvre, bufflonne, ânesse, etc.).

Par sa richesse en calcium, ses protéines, vitamines, oligoéléments, son phosphore, … le lait de vache a prouvé son intérêt. Le calcium notamment, associé à la vitamine D, construit notre squelette. A l’âge adulte, il est aussi utilisé en permanence par nos cellules ; il est notamment indispensable à la contraction de nos muscles.

En France, le Programme national nutrition santé (pnns) recommande donc de manger 3 voire 4 produits laitiers par jour*, dans une alimentation variée, riche en fruits et légumes. Cela vaut pour la majorité d’entre nous, mais il existe des exceptions.

Intolérance, allergie, lorsque le lait ne passe pas…

Certaines personnes sont intolérantes au lactose, un sucre présent dans le lait. Elles n’ont pas suffisamment, très peu ou plus du tout d’enzyme lactase dans leur tube digestif pour le digérer et ressentent des douleurs abdominales après avoir bu du lait.

Ces symptômes disparaissent en retirant le lait de l’alimentation tout en conservant les produits fermentés (qui contiennent peu ou pas de lactose). Les laits à faible teneur en lactose, qui connaissent un succès commercial, réduisent aussi ces douleurs.

D’autres personnes, principalement des enfants de moins de 6 ans, sont allergiques aux caséines, protéines majoritaires dans le lait de vache. Une fois ce diagnostic établi, un régime sans laitages doit être suivi, mais sans remplacer exclusivement par des laits végétaux et avec l’aide d’un diététicien, afin de conserver un apport de calcium suffisant. L’allergie aux protéines de lait est extrêmement rare chez les adultes.

Un effet protecteur, hormis pour la prostate

Des études scientifiques ont mis en évidence l’effet protecteur des laitages, notamment contre le cancer du colon-rectum et le cancer du sein.

Mais d’autres études ont prouvé que la consommation quotidienne de produits laitiers riches en calcium augmente le risque de cancer de la prostate chez l’homme adulte**. C’est le seul lien de cause à effet aujourd’hui avéré entre lait et cancer.

Les cas non expliqués

Restent les témoignages nombreux de patients atteints de certaines maladies inflammatoires, comme la spondylarthrite ankylosante (*note : un rhumatisme inflammatoire chronique qui touche surtout la colonne vertébrale (lombaires) et les articulations du bassin), maladie très douloureuse et handicapante. Ces patients ont réussi à freiner l’évolution de leur maladie et ne ressentent plus de douleurs grâce à un régime sans laitages, ou sans gluten.

Certains médecins ou naturopathes estiment que l’on consomme trop de calcium, et que le lait est impliqué dans les réactions inflammatoires. Aujourd’hui, aucune publication scientifique ne confirme cette théorie. C’est pour cela que des régimes sans laitages, voire sans gluten ni laitages, comme celui défendu par le Docteur Seignalet publié en 1996, sont très controversés.

La majorité des rhumatologues le déconseillent à cause du danger de déminéralisation osseuse, et plus globalement tous les régimes d’exclusion car ils n’ont pas prouvé scientifiquement leur efficacité. Si certains patients ressentent les bienfaits en supprimant les laitages, ils doivent absolument maintenir un apport en calcium par d’autres aliments (sardines à l’huile avec arêtes, chou frisé, pois chiches…).

Pourquoi cette méfiance et ces critiques ?

Il existe des critiques très vives contre l’industrie laitière, le traitement médicamenteux des vaches laitières et les polluants qui se retrouvent dans le lait (métaux lourds, pesticides…). Il est vrai que le lait témoigne du mode de vie de la vache laitière : issu d’un élevage intensif il contiendra davantage d’antibiotiques et de pesticides.

D’ailleurs, la méfiance à l’égard du lait est largement inspirée par les sites américains où l’élevage est intensif. En France, nos élevages sont à plus petite échelle (une cinquantaine de vaches en moyenne), et les normes sanitaires européennes sont moins permissives qu’aux Etats-Unis.

Cependant, la composition du lait est très complexe, et encore mal comprise. Elle varie selon la race de l’animal, son alimentation, selon les saisons aussi. Les nombreuses recherches en cours, dans les domaines de l’élevage, de l’agro-alimentaire, de la cancérologie ou de la physiologie permettent progressivement de mieux comprendre les bienfaits et parfois les méfaits du lait.

La filière laitière en France participe au financement de ces nombreuses recherches sur le lait. C’est une industrie importante, avec ses 250 000 emplois et ses 27,2 milliards d’euros de chiffres d’affaires (en 2010), dont l’influence sur les politiques est difficile à estimer.

En bref, un lait bio, sans pesticides, issu de vaches qui paissent régulièrement dehors, dans des zones peu polluées, est sans doute à privilégier !

Le plus important : une alimentation variée

Retenons que les laitages, et le calcium qu’ils contiennent, sont indispensables lors de la croissance de nos os. Pour lutter contre l’ostéoporose (maladie qui fragilise le squelette), il semble que le stock de calcium constitué jusqu’à l’adolescence est très important. Donc hormis une allergie avérée, il ne faut pas retirer le lait et les produits laitiers de l’alimentation des enfants et des adolescents et suivre les recommandations de 3 à 4 par jour.

A l’âge adulte, on peut choisir de ne pas consommer autant de lait et laitages, à condition de garder une alimentation variée, avec beaucoup de fruits et légumes. En cas de carence en calcium ou en vitamines, la situation serait très difficile à rétablir. Parlez-en à un professionnel de santé, il vous aidera à équilibrer votre alimentation.

recommandations sur les produits laitiers (PDF)
** institut national du cancer

POUR ALLER PLUS LOIN

• Marché du lait et des produits laitiers en France
• Association française pour l’information scientifique
• Site d’un enseignant-chercheur à l’INRA

Crédits

Photos : Buvard publicitaire de Gloria, Publicité de France Lait Régime de 1956, Publicité de Gloria de 1954, Publicité de Bridel de 1974.