Peur des araignées, des vomissements, de la foule, de prendre l’avion ou même des clowns… Il existe une très grande diversité de phobies. Mais plus que la cause elle-même, ce sont les répercussions sur la vie quotidienne qui doivent être envisagées. Car ce sont elles qui vont guider une éventuelle prise en charge médicale.

Avoir peur d’un chien très agressif, craindre de conduire pour la première fois sur l’autoroute, s’inquiéter avant un examen… Rien de plus normal ! La peur est une émotion qui nous permet de prendre conscience des dangers potentiels. Elle fait partie du panel de nos comportements habituels et nous aide à être plus vigilant quant à une situation. Mais lorsque cette peur est répétée et systématique face à un objet ou un événement, et que cela a des conséquences sur la vie quotidienne, on parle de phobie. On estime que 10 à 20 % de la population française souffrirait de phobie : c’est l’affection psychologique la plus fréquente, classée dans les troubles anxieux, avec l’état de stress post-traumatisme et les troubles obsessionnels compulsifs (TOC), par exemple.

Qu’est ce qu’une phobie ?

Ni caprice ni manque de contrôle de soi, la phobie est une crainte irraisonnée, irrationnelle et irrépressible face à un objet, une situation ou un lieu. Il s’agit d’une réaction de peur qui est exagérée et incontrôlable. Lorsque cela entraîne une souffrance, un évitement et/ou une modification durable des comportements, on considère qu’il s’agit d’une pathologie.

La phobie s’explique par une amplification du mécanisme normal de la peur. Celle-ci devient disproportionnée au regard des risques encourus. Tout se passe comme si cette peur empêchait le cerveau d’analyser correctement la menace et de contrôler les réactions de stress. Il y a donc bel et bien un mécanisme physiopathologique derrière la phobie, c’est à dire un dérèglement du fonctionnement normal de l’organisme.

À l’origine d’une phobie, il peut y avoir une ou plusieurs causes. Il peut s’agir d’une expérience traumatique initiale (une morsure de chien par exemple) ou d’une méconnaissance qui entraîne de fausses croyances (ne pas savoir comment vole un avion et avoir peur qu’il tombe, par exemple). Cela peut aussi s’expliquer par une prédisposition au stress liée à l’hérédité et/ou aux débuts de la vie. Enfin intervient, parfois, une perte de confiance ou une mésestime de soi. Il s’agit donc de facteurs de risque complexes et souvent intriqués.

Des phobies simples et d’autres complexes

Il existe différents types de phobies. Il n’est pas rare de souffrir de plusieurs phobies en même temps, qu’elles aient ou non un lien entre elles.

Les phobies simples ou spécifiques sont des peurs irraisonnées face à un objet ou une situation bien précise, comme par exemple les serpents, la hauteur, le sang, prendre l’avion, arriver en retard… Plusieurs centaines de phobies spécifiques ont déjà été décrites, mais la liste est loin d’être exhaustive.

Les phobies complexes font intervenir en général une situation couplée à des facteurs psychologiques comme l’anxiété chronique ou la mauvaise estime de soi. La phobie complexe la plus handicapante est l’agoraphobie, qui peut se définir par la peur de se retrouver dans une situation où l’on ne pourrait pas trouver de secours, comme par exemple dans une foule, un grand espace vide ou simplement à l’extérieur de son domicile. Autre phobie complexe, la phobie sociale qui consiste à avoir peur d’être humilié ou soumis au regard critique, accusateur ou dévalorisant d’autrui. Elle s’accompagne, en général, de la peur de prendre la parole, de rougir, de bafouiller, d’avoir les mains qui tremblent… La phobie scolaire entre aussi dans cette catégorie. Aussi appelé refus scolaire anxieux, elle entraîne bien souvent une déscolarisation.

Des conséquences sur la vie quotidienne

Plus que la cause elle-même d’une phobie, ce sont les répercussions sur la vie de tous les jours qui doivent être envisagées. Car ce sont elles qui vont amener à avoir besoin ou pas d’une prise en charge thérapeutique. Les réactions de peur se manifestent en général instantanément face à l’objet ou à la situation à l’origine de la phobie, voire même à leur simple évocation. Ils sont très proches de ceux du stress : augmentation des rythmes cardiaque et respiratoire, sudation inhabituelle, sensation d’étourdissement, contractions musculaires, douleurs abdominales…

Par ailleurs, une personne souffrant de phobie va développer des stratégies d’évitement pour ne pas être confronté à l’objet de sa phobie. Cela peut être relativement facile et sans conséquence sur la vie quotidienne s’il s’agit, par exemple, d’éviter les serpents ou la vue du sang, ou avoir des effets très importants en cas d’agoraphobie ou de phobie scolaire si cela conduit à une désocialisation complète. 
Elle va aussi développer des crises d’angoisse, et un syndrome d’anxiété chronique si la situation est trop fréquente, trop envahissante et/ou que les stratégies d’évitement prennent trop de place dans la vie quotidienne.

Quelles prises en charge ?

En France, l’approche psychanalytique des phobies a longtemps prédominé. On estimait alors qu’elles étaient définies par « le déplacement (la projection), sur un objet, une personne ou une situation du monde extérieur, d’une figure angoissante de l’univers psychique » ou qu’il s’agissait d’une expression névrotique de l’angoisse de séparation. Pour la psychanalyse, l’objet ou la situation qui provoque la peur n’est qu’un symbole, comme dans le témoignage de cet homme phobique des voyages en avion… parce qu’il ne voulait pas d’enfant. Cependant, si la psychanalyse permet, dans certains cas, de comprendre l’origine de la phobie et de la désamorcer, comme l’explique le psychanalyste Rodolphe Oppenheimler, elle ne constitue pas une thérapie.

De fait, aujourd’hui, la psychanalyse est souvent délaissée au profit d’une prise en charge plus axée sur les symptômes, les comportements et sur l’objet de la phobie. On distingue plusieurs méthodes.

Les thérapies de désensibilisation où l’on travaille sur l’objet même de la phobie. Il s’agit, par exemple, de compagnies aériennes, comme Air France, qui proposent des stages où l’on apprend en quelque sorte à apprivoiser l’avion en comprenant comment il vole et les différents mécanismes du stress. Certains thérapeutes utilisent aussi la réalité virtuelle. Durant plusieurs séances, le patient porte sur la tête un casque de réalité virtuelle qui lui permet d’entrer dans un monde où sa phobie est virtuellement présente, mais où il peut évoluer à son rythme, avec l’accompagnement de son thérapeute. Des études scientifiques ont en effet montré que cela pouvait être très efficace.

Les thérapies cognitives et comportementales (TCC) s’attachent plutôt à modifier les comportements. Ces psychothérapies brèves visent à remplacer les idées négatives et les comportements inadaptés par des pensées positives et des réactions en adéquation avec la réalité.

Des approches complémentaires comme l’hypnose, la relaxation, la sophrologie, la méditation pleine conscience… permettent plutôt de travailler sur la maîtrise de ses réactions face à l’objet de la phobie.

Les antidépresseurs de type inhibiteurs sélectifs de la recapture de sérotonine (ISRS ou SSRI en anglais) peuvent être utiles pour diminuer les symptômes d’angoisse, à condition de ne pas être prescrits sans une prise en charge globale. Bêtabloquants et tranquillisants peuvent aussi être envisagés.

Comme pour une addiction, faire face à une phobie ne demande pas seulement de la bonne volonté, il est parfois nécessaire d’être accompagné médicalement. Différents types de prises en charge thérapeutiques peuvent être envisagés. L’objectif est surtout de diminuer, voire supprimer, les conséquences de la phobie sur la vie quotidienne plutôt que de vouloir seulement en comprendre les origines.

POUR ALLER PLUS LOIN

• A écouter, sur France Inter : Anxiété, phobie : apprivoisons nos peurs irraisonnées

• A lire
L’Homme le plus flippé du monde
Agoraphobie, astrophobie, glossophobie, ochlophobie, scopophobie, thanatophopbie… Vous connaissez ? L’homme le plus flippé, lui, il sait, il a déjà tout testé et en a fait une BD.

Les phobies
De Paul Denis, dans la collection Que sais-je ?

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