Parler santé et météo, ce n’est pas seulement évoquer le lien entre l’humidité et les rhumatismes, c’est aussi penser aux impacts du changement climatique sur un large spectre de pathologies. Des enjeux essentiels qui nous font sentir tout penauds face à une nature malmenée.

Selon des données cliniques relevées par des chercheurs partout dans le monde, plus de 60 % des gens consultés pensent que la pluie et la température aggravent leurs symptômes d’arthrose. Vraiment ? Le temps influe sur nos rhumatismes ? Non, selon certaines études qui démontrent que l’on est plus attentif à ses douleurs les jours de pluie, alors qu’elles se manifestent tout autant lorsqu’il fait beau. Louis Bessette, rhumatologue au Centre de recherche du CHU de Québec, estime que, lorsqu’il fait froid ou qu’il pleut, les gens restent à l’intérieur et bougent peu. C’est l’inactivité et non la température froide et l’humidité, qui exacerberait la douleur. Cependant, il n’exclut pas que les différences de pression barométrique puissent affecter les nerfs de la membrane qui tapisse l’intérieur des articulations, augmentant ainsi la sensation de douleur là où elle est déjà inflammée. La recherche continue à explorer les effets du climat sur notre squelette.

De même, la pression atmosphérique agirait sur notre moral. Le météorologue Louis Bodin affirme dans son livre que nous sommes « tous météo sensibles ». Certes, culturellement, on a toujours associé le soleil vénéré au bien-être, et les jours d’hiver à une grosse envie d’hiberner, ce qu’on appelle « l’anergie saisonnière ». Mais là encore, les études scientifiques peinent à mettre en évidence une relation claire entre climat et moral, même si une partie de la population est effectivement atteinte d’un syndrome de météo sensibilité, qui se manifeste par des symptômes tels qu’apathie, irritabilité, dépression, baisse de libido ou somnolence…

— Météo et naissances —

Il fait trop froid ou trop chaud ? Entre 6 et 20 % de bébés naissent prématurément, avec des conséquences sur la santé des nouveau-nés et leur prise en charge.

Étés meurtriers

Depuis le temps qu’on vous répète que le soleil est mauvais pour la peau, on ne va pas s’appesantir sur les risques encourus par une exposition excessive, en plein cagnard, notamment avant l’âge tendre de 15 ans. Certains d’entre nous consomment du soleil sous prétexte d’obtenir une bonne mine – ah, le bronzage synonyme de santé, un cliché à la peau dure – et de synthétiser la vitamine D, qui, en particulier, favorise l’absorption du calcium par l’intestin grêle et participe au maintien d’un bon taux de calcium et de phosphates dans le sang, essentiels pour la formation, la croissance et la réparation des os. Mais nous nous exposons beaucoup trop au soleil et, par conséquent, à des risques de cancers de la peau.

Quand il fait chaud au point que vous avez l’impression que votre cerveau se transforme en slime, votre corps transpire pour contrôler votre température interne, mais ça ne suffit pas toujours comme mécanisme d’adaptation. Stress thermique sévère, aussi appelé « coup de chaud », et déshydratation peuvent conduire à des complications fatales chez les personnes fragiles, atteintes de pathologies sous-jacentes (cardiovasculaires, respiratoires, rénales…) aggravées par la chaleur : la fonction d’un organe (cœur, poumon, rein…) peut alors être gravement atteinte. La canicule de 2003 a engendré une surmortalité estimée à 70 000 décès en Europe, et environ 15 000 décès en France. « Jusqu’alors ce facteur « environnemental » n’était pas vraiment dans le radar des autorités sanitaires et environnementales, nous rappelle le journal universitaire The conversation. Aucune agence sanitaire ou service de l’État en lien avec la santé n’était alors, en France, réellement chargée de « surveiller » la survenue d’une canicule en coordination avec Météo France, situation qui a depuis changé. » Heureusement car, dans les prochaines années, la multiplication des vagues de chaleur semble inévitable. Et la solution n’est certainement pas la clim, conclut l’article qui analyse et tire les leçons de l’hécatombe de 2003.

Il est aujourd’hui primordial d’inscrire la prévention dans une démarche plus large d’adaptation au changement climatique, comme le souligne le bulletin épidémiologique hebdomadaire de Santé publique France, de s’informer et de diffuser l’information auprès des personnes vulnérables.

Maladies respiratoires, cardio-vasculaires, infectieuses, etc. : quand ça chauffe, ça flambe !

Le réchauffement climatique est à l’origine d’une augmentation de la production d’ozone qui affecte les personnes souffrant de pathologies respiratoires chroniques du fait de son pouvoir oxydant et inflammatoire. Ce gaz agressif pénètre jusqu’aux voies respiratoires les plus fines et facilite aussi le passage d’autres allergènes et polluants. Les effets les plus immédiats sont l’irritation des yeux, de la gorge, du nez… et mènent à une diminution de la fonction respiratoire, une augmentation de la susceptibilité aux infections et une fatigue cardiaque. Cette pollution peut favoriser le cancer du poumon et certaines maladies cardiovasculaires, mais aussi « exacerber » ou provoquer des maladies respiratoires comme l’asthme. Et les pics de pollution estivaux ne sont pas les plus toxiques : Bruno Housset, président de la Fédération française de pneumologie, rappelle que l’exposition à la pollution atmosphérique tout au long de l’année (ou pollution de fond) l’est encore plus.

Si on ne se chope pas un emphysème avec tout ça, on récoltera peut-être quand même des troubles mentaux. Une étude britannique, publiée dans la revue Psychiatry Research, a montré, début 2019, que des enfants de 12 ans exposés à un air pollué au dioxyde d’azote auraient 3 à 4 fois plus de risques d’être dépressifs à 18 ans (article réservé aux abonnés). Le cerveau en développement, exposé à cet air vicié, serait soumis à une réaction inflammatoire propice à de futurs troubles mentaux.

Autre effet prévisible de la chaleur : l’évolution des systèmes infectieux. L’élévation des températures augmente le risque d’extension d’agents pathogènes tropicaux vers les régions aujourd’hui tempérées de l’hémisphère nord. Ajoutez-y des inondations qui favorisent la transmission des virus de la dengue et du Nil occidental, ou de la bactérie du choléra, et youpi ! Mais, sans imaginer le pire, les périodes de production de pollens en tout genre s’allongent avec, comme résultat, une augmentation des allergies respiratoires et notamment des rhinites allergiques.

Les événements naturels extrêmes, amenés à se multiplier à l’avenir, n’auraient pas que des conséquences physiques mais pèseraient aussi sur les esprits : ainsi, non seulement la canicule rendrait plus agressif mais encore elle pourrait faire flamber certaines maladies mentales comme la schizophrénie. Le nombre de suicides augmenterait lors des vagues de chaleur, que l’on attend deux fois plus nombreuses d’ici 2050, sans parler des lourds impacts sur le psychisme du stress post-traumatique dû aux migrations forcées et aux catastrophes climatiques.

Fumer tue, le froid y contribue

Le virus de la grippe se propage dans la population lorsque la température baisse soudainement autour de 0° C et que l’air s’assèche, ce qui rend les microparticules transportant les virus plus légères et volatiles. Une fois installée, peu importe la météo, l’épidémie progressera. C’est la démonstration de chercheurs de l’université de Gothenburg, en Suède. Que l’on se rassure, un temps froid et sec n’est pas suffisant. Il faut que le virus soit présent et qu’il y ait un nombre suffisant de personnes à contaminer. Voyez le topo ? Ça vous rappelle quelque chose ? Un ange passe…

Les mécanismes physiologiques thermorégulateurs déclenchés par le froid mettent en jeu les systèmes nerveux, endocrinien, cardiovasculaire et respiratoire. Baisse de la température ? L’Institut de veille sanitaire répond « accidents vasculaires cérébraux », « crise d’angine », « crise d’asthme », « gelures », « engelures », « hypothermie », « décompensation du diabète », « dérèglement de la thyroïde » et rappelle que le laps de temps entre l’exposition au froid et le déclenchement de la pathologie varie de quelques minutes à quelques heures, voire quelques semaines pour une dépression nerveuse. Le profil type des personnes à risque pour ce genre de pathologie est une femme, âgée, de faible niveau social, dans un logement mal chauffé et/ou souvent dehors, sachant que le vent décuple la sensation de froid et ses méfaits.

Si vous êtes stressé et fumeur, le froid est le 3e facteur favorisant un infarctus du myocarde. Pour protéger votre cœur en hiver contre le risque cardio-vasculaire, suivez les conseils de la Fédération française de cardiologie. Pour les autres, vous pouvez toujours subir les effets indirects d’une vague de froid : traumatismes liés au verglas ou à la neige, post-chutes ou post-accident de la circulation ou post-coupure d’électricité, intoxications au monoxyde de carbone, brûlures liées à l’utilisation de moyens de chauffage défectueux ou dans des endroits fermés et non ventilés, difficultés physiques d’accès aux soins… Tout comme pour les extrêmes chaleurs, quand le froid est de loup, l’anticipation des conséquences sanitaires passe par la recherche et la prévention des risques, et la mise en place d’un dispositif national.

Sortir par tous les temps

Le commun des mortels, simplement sensible au temps, a tout de même besoin de lumière et de chaleur, dont le manque laisse sans énergie. En effet, lorsque la luminosité est plus faible, notre cerveau produit moins de sérotonine, un peu rapidement appelée « hormone du bonheur » et plus de mélatonine, aussi appelée « hormone du sommeil ». Résultat ? Une envie d’hiberner, que l’on peut heureusement prendre en charge par des séances de luminothérapie plutôt qu’avec des antidépresseurs. Au quotidien, laissez entrer un maximum de lumière chez vous, faites de l’exercice physique en extérieur, méditez… Le psychiatre Christophe André recommande, dans sa chronique de France Inter, d’aimer toutes les météos, de « construire nous-même au mieux notre bien-être intérieur, et notre météo mentale ».

Effets indirects sur la qualité de l’air, de l’eau, des sols, les impacts du changement climatique sur la santé dépendent d’une multitude de facteurs individuels, sociétaux et environnementaux qui sont imbriqués. Les liens entre météo et santé doivent être mieux compris pour mieux anticiper les risques et adapter nos sociétés, dont les populations précaires sont particulièrement touchées : système de soins, d’information, modes de vie et d’habitat… Ce qui implique la coopération et coordination de disciplines diverses (sciences biomédicales, sciences humaines, sciences du climat, écologie, épidémiologie, santé publique, etc.) en vue d’une prévention hautement nécessaire.

En attendant, quand il y a de l’orage dans l’air, plutôt que de penser au nombre de crises d’asthme que cela va déclencher chez les plus de 70 ans, j’attends la pluie. L’air est frais, les pollens sont plaqués au sol et l’oxygène entre mieux dans les poumons. Une journaliste présentatrice météo explique même que, stimulée par les éclairs, l’eau des orages devient électriquement chargée et dynamique : elle serait capable de nourrir les cellules en profondeur et de renforcer le système immunitaire. Bon, je n’ai retrouvé aucune trace d’étude sur les propriétés stimulantes de l’eau d’orage, vantées sur certains sites qui se nourrissent plus d’imaginaire que de science. Mais rien de tel qu’une petite marche méditative sous une pluie légère pour refaire le plein d’énergie !

POUR ALLER PLUS LOIN

• Comprendre l’enjeu du changement climatique pour la santé (PDF)

Changement climatique et santé mentale, un lien encore peu exploré

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