Bonne année à tous les enrhumés, arthritiques, acnéiques et tant d’autres, et bonne santé ! Grâce au pouvoir des huiles essentielles ? Pourquoi pas, mais à condition de ne pas « bricoler » et de respecter quelques modalités et précautions d’usage.

Une rumeur décortiquée

Parfois, des rumeurs éclosent et enflent, notamment sur internet. L’une d’elles, lancée l’année dernière au printemps par Guillaume Chopin de l’association Santé naturelle, prétendait que les huiles essentielles allaient être interdites à la vente libre. Moi qui, dès les premiers frimas, carbure à l’huile essentielle de ravintsara, vous imaginez bien que mon sang n’a fait qu’un tour. Si la presse en a parlé c’est que l’intox a bien tourné, avec une pétition signée plus de 180 000 fois. Oui, intox, un article des Décodeurs du Monde explique pourquoi la rumeur « menaces sur les huiles essentielles » est infondée.

— Retour sur cette rumeur —

Monsieur Chopin, l’auteur de la pétition, dénonce la mise en demeure d’une société du Lubéron pour avoir expliqué clairement sur [son] site les bienfaits de chacune des huiles essentielles [vendues], leurs origines, leurs propriétés, leurs vertus ! Selon lui, quinze huiles essentielles ont déjà été « interdites à la vente libre » en 2007, en les réservant aux seuls pharmaciens, toutes ces décisions visant finalement à empêcher la vente des huiles essentielles et les Français de profiter de « leurs incroyables bienfaits ».

Or, outre les erreurs et approximations accumulées tout au long de l’argumentaire, celui-ci oppose les méchants et les gentils, le lobby pharmaceutique promoteur de l’allopathie dure et les médecines douces et naturelles dont on veut nous priver. Très manichéen tout ça, d’autant que les réglementations reconnaissent bien les effets potentiellement bénéfiques des huiles essentielles. Elles tiennent simplement aussi compte du fait que mal utilisées ces dernières peuvent se révéler dangereuses. C’est pour notre bien que certaines ne peuvent être délivrées que par les pharmaciens !

L’ANSM a publié sur son site un guide sur les huiles essentielles qui recense les principales informations sur la question.

Des infos fausses ou… inexistantes

Virginie Brevard, aromathérapeute et docteur en pharmacie, insiste sur une attitude responsable : On parle de médecine douce mais ça n’a rien de doux ! Dans « aromathérapie  », il y a -thérapie, pour soigner.
Des entreprises surfent sur la vague et développent leur production d’huiles essentielles. Une littérature abondante vulgarise le sujet, mais avec des indications douteuses.
Dans ce contexte de surinformation derrière l’écran, à une époque de « greenwashing » où les huiles essentielles sont vendues partout, pas encore dans les grandes surfaces de bricolage, mais le contraire ne serait pas étonnant, notre experte déplore le manque de conseil et d’encadrement de leur utilisation : Avoir des « notions » ne suffit pas, il est nécessaire de maîtriser un bagage médical pour bien pratiquer les huiles essentielles et aller au bout du conseil.
Quand j’achète mon ravintsara en grande et moyenne surface, personne ne me pose les questions primordiales : est-ce que j’ai une peau fragile / allergique / sensible ? Est-ce que j’ai des problèmes digestifs ? Personne non plus pour me donner des conseils malins : les gouttes d’huile essentielle dans une boulette de mie de pain ou dans des gélules mises au froid pour atténuer les inconvénients tels que par exemple les remontées de ravintsara dans la journée, burp.
Mais un petit relent de plante, ce n’est pas si grave, tandis qu’une utilisation hasardeuse des huiles essentielles, c’est au moindre mal obtenir une inefficacité, au pire aller au-devant d’effets indésirables dangereux. Par exemple moi, avec mon ravintsara contre le nez qui coule, je le diluais beaucoup trop sur la peau avec de l’huile végétale de coco qui, bien trop grasse, l’empêche de pénétrer rapidement dans le sang pour agir… J’aurais pu en écluser des boîtes de mouchoirs en papier avant que ça ne fonctionne ! L’entretien avec une professionnelle foisonnante de conseils pertinents me paraît tout à coup quand même incontournable.

Comment utiliser les huiles essentielles ?

Outre les précautions d’emploi ci-après à lire de près, elle m’explique les différents modes d’utilisation des huiles essentielles – voie orale, voie cutanée, voie olfactive – qui divergent parfois d’un pays à l’autre. Ainsi saviez-vous que jamais une huile essentielle n’est ingérée dans les pays anglosaxons qui privilégient le cutané et l’olfactif ?
La voie d’administration la plus efficace selon la problématique a aussi une importance capitale. Sur certaines affections psychiques et émotionnelles, ce sont les molécules chimiques volatiles qui vont aller titiller le cerveau limbique, siège des émotions, grâce à l’olfaction. Le mieux est d’acheter un diffuseur, mais on peut aussi mettre un bol d’eau chaude comportant des gouttes d’huile essentielles sur le radiateur. Pas indiqué en revanche pour les personnes asthmatiques, et attention aux enfants qui pourraient boire le contenu du bol. Surtout, pensez à bien aérer les pièces entre les diffusions pour renouveler l’air.
Un virus vous guette ? Exclusivement réservée aux adultes, la voie orale, avec un passage direct des molécules dans le sang, agit au niveau physiologique pour faire barrage à l’infection virale. En prévention, deux gouttes de l’huile essentielle qui vous aura été préconisée dans une cuillère de miel ou sur un cachet neutre deux fois par jour pendant 15 jours, en alternant avec 15 jours sans huile essentielle ; avec ça normalement vous passerez au travers des affections d’hiver. Rhume déclaré ? On bombarde avec une goutte de ravintsara et une goutte de niaouli 3 fois par jour pendant 3 jours. Ces deux huiles essentielles ont des précautions d’emploi ; demander conseil auprès d’un spécialiste.
L’avantage de l’application cutanée, quant à elle, est de ne pas subir le goût parfois fort de l’huile essentielle (reburp). Du coup, je peux appliquer une dizaine de gouttes d’un mélange huile d’amande douce (7 ml) / huile essentielle de ravintsara (90 gouttes), deux fois par jour, direct dans le pli du coude ou sur la plante des pieds sans problème ; ça n’en sera que plus efficace côté prévention. Pour stopper un rhume et éviter la prolifération microbienne, voici la synergie : une dilution à 50 %, soit 5 ml d’huile végétale, 75 gouttes de Ravintsara et 75 gouttes de Niaouli, sera préconisée ; masser sur le torse, au plus près de la sphère ORL, 20 gouttes du mélange toutes les heures le premier jour (6 à 8 fois par jour). On baissera ensuite la fréquence. Sur une brûlure en revanche, l’administration de l’huile essentielle de lavande aspic se fera sur la peau, à l’aide d’un corps gras, pour que l’action reste superficielle et que les actifs ne pénètrent pas instantanément.

— Précautions d’emploi des huiles essentielles —

• ne jamais injecter une HE

• ne jamais instiller une HE, pure ou diluée, dans l’œil ou les oreilles

• ne jamais appliquer une HE pure sur les muqueuses nasales, ano-génitales : toujours diluer l’HE avec une huile végétale ou une crème

• chez la femme enceinte :

– lors du premier trimestre de la grossesse, contre-indication absolue d’utiliser les HE ;

– lors des deuxième et troisième trimestres de grossesse, interdiction d’appliquer une HE sur la ceinture abdominale.

– interdiction d’utiliser des HE contenant des cétones, molécules neurotoxiques et abortives.

– toujours demander l’avis d’un spécialiste en aromathérapie

• ne pas donner d’HE par voie orale chez un enfant de moins de 6 ans

• ne pas faire d’inhalations aux HE chez une personne asthmatique ou épileptique

• pour les personnes allergiques, toujours réaliser un test cutané avec l’HE que l’on veut utiliser : appliquer 1 à 2 gouttes d’HE dans le pli du coude et attendre 45 minutes. Vérifier l’éventuelle réaction qui interdira ou non l’usage de l’HE. Si une réaction allergique ou rougeur apparaît, appliquer une huile végétale pour adoucir et réparer.

A noter : les dosages pour un usage cosmétique sont plus bas, de l’ordre de 1 %.

Attention, certaines huiles essentielles sont photosensibilisantes comme les essences d’agrumes, Khella et Angélique. Ces huiles essentielles réagissent avec le soleil et laissent des traces indélébiles. Evitez de vous exposer au soleil pendant au moins 6 heures après l’application ou l’ingestion. Plus grave, d’autres sont dermocaustiques et irritantes, d’autres encore hépatotoxiques, néphrotoxiques, neurotoxiques. Tous ces -toxiques, vous non plus ça ne vous dit rien qui vaille ? Eh bien c’est comme les champignons, si vous avez un doute, vous demandez au pharmacien !

Reste qu’une fois bien en tête les principes de manipulation des huiles essentielles, comme toujours se laver les mains après usage – au cas où il vous prendrait l’envie de vous frotter les yeux par exemple -, les huiles essentielles sont bien utiles. J’ai demandé à Virginie Brevard de constituer, pour les lecteurs et lectrices du magazine Apivia Prévention, une petite trousse d’huiles essentielles. Merci à elle !

Mon kit d’huiles essentielles… essentielles !

On les choisira bio, pas un argument marketing, mais l’assurance de ne pas récupérer des fongicides ou pesticides dans son huile essentielle.

L’odeur sucrée du petit grain bigarade est rassurante. Cette HE contient des esters décontractants et du linalol qui agit sur les angoisses. Destinée à toute la famille, elle est préconisée pour les maux de ventre car c’est un antispasmodique et pour les difficultés d’endormissement. Pour apaiser un enfant, massez-lui le ventre ou la plante des pieds avec 3 gouttes d’huile essentielle de petit grain bigarade diluée dans de l’huile végétale d’amande douce, de jojoba ou de noyau d’abricot. Et si vous envisagez de déposer 1 à 2 gouttes sur son oreiller ou sur son doudou (on a dit une ou deux, pas cinq !), validez que l’odeur est appréciée et apprenez à l’enfant à respirer lentement et profondément.

Mal des transports, troubles digestifs ? La menthe poivrée est votre alliée, il suffit d’ingérer une goutte sur un bout de pain ou un morceau de sucre, à renouveler si besoin deux heures plus tard. Vous apprécierez aussi son effet coup de fouet mais attention si vous êtes sujet à l’hypertension.

Virginie Brevard rappelle que c’est le 1er jour des symptômes qu’il faut verrouiller. Alors dès que ça grattouille la gorge, vite une goutte de tea-tree dans une cuillère de miel 6 fois par jour, puis on descendra à 3-4 fois par jour le 2ème jour et ainsi de suite.

Pour tout ce qui brûle, tout ce qui pique, la lavande aspic ! Sur une piqûre d’insecte, une goutte d’huile essentielle (pure dès 6 ans, diluée avec de l’huile végétale pour les plus jeunes) permet d’agir sur la douleur, sur la propagation du venin et aide à la cicatrisation. A renouveler en fonction de l’intensité du prurit.

En prévention contre les poux, on préférera la lavande vraie, exempte de camphre donc à privilégier pour les personnes sujettes aux convulsions ou à l’épilepsie. On peut aussi pulvériser une eau florale de lavande vraie sur la chevelure.

A savoir, lavande vraie et tea-tree sont de bons désinfectants, mais sur une coupure on utilisera du géranium rosat, hémostatique donc plus pratique quand on vient de s’entailler en cuisine et qu’il y a encore tout ça de pommes de terre à couper en frites !

Amis sportifs, votre huile essentielle est l’eucalyptus citronné, anti-inflammatoire, antalgique, elle fait dégonfler les œdèmes. Son avantage sur la gaulthérie, souvent plus connue, est que cette dernière est contre-indiquée en cas d’allergie à l’aspirine ou en cas de prise de fluidifiant sanguin. Joueur(se) de rugby, adepte de la boxe ou tout simplement maladroit(e) du genre à se coincer le doigt dans la porte ? Ayez le réflexe hélichryse italienne, une à trois gouttes quand il y a eu choc, ou en mélange avec de l’eucalyptus citronné en cas d’entorse ou de claquage (5 gouttes de chaque + 10 gouttes d’huile végétale).

Et mon cher ravintsara, me direz-vous, la goutte au nez, bah oui vous auriez dû penser à stimuler vos défenses immunitaires avant d’arriver au bout de cet article. Certes, le ravintsara fonctionne nickel comme on l’a vu plus haut. Mais Virginie m’apprend que d’autres huiles essentielles (thym à linalol, palmarosa ou eucalyptus radié) sont tout aussi efficaces que le ravintsara qui est une plante endémique de Madagascar. Finalement, on est en train de la piquer aux Malgaches… Là aussi, une question de responsabilité !