On fait bien peu de cas de la souffrance des femmes au moment des règles, comme si c’était normal. C’est d’autant plus absurde et regrettable qu’on sait y remédier et qu’elle peut être le symptôme d’une maladie évolutive grave.

A l’origine de douleurs invalidantes chez certaines patientes et cause non négligeable d’infertilité, l’endométriose est une maladie gynécologique fréquente qui touche au moins dix pour cent des femmes en âge de procréer. Pourtant, on n’en parle pour ainsi dire jamais, au point que le corps médical lui-même semble en ignorer l’existence. Cent cinquante ans après la découverte de cette affection, il y a de quoi se poser des questions.

Une muqueuse encore taboue ?

Parfois asymptomatique et sans conséquence, parfois assortie d’une terrible souffrance  et de séquelles, l’endométriose se présente d’une infinité de façons, ce qui n’aide certes pas au diagnostic et n’a pas encouragé à l’étudier. Sans doute a-t-on aussi négligé ce dysfonctionnement parce qu’il n’est pas mortel et finit par disparaître comme il est arrivé, en même temps que les règles. On touche certainement là au cœur du problème. Cette pathologie est intimement liée au cycle menstruel et fait l’objet du même tabou.

De nos jours encore, dans notre société, on évoque le plus souvent les menstruations avec une certaine gêne, comme si ce phénomène, ô combien naturel, avait quelque chose de honteux. Ce devrait être tout le contraire, car, faut-il le rappeler, les bébés ne sortent ni des roses ni des choux, mais d’un cocon douillet, l’utérus, dont la paroi évolue au cours du cycle ovarien afin de permettre la nidification. De la puberté à la ménopause, au gré des variations hormonales, cette muqueuse, l’endomètre, s’épaissit tous les mois pour accueillir un éventuel embryon. En l’absence de fécondation, ces tissus se désagrègent et s’évacuent par le vagin dans un flux sanguin. C’est ce qu’on appelle les règles.

Quand l’endomètre va voir ailleurs et fait mal

On ne sait pas bien pourquoi ni comment, mais chez les patientes atteintes d’endométriose, des fragments de l’endomètre migrent en dehors de la cavité utérine et colonisent des organes voisins, engendrant des lésions, des kystes et autres nodules plus ou moins profonds. En général, ils se greffent sur les ligaments qui soutiennent l’utérus, au niveau des trompes de Fallope, sur les ovaires ou dans le vagin. Avec le temps, ils peuvent s’étendre aux systèmes urinaire (vessie, rein) et digestif (intestin, rectum), au péritoine, voire à des organes aussi lointains que les poumons. A cet égard, même si l’endométriose n’a rien d’un cancer, sa propagation évoque des sortes de métastases.

schema.endometrioseL’endometriose – Blausen gallery 2014, Wikiversity Journal of Medicine

Où qu’elles s’installent dans l’organisme, les cellules endométriales continuent de croître et de disparaître au rythme des hormones féminines. C’est tout le problème. Chaque mois, elles créent des cicatrices fibreuses et occasionnent des hémorragies, qui, faute d’être évacuées, comme le sont les règles, entraînent d’intenses réactions inflammatoires. C’est ce qui explique des dysménorrhées, [ Déf : ces douleurs qui précèdent, accompagnent ou suivent la menstruation ], parfois vives à en perdre connaissance. A terme, les douleurs pelviennes peuvent devenir chroniques, car l’accumulation de tissus cicatriciels et de sang dans l’abdomen crée des adhérences qui empêchent la mobilité des organes. En fonction de l’emplacement des lésions, une patiente peut aussi ressentir des douleurs lors des rapports sexuels, à l’évacuation des selles ou encore à la miction et cette liste n’est pas exhaustive.

Micrographie de l'endométriose de l'ovaire - Micrographie de l’endométriose de l’ovaire, © 2010 Michael Bonert

La douleur et/ou l’infertilité, des hormones et/ou la chirurgie

Ces signes cliniques devraient mettre les médecins sur la piste de l’endométriose, et pourtant… Les femmes qui consultent pour de telles douleurs, n’obtiennent en moyenne un diagnostic qu’après sept ans d’errance médicale, autrement dit d’abandon des patientes à leur calvaire. D’autres femmes au contraire, parfois à un stade avancé de la maladie, n’ont jamais ressenti aucune gêne. Quand l’endométriose a ainsi tissé sa toile de façon indolore, il peut arriver qu’on la détecte fortuitement, à l’occasion d’un examen radiologique ou d’une intervention chirurgicale, mais le plus souvent, ce sont les difficultés à tomber enceinte qui attirent l’attention sur l’état des trompes et des ovaires. La douleur et l’infertilité constituent donc les deux grands symptômes de cette maladie. Ce sont aussi deux critères importants dans le choix du traitement, étant entendu que l’endométriose se soigne, mais ne se guérit pas.

La première option thérapeutique est hormonale. L’endométriose étant liée aux cycles menstruels, il suffit d’empêcher les règles (aménorrhée) pour atténuer les douleurs et ralentir la progression des lésions. Une pilule contraceptive prise en continu, un stérilet libérant des hormones ou des injections régulières peuvent considérablement améliorer le confort de vie. Bien évidemment, cette approche thérapeutique est inconciliable avec un projet de grossesse à court terme.
En deuxième intention, des traitements plus lourds existent, sous forme d’hormones, qui agissent sur les ovaires ou l’hypophyse, et induisent une ménopause artificielle, avec son lot de désagréments (bouffée de chaleur, prise de poids, acné, risque d’ostéoporose…). Le rapport bénéfice/risque de cette méthode est un peu plus débattu.

L’autre option est chirurgicale. On y vient généralement quand l’hormonothérapie a échoué, mais tout dépend des circonstances. Ce choix peut ainsi s’imposer lorsqu’une patiente ne souffre pas outre mesure, mais peine à procréer, ou à l’inverse dans celui d’une mère, certaine qu’elle ne veut plus d’enfant et qui, par-dessus tout, n’en peut plus d’avoir mal. Dans le premier exemple, on aura certainement recours à la cœlioscopie, l’intervention la moins invasive possible. A l’aide d’une caméra et de minuscules instruments introduits dans l’abdomen par de petites d’incisions, il s’agira de détruire les plaques endométriosiques et d’extraire des kystes en préservant les organes atteints. Dans le second cas, si la personne a plus de quarante ans et a tout essayé en vain, on envisagera sans doute l’ablation de l’utérus (hystérectomie) voire des ovaires.

Surtout, surtout, en parler

En clair, vu l’infinité de situations, il n’y a pas de traitement universel évident de l’endométriose. Dans ces conditions, on ne saurait trop vous recommander de multiplier les avis médicaux et de vous faire répéter autant de fois que nécessaire les tenants et aboutissants des traitements proposés.

Avant d’en arriver là, encore faut-il se décider à consulter. On le répète, quoi qu’en dise parfois l’entourage ou même le personnel de santé : il n’est pas normal et encore moins acceptable de souffrir tous les mois. Si vous êtes dans ce cas de figure, courez chez le médecin, il n’est jamais trop tard.

Si votre fille se plaint de douleurs au bas-ventre, n’allez pas vous imaginer que c’est pour sécher l’école, qu’elle fait son intéressante. Prenez-la au sérieux et dès la première alerte, aussi minime soit-elle : courez chez le médecin. Dernier conseil enfin, si votre interlocuteur a l’air de dire que vous êtes douillette, que vous vous écoutez trop, ou s’il argue que les règles ça fait un peu mal, qu’il faut se faire une raison, et bien courez… chez un autre médecin.

POUR ALLER PLUS LOIN

• Les associations : EndoFrance, Endomind, Ensemble contre l’endométriose, Lilli H et Mon endométriose – ma souffrance
• La plateforme d’information et de suivi des patientes : endométriose objectif 2020
• La synthèse scientifique de l’INSERM
• Un panorama assez complet des traitements sur gynecomedic.com

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