Dodo à 21 h après une histoire et un câlinou, et votre angelot se réveille frais et dispo dix heures plus tard pour entamer une bonne journée d’école. Ça, c’est dans un monde idéal. Mais dans le monde réel, est-ce si simple ?

Normalement on est tous bien éveillés aux bonnes pratiques du sommeil, mais c’est comme manger cinq fruits et légumes par jour, on sait qu’il faut, mais on ne le fait pas… Pourtant, le sommeil des plus jeunes est précieux.

Bien dormir pour bien grandir

Le sommeil permet de récupérer, tandis que de nombreuses fonctions mentales et physiques se mettent en route. Chez l’enfant, celles-ci sont particulièrement importantes pour son développement.
Les différents stades de sommeil, on les connait tous plus ou moins : un sommeil lent, léger d’abord, puis profond. Mais on connaît moins leurs fonctions. C’est en sommeil profond qu’est produite l’hormone de croissance – il faut savoir le reconnaître pour ne pas le perturber. Si les stades de sommeil profond sont supprimés, l’hormone de croissance n’est pas sécrétée. Cette hormone favorise, outre la croissance, la réparation des tissus et des cellules usées.
Enfin, le sommeil paradoxal, celui pendant lequel on rêve, est caractérisé par une grande activité cérébrale et une véritable paralysie du corps, par des mouvements des muscles du visage et des mouvements oculaires rapides, à connaître aussi pour ne pas le casser sous peine de perturber les fonctions de ce stade : mémorisation et organisation des informations acquises dans la journée, résolution des tensions accumulées…
Entre deux cycles, le sommeil redevient très léger (période intermédiaire) et des éveils nocturnes peuvent survenir, surtout chez les petits enfants et les personnes âgées.

La meilleure façon de s’éveiller, c’est spontanément, c’est-à-dire lors d’une période intermédiaire. Et si l’on doit être réveillé artificiellement, c’est moins grave de casser le sommeil lorsqu’il est léger. Ça vaut donc le coup de retenir qu’un cycle compte 1h30 (un peu moins chez les enfants) et de tenter de se coucher à heure fixe pour se programmer. C’est pour cela que c’est plus simple à appliquer dans la vie des enfants, ceux-ci étant rassurés par la routine.

Alors justement qu’est-ce qui les angoisse ces petits, et rend l’heure du coucher parfois… cauchemardesque ?

Des difficultés pour aller dormir ?

Aller se coucher, c’est se séparer de papa et maman et se retrouver tout seul dans le noir avec ses peurs d’enfant et ses petites angoisses. D’où un stress qui se manifeste soit par un comportement de ventouse, cramponné à vous ou au doudou, avec mille et un rituels immuables, soit par un état d’excitation qui finit souvent en pleurs. Gardons en tête qu’un enfant qui pleure évacue les tensions accumulées, ce n’est pas grave et ça prépare au sommeil. On ne vous dit pas qu’il faut les faire pleurer, bien sûr, mais en tout cas ne pas s’alarmer et surtout les entourer de bienveillance !

Certains ont opté pour le « co-dodo » et couchent leur petiot dans le même lit qu’eux. Aïe, aïe, aïe ? La question fait débat, avec les « pour », comme le psychiatre David Servan-Schreiber, et les « contre », comme le psychanalyste Claude Halmos. N’oublions cependant pas que de bons parents c’est d’abord des individus heureux, épanouis, qui ont eux aussi droit à du temps pour eux et une vie sociale, de couple…

Pour les plus petits, les rituels sont importants. Pour éviter le drame, si pour une raison x ou y vous ne pourrez pas être présent au moment du coucher, prévenez Boubou dès le matin et assurez-lui que vous viendrez lui faire un bisou dans son sommeil. En temps normal, après le rituel du coucher, quittez la chambre. Si l’angoisse de séparation est trop forte, revenez le voir en espaçant les visites. Votre enfant comprendra que vous êtes à côté et s’endormira serein.

Attention aussi aux biberons de lait ou d’eau sucrés, une catastrophe pour les dents. Et last but hélas not least, le doudou-biberon d’un nouveau type : l’écran de smartphone ou de tablette, merveilleuse berceuse/baby-sitter n’est-ce pas ? Le lien entre usage excessif des écrans et mauvais sommeil est avéré. « Les activités interactives mettent les jeunes dans un état de tension et d’excitation qui va à l’encontre du ralentissement qui devrait prévaloir à l’instauration du sommeil », souligne la pneumologue Maria Pia d’Ortho pour l’Institut national du sommeil et de la vigilance (INSV).

Douce nuit…

La base : tous les enfants ont besoin de se sentir en sécurité. Donc, on prend un petit temps calme pour discuter avec eux, en étant disponible et attentif au cas où une question ou une contrariété doit être abordée. Certains soirs, on aura fait un jeu, parfois même une bataille d’oreillers, histoire de bien relâcher les tensions et surtout on rigole, effet secondaire relaxant garanti ! Ensuite il est temps de se mettre en condition, avec du calme, de l’obscurité – veilleuse douce autorisée, pourquoi pas quelques pschitts de brume d’oreiller ou une goutte d’huile essentielle de lavande, apaisante, et une atmosphère tempérée.

Pour coucher vos ados, on ne peut que vous souhaiter bon courage car leur cerveau est ainsi fait qu’ils ont du mal à s’endormir avant 1 h du matin. En revanche, tenez bon sur l’absence d’écran dans la chambre ou un couvre-feu de connexion à partir d’une certaine heure. Ce n’est pas parce que c’est difficile qu’on n’ose pas, c’est parce qu’on n’ose pas que c’est difficile, comme disait ce vieux Sénèque. Vous, vous savez que pour s’endormir, le fait de lire, réfléchir ou ne penser à rien, c’est bon pour les neurones. Les enfants et leurs neurones vous remercieront, plus tard…

Pas terrible non plus d’aller se coucher avec le ventre trop plein. On essaie de privilégier les aliments qui stimulent la sécrétion d’hormones sédatives comme la banane, le lait, la dinde, l’ananas, les œufs, les dattes, les noix, la laitue, les fruits de mer, le poisson, les noix, les amandes. Oui aux glucides, sucres lents et apaisants type riz complet, quinoa, sarrasin, légumineuses (lentilles, pois chiche), et oui aux légumes et aux fruits. Non aux excitants, sodas sucrés, aux aliments gras, et à la viande rouge, censée donner un coup de fouet. Peu compatible avec la délicate Morphée. Bien sûr, dans tous les cas, un petit temps de digestion est souhaitable avant la position allongée.

On ne peut pas obliger à dormir, mais on peut favoriser l’endormissement avec du bon sens. D’ailleurs, exiger trop d’heures au lit d’un enfant qui n’en a ni besoin ni envie, peut créer chez lui une véritable aversion au coucher. Pour connaître ses besoins en sommeil, il faut noter plusieurs jours de suite, par exemple pendant les vacances scolaires, l’heure d’endormissement et l’heure d’éveil spontané, et essayer de donner à chacun le temps dont il a besoin. Votre enfant est en forme pendant la journée ? Il a sûrement son quota. En revanche ne pas lui donner les conditions de temps de sommeil suffisant risque de le priver d’activités précieuses pour sa croissance et son développement. Alors, sachons détecter les signes d’un cerveau d’enfant mûr pour aller dormir, bâillements, yeux frottés…

Surtout, ne jamais aborder l’heure du coucher comme un problème ou pire, une punition, du genre: « Si tu n’es pas sage, c’est au dodo tout de suite ! » Au contraire, si on leur présentait le fait de dormir comme un délicieux moment d’abandon ? Pas au sens de séparation mais de lâcher-prise, une séance de régénération, comme les super héros par exemple, ou un art de vivre heureux, les yeux fermés !

Enfin, comme les adultes, les enfants peuvent être touchés par des troubles du sommeil. Si les difficultés d’endormissement subsistent, si les cauchemars et les angoissent nocturnes deviennent quotidiens, en cas d’insomnie récurrente, il faut consulter un professionnel de santé, qui pourra évaluer, diagnostiquer et résoudre des problèmes de sommeil.

— Les durées nécessaires de sommeil —

Selon la National sleep foundation (NSF), l’organisme américain visant à promouvoir l’éducation au sommeil, la durée de sommeil, par nuit, serait de :
– 11 à 14 heures pour les bambins de 1 à 2 ans
– 10 à 13 heures pour les enfants de moins 5 ans
– 9 à 11 heures pour les écoliers de 6 à 13 ans
– 8 et 10 heures pour les adolescents de 14 à 17 ans

POUR ALLER PLUS LOIN

• Si on réapprenait à aimer dormir ? Un article doux comme une berceuse par la psychologue clinicienne Hannah Baumgartan

• On consultera avec intérêt les 6 conseils donnés par l’Encyclopédie sur le développement des jeunes enfants (Université de Montréal) :
– De combien de sommeil un enfant a-t-il besoin?
– La chambre à coucher d’un enfant ; elle devrait fournir un environnement de sommeil sûr, sans danger et calme
– Établir une routine pour l’heure du coucher
– Garder un horaire régulier
– Apprendre à un enfant à s’endormir seul
– Encourager les activités de la journée qui aident un enfant à dormir la nuit

• Pour tout savoir sur le sommeil et ses pathologies ; des données scientifiques mais vulgarisées de l’INSV.

• Et, pour croiser les infos, dans un style plus académique, une référence universitaire : L’Ecolier et son sommeil, dossier élaboré par des docteurs en médecine.

• Vous cherchez des histoires du soir pour vos enfants ? Découvrez la nouvelle série audio France Inter : des contes pour les 5-7 ans, imaginés et racontés par Delphine de Vigan, Guillaume Meurice, Alain Mabanckou… Un podcast à télécharger sur son site ou sur iTunes, qui sera mis à jour tout au long de l’année avec de nouveaux contes.

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