Détection tardive du handicap, explications iniques, absence de perspectives et, in fine, enfermement et mauvais traitements… La France accuse un retard considérable dans la prise en charge de l’autisme.

Autisme, troubles du spectre autistique (TDA) ou encore troubles envahissants du développement (TDE)… Il est des flottements du lexique qui ne trompent pas, telle cette profusion d’expressions pour désigner un phénomène que l’on commence à peine à comprendre. Nous vous proposons un état des lieux, en guise d’introduction à notre enquête sur le sujet, à paraître durant les prochaines semaines.

Prisonnier de soi-même

Le terme autisme, formé au début du XXe siècle à partir du grec ancien « autos » (soi-même), désigne un ensemble de troubles du développement d’ordres sociaux et éventuellement comportementaux qui se manifestent généralement dès la petite enfance. Souvent, les parents se rendent compte que leur enfant est replié sur lui-même, que son regard semble fuyant, qu’il évolue dans une sorte de bulle, avant son deuxième anniversaire. Les choses se confirment lorsqu’il tarde à apprendre à parler, dans une gestuelle erratique, dans un refus des contacts physiques, avec des occupations très sélectives et répétitives. Trop longtemps, sans aucun fondement, parce que des psychanalystes ont été les premiers à identifier et caractériser l’autisme, on l’a considéré comme une affection psychologique, une maladie psychiatrique qui résulterait de l’éducation parentale et, plus particulièrement, de la relation de la mère à l’enfant. Soit qu’on reproche à celle-ci de ne pas l’avoir assez désiré et aimé, soit qu’on lui reproche, à l’inverse, d’être étouffante et fusionnelle. Des approches culpabilisantes et vaines, dont la communauté scientifique est largement revenue.

Des mécanismes cérébraux mal connus

A ce jour, les pistes les plus crédibles sont celles d’un dysfonctionnement neurobiologique, vraisemblablement lié à des prédispositions génétiques, et peut-être tout autant à des facteurs environnementaux. Ce n’est pas une maladie qui s’attrape. On naît autiste, on ne le devient pas sur le tard. On ne guérit pas de ce handicap, encore que les progrès de la recherche, notamment sur la flore intestinale, laisse espérer un traitement. On suppose que les autistes présentent un dysfonctionnement de certains neurones, une mauvaise capacité à appréhender les actions et les pensées des autres, voire qu’ils n’auraient pas d’intérêt pour les interactions sociales, ou une incapacité à gérer, à hiérarchiser le trop plein d’informations sensorielles. Ils ne comprennent pas les codes sociaux, les sous-entendus, les expressions du visage. Ils excellent dans l’observation des détails, mais n’ont pas une bonne vision d’ensemble. En tout état de cause leur cerveau fonctionne différemment. Chez certains, cela conduit à une apathie, chez d’autre au contraire à une hyper sensibilité… Contrairement aux idées reçues, l’autisme n’implique pas nécessairement une moindre intelligence, ni de troubles du comportement. Des cris, des gestes brusques, de l’agressivité, des formes d’automutilation peuvent survenir, mais cela ne résulte pas tant de la maladie que de ces conséquences : l’impossibilité de communiquer et l’immense frustration qui va de paire. Si l’on abandonne l’autiste dans sa bulle, le risque est grand d’en arriver là. Mais ce n’est pas une fatalité. Aujourd’hui se mettent en place des méthodes qui permettent de faire sortir un autiste de cette “bulle”, de le faire communiquer, de le rendre présent et conscient.

Des décennies de retard

Schématiquement : les autistes ont des problèmes de communication et d’interactions sociales ; il faudrait compenser ce déficit, justement en les intégrant pleinement à la société. Or, le plus souvent, on fait tout le contraire, on les exclut, on les enferme, on les isole, on les met sous camisoles physiques ou chimiques, réduisant à néant tout espoir de progrès. A cet égard, la France est bien placée… On n’ignore pas que notre pays, mainte fois pointé du doigt par des instances internationales, semble avoir pris la mesure de ses manquements et a fait de l’autisme une cause nationale. Mais chaque année, le 2 avril, Journée mondiale de sensibilisation à l’autisme, est avant tout l’occasion de déplorer l’inacceptable retard français dans la prise en compte des centaines de milliers d’enfants et adultes avec autisme, sans parler de leurs familles. Pour obtenir un diagnostic médical, il faut encore trop de temps, en moyenne pas avant l’âge de 5 ou 6 ans. Des familles sont donc laissées à l’abandon, incapables d’aider leur proche par ignorance d’un personnel médical qui n’a pas reçu la formation nécessaire pour identifier des symptômes pourtant bien connus. Or, on sait pertinemment que plus une prise en charge adaptée est précoce, moindre sera le mal. C’est ce que nous verrons dans les prochains articles de ce dossier.

— Lire aussi —

Autisme, il semblerait que les pouvoirs publics se réveillent

Entre un constat accablant de la Cour des comptes, de nouvelles recommandations de la Haute autorité de santé
et l’annonce prochaine d’un nouveau plan d’action gouvernemental, il n’est pas interdit d’espérer que s’améliore enfin

la qualité de vie des autistes en France.

Crédits

Photo : © Ethnomedia / jcm pour Apivia Prévention